Les six adolescents discutaient de leurs futures séparations et de leurs plans à mettre à exécution, lorsque un cri les intéressa:

-"A MORT ! A MORT ! VOUS AVEZ TUE MA FILLE !"

Nolan tourna brusquement la tête en direction du cri, et eut premièrement l'horreur de remarquer l'attroupement que leur petite bande avait généré devant la ruelle. Ils n'étaient alors vraiment pas les bienvenus, apparemment... Et il distingua parmi la foule, un homme que tous les autres dévisageaient. Peut-être (et sûrement!) était-ce lui l'origine du hurlement qui leur avait rendu grâce. Evidemment, Nolan était persuadé que tous ses amis « voyageurs » ne voyaient pas du tout cette réunion à la rigolade, comme cela pouvait se lire sur les visages de certains passants arrêtés là, qui trouvaient l'arrivée de cet homme plutôt amusante.
Mais, son visage défiguré par le chagrin, ses grands yeux ternis par les larmes, il ne s'écoula qu'une seconde pour que sa présence créée la panique. Sous son imperméable jaune canari se dissimulait deux énormes batons de dynamite qui n'annoncaient strictement rien de bon. Les dévoilant, les passants s'écartèrent d'autour de lui et Nolan fit un pas de recul.

*Non, il ne fera pas ça...!* se rassurait Nolan en répétant cette phrase longuement pour lui-même.

Mais l'homme n'hésita pas à s'élancer vers le groupe de voyageurs qu'ils étaient. Mais à quelques mètres du contact, le kamikaze s'étala de tout son long sur le trottoir, et la bombe explosa dans un fracas assourdissant.
Nolan se sentit arraché du sol et déposé avec toute la violence du souffle de l'explosion au plein cœur de la foule paniquée. Dans le mouvement brusque provoqué par les passants qui s'éloignaient le plus rapidement possible du drame, Nolan se sentit happé par la solitude. Où étaient-ils tous, les autres voyageurs, dans ce chaos terrifiant? L'adolescent se contenta de suivre la masse vivante qui se déplaçait vers l'extérieur de la ville. Enfin, dans toute cette confusion, Nolan n'était plus sur de rien.

Petit à petit, la foule se fit moins nombreuse et moins brusque. Mais Nolan se retrouva seul. Les immeubles qui s'élevaient autour de lui étaient remplacés par de gros bâtiments industriels aux allures pour certains désaffectés. Rien de très accueillants mais bon, ce genre d'établissement serait pour lui une des meilleures cachettes. L'enfant ne voulait pas trop attirer l'attention, mais ne savait pas quoi faire. Il décida d'abord de s'assoir pour réfléchir. Peut-être pour vider cette peur qui l'avait envahie comme jamais auparavant. Celle d'être poursuivi, attrapé, jeté dans une prison sans aucune raison... Juste celle d'être un étranger.
Les mains dissimulant son visage, il resta une bonne dizaine de minutes à réfléchir et à lutter contre les larmes qui l'attaquaient inlassablement.
« L'union fait la force. » avait dit Ashley avant toute cette catastrophe.
Nolan acquiesça à ce bref souvenir et se lança à la recherche de son groupe dissout. Mais, même à travers les rues de cette zone industrielle, la quête de Nolan ne s'éternisa pas.
Au loin, une chevelure blonde lui fit réellement chaud au coeur...

Ashley réalisait maintenant qu'ils n'étaient plus seuls. En effet, un attroupement certainement composé d'Elipsiens s'était formé autour d'eux, et cela santait vraiment le moisit. L'hostilité qu'ils pouvaient leur porter était ouvertement révélée, ne serait-ce que par l'expression de hargne qui planait sur chacun de leur visage. Avant d'avoir pu faire quoi que ce soit pour essayer de s'en aller sans trop se faire remarquer, Ashley sursauta au son plus strident qu'autre chose.

A MORT ! A MORT ! VOUS AVEZ TUE MA FILLE !

Un homme un peu badant s'était élancé en direction de la foule et la fendait en deux, à la manière de moïse. Le cœur de la jolie blonde sauta trois ou quatre battements lorsqu'elle aperçut scotchés à sa bedaine une ligne de ... DYNAMITE ! Ils étaient en danger, c'était net. Mais que leur voulait-il ? Pourquoi eux ? D'autres voyageurs auraient-ils fait du mal à l'enfant de cet homme ? Réprimant un soubresaut de dégoût, Ashley concentra son attention sur l'homme qui venait de hurler. Les passants qui avaient tout aussi bien remarqué le danger reculèrent d'un pas, à l'unisson, comme lors de la répétition d'un ballet. Sauf que celui-ci promettait d'être on ne peut plus mortel s'ils ne réagissaient pas. L'homme, fou de rage et probablement de chagrin, s'élança en direction d'Ashley et les autres. ( mal)heureusement, il se prit les pieds dans les pans de son horrible imperméable jaune canard et s'étala comme une bouse sur le sol. Horrifiée, Ashley eut le temps d'hurler à plein poumons : COURREZ !

La bombe explosa, ou plutôt implosa. Sans comprendre ce qui lui arrivait, Ashley se sentit happée par un souffle chaud et atrocement fort. Des hurlements retentissaient de parts et autres, et la blonde fut de suite séparée de ses compagnons. Elle tourbillonna presque dans les airs durant un temps beaucoup trop long à son goût, avant de s'aplatir violemment sur le sol. La foule autour d'elle se dispersait dans un cris de panique, et elle se prit deux ou trois coups de pied dans les côtes au passage. Elle se releva du mieux qu'elle pu afin de se mettre à la recherche de ses amis. Paniquée, elle scruta la foule tant bien que mal. Ses côtes étaient douloureuses, et ses cheveux cramoisis. Mais elle était vive, et c'était un miracle. Elle eut un pincement au cœur en pensant à cet homme. Il était certes dangereux et avait certes tenté de les assassiner, il restait un père en deuil rongé par la tristesse de la perte d'un enfant. Et elle ne pouvait lui tenir rigueur pour sa cruauté envers quiconque s'apparentait aux meurtriers de sa fille.

Ashley se mit en marche, et tourna dans une ruelle qui s'apparentait à de vieilles firmes désaffectées. Elle aperçu au loin une tignasse brune, assez familière. Elle se mit à courir en criant : NOLAN !

Une fois arrivé à la hauteur du jeune garçon, Ashley lui sauta au cou. Dieu merci, tu vas bien ! J'ai eu tellement peur, pour vous tous ! Tu sais où sont les autres ? Je crois qu'il nous faut rester discrets, sinon on va encore se faire repérer ... Finalement la séparation était un signe du destin ...

Ashley retenait ses larmes en lâchant ces dernières paroles. Elle scruta les alentours afin d'apercevoir un de leur camarades. Elle crut distinguer au loin une silhouette d'enfant, aux cheveux aussi bruns que ceux de Nolan. Elