WOuaah… ce fut la seule mimique que pu exprimer la gamine lorsqu’elle franchit le seuil de l’atelier de son cher ami, le Père Noël. Fumées colorées, odeurs sucrées, lumières tamisées et… et une sensation désagréable qu’il manquait quelque chose.

- Bah, il est où le Père Noel ?

Par chance, sa réplique fut engloutie par le bruit mécanique des machines qui fonctionnaient à plein régime en cette période de Noel. Lorsque Selene lui lâcha la main pour retirer sa veste humide, Myia prit conscience de la chaleur ambiante et l’imita. Détournée momentanément de ces merveilles visuelles et olfactives, elle se calma. Quelques secondes plus tard, elle retrouvait l’apparence de ses vingt-quatre ans. Quelques lutins en profitèrent pour lui jeter un regard en biais, signe qu’elle n’appartenait plus à leur clan.
La courte intervention de Selene fut presque oubliée par l’arrivée de Margaret. Finalement, elle était encore vivante, et son état fantomatique s’était dissipé. Mais le sien alors ?
Aussitôt dit, aussitôt fait, un flash lumineux enveloppa la jeune femme et son costume de vampiresse s’estompa dans un nuage d’étoiles scintillantes. Sa tunique sombre et trempée laissa place à sa tunique blanche qu’elle avait récupérée à Sextus. Au moins, avait-elle le mérite d’être sèche.

- C’est pas trop tôt ! Coucou Margaret ! Maintenant qu’on n’a plus cette fichue malédiction, on va être plus efficace !

Selene fut la plus polie du groupe et salua la nouvelle arrivante. De suite familière, elle lui souligna même que son nez coulait, un peu trop poliment puisque la concernée de comprit pas de suite.

- Elle veut dire que ton nez coule ! Tiens, t’as qu’à prendre le mouchoir du Père Noel là…

La gamine s’approcha d’une étagère où grouillaient d’innombrables objets pour empoigner un mouchoir d’une simplicité étonnante. Redoutant un geste violent de la part des lutins, elle leva les bras en signe d’innocence :

- Pour les besoins de l’enquête…

- Ca nous est égal, il n’est pas au Père Noel, répliqua un lutin, affligé par cette traitresse de grande taille.

Myia afficha une moue boudeuse à ce lutin peu hospitalier puis prit la direction de l’endroit où était entassée une montagne de lettres, à savoir, le bureau de Klaus. Elle s’assit non loin de la montagne de lettres et ouvrit une première lettre, puis une seconde. Quelques récits eurent le don d’émouvoir la jeune femme.

« Cher Sent à Close, cette année je ne veux qu’un seul cadeau. Donc oublie ma panoplie complète du chasseur de voyageurs, et offre-moi le super canon 2100 qui pourra m’envoyer au ciel retrouver ceux que j’aime… »

Myia versa une larme tendit qu’elle parcourait la lettre d’un adulte qui demandait quelques rubz pour soigner son enfant malade. Même les adultes croyaient au Père Noel ici… Toutes ces lettres si bien écrites et parfois complétées par quelques biscuits émiettés… qu’une exception échappa au regard attentif de Myia. Une lettre sombre, à l’écriture sèche et rouge déchirait presque le papier rugueux. La lettre étrange termina son chemin aux pieds de Selene, tandis que la jeune femme poursuivait sa lecture passionnée.

Serena s’était de nouveau retrouvée absorbée par on-ne-sait quelle force mythique pour finir sur le dos d’un renne en direction d’un pays lointain et gelé. Arrivée sur cette étendue blanche et scintillante, elle se fit toute petite, un peu comme si elle était de trop. Tout le monde s’était agité autour d’elle, alors que sa mission était encore floue : retrouver le Père Noel. Mais le chercher où ? L’atelier du Père Noel en compagnie de quelques têtes familières comme Selene, ou à la poursuite désespérée de l’usurpateur.
A choisir, elle préférait être au cœur de l’action, d’autant plus que beaucoup de voyageurs s’étaient portés volontaires pour profiter de la chaleur ambiante de l’atelier.
Elle remonta donc sur le dos de son renne, s’accrochant avec force au pelage de l’animal tandis qu’il décollait, à la poursuite du faux Père Noel. Bien entendu, elle se retrouva en fin de peloton, doublée par une belle équipe masculine.

Sa vision ne lui permettait pas de distinguer convenablement les formes devant elle, mais elle devina le traineau qui laissait derrière lui une forte trainée dorée. Le froid glacial s’infiltrait sous les jointures de ses vêtements et la veste qui lui avait été rapidement confiée n’avait plus aucune utilité. Au bout de quelques minutes, soit sa vision lui fit de nouveau défaut, soit elle devenait folle. Une sorte d’enclume, ou une ancre apparut non loin du fameux traineau, sembla rater sa cible, puis disparu. Une autre sembla se matérialiser pour finir sur le traineau du dit usurpateur.

- Ah ! Pas bête !

Le poids de l’objet sembla suffire à faire descendre de quelques mètres le véhicule volé. Mais est-ce que cela suffirait à la mettre à terre ? Serena souffla un bon coup avant d’attraper, toute tremblante le carnet accroché à sa ceinture. Quelques coups de crayons plus tard, et une ficelle étrange se matérialisait dans ses mains. La monture bougeait trop pour que son dessin soit d’une précision remarquable. A défaut de mieux, elle redessina de nouveau une corde, utilisant comme modèle, celle qui affublait sa monture. Son regard avait totalement oublié la direction dans laquelle elle se dirigeait, pour se mettre de nouveau à dessiner. Son crayon suivait le rythme imposé par les mouvements du renne, et elle trouva même un rythme à chantonner pour ne pas se tromper.
Pour finir, une petite corde se matérialisa au creux de ses mains. Elle était enroulée sur elle-même, comme la jeune fille l’avait dessinée. Serena savait qu’elle était limitée dans la taille des dessins qu’elle réalisée. La corde était plus grande que sa main, du fait de son enroulement, mais le dessin, lui, respectait les conditions d’activation de son pouvoir.
Le doute l’avait cependant assaillie, et elle espérait que la corde qui servirait très bientôt à attacher le faux Père Noel ne disparaitrait pas dans un éclair lumineux.
C’était Noel après tout…

Margaret eut quelques instants de doute en voyant Selene aussi gênée lui bredouillant quelque chose à propos de son nez, elle l'effleura pour vérifier qu'il était toujours en place mais ne trouvant rien qui sortit de l'ordinaire elle adressa à la rousse un sourire exprimant son incompréhension tout en haussant les épaules.
Tous s'engouffraient dans une pièce et la jeune indienne suivit donc sa nouvelle connaissance lorsque Miya surgit pour la saluer et lui indiquer au passage que son nez coulait à flots. Aussi contente fut elle de revoir la jeune femme et de constater qu'elle avait de nouveau reprit son apparence d'origine qu'elle n'en fut pas moins horrifiée par ce qu'elle lui dit, elle tenta d'essuyer son nez avec son bras mais cela sans grand succès. Pour couronner le tout elle n'avait aucun mouchoir sur elle étant donné qu'elle était partie du "monde réel" en plein été. Miya qui se voulait sa sauveuse s'empara d'un mouchoir mais au lieu de revenir vers Margaret se dirigea vers un pile de lettre qui avait attiré son attention et se mit à la lecture.

Margaret la suivit mais la voyant si passionnée dans sa lecture, elle n'osa la déranger, s'ensuivirent quelques minutes qu'elle trouva des plus gênantes mais pendant lesquelles elle eut le temps d'observer un peu ce qui l'entourait, tous semblaient plongés dans leur réflexion et à en croire ce qu'elle entendait le père Noël avait de bonnes chances d'être un soulard.
Et en regardant à terre elle vit quelques bouteilles d'alcool puissant qui lui firent froncer les sourcils et grimacer de dégoût. L'alcool avait totalement détruit le peuple indien et ses parents lui avaient appris à considérer avec mépris toutes les formes d'alcool, elle-même n'en avait jamais gouté et était résolue à ne jamais le faire. Elle savait trop bien comment ce liquide pouvait anéantir la raison et réduire l'Homme à un état bestial effrayant, elle en avait trop vu pour pouvoir être tentée.
Elle détourna alors son regard pour le reposer sur Miya, ses yeux fixant intensément le mouchoir immaculé, espérant certainement l'attirer à elle par la force de sa pensée.

Une des lettres en question termina à terre sans que Miya ne soit dérangée le moins du monde dans sa lecture, son aspect frappa Margaret, à la voir de loin on aurait pu croire à la lettre d'un fou furieux dont l'écriture incisive ne présageait rien de bon.

"Regardez..."

Elle la ramassa aux pieds de Selene en lui faisant remarquer cette étrange découverte, attirant ainsi l'attention de Miya elle en profita pour récupérer le précieux mouchoir et faire ainsi disparaître au plus vite ce qu'elle espérait être les dernières traces de son voyage éprouvant.

"Celle-ci est tombée du paquet que tu tiens en mains"

dit elle en s'adressant à Miya, elle essaya alors de la déchiffrer car l'écriture était presque illisible tellement les caractères avaient étés tracés à la va vite, elle ne put reconnaître que quelques bouts de phrases qui étaient bien loin d'être aimables.

"Dis-moi Miya, ces lettres est-ce que ce sont des lettres de réclamation? Celle-ci me semble particulièrement corsée d'après ce que j'arrive à déchiffrer, vous arrivez à tout comprendre vous?
"Vengeance", "vous me le paierez", c'est pas très joyeux tout ça..."

La pièce avait rapidement était investie à la suite de la rouquine. Tout d’abord la copie conforme de la jeune fille avec laquelle elle était en train de discuter accompagnée par son amie brune au teint pâle, puis Margaret, Myia et Yoru. S’attendant à une réponse de la part de la fausse jumelle, l’attention de Selene ne fut attirée que lorsque l’hypocondriaque récupéra à ses pieds ce qui ressemblait à une lettre. L’écriture rouge entaillait presque le papier noir de l’enveloppe et de ce qu’il était possible de déchiffrer des pattes de mouche qui s’étalaient à l’intérieur, le contenu n’était pas des plus joyeux.

Mais était-ce pour autant un indice de plus ? La toquée eut subitement l’impression d’avoir la tête qui tourne, perdant pied dans cette montagne d’informations qui n’avaient finalement pas beaucoup de liens logiques. Une lettre haineuse ? Un minibar ? La seule chose dont ils étaient certains, c’est que le Père Noël était entré dans son bureau sans en sortir tandis que l’imposteur en était sorti sans que personne ne l’y ait jamais vu entrer. Une équivalente de l’équation était qu’un homme normalement gentil, aimable et bon entrait quand un rustre grossier et ivrogne sortait.

Son regard noisette voyagea passivement des livres de magies empilés sur l’étagère aux bouteilles d’alcool soigneusement rangées dans le minibar. Peut-être y avait-il un lien entre les deux ? Jade avait peut-être vraiment eut raison en pensant qu’il aurait raté un tour de duplication ou quelque chose du genre. Si jamais il avait ensorcelé l’une de ses boissons et que son idée ait mal tournée ? Rejoignant Myia toujours près du bureau, occupée à parcourir les lettres avec curiosité, Selene lui adressa un sourire avant de scruter le fouillis qui y régnait avec attention et vivacité.

Ses mains cherchaient plus ou moins à tâtons, elle saisissait les jouets avant de les reposer, repoussait des piles de lettres ou des brouillons sans intérêt, souleva une assiette encore sale d’un repas récent, puis poussa un soupir en abaissant les épaules. Décidément, tout ce désordre finissait par lui donner le tournis et elle ne savait plus où donner de la tête. Elle pressa ses paumes sur ses yeux, laissant dans son champ de vision des traces colorées fantomatiques qui s’estompaient avec lenteur, avant d’en revenir à l’investigation de tout ce qui trainait sur le bureau. Avec lenteur, elle reprit plusieurs piles des papiers qu’elle avait mis de coté pour tous les réexaminer avec plus d’attention.

Finalement, son effort finit par payer puisqu’elle retrouva, coincé entre deux schémas de jouet inachevés, un post-it à l’effigie du père Noël. Sans qu’elle sache pourquoi, peut-être simplement l’euphorie de l’autosatisfaction d’avoir trouvé quelque chose pouvant être utile de près ou de loin, un sourire fendit le visage las de la toquée. L’encre avait légèrement bavé, mais en en-tête, on pouvait lire « Pense-bête de petites choses à tenter pour alléger ma charge de travail à Noël ». Dans la liste qui s’en suivait, la grande majorité des points semblaient être des idées de nature magique auxquelles étaient associées des références d’ouvrages. La rouquine entreprit de la lire en se grattant l’arrière du crâne. Elle préférait être sûre d’avoir quelque chose de suspect avant de s’écrier qu’elle avait du nouveau.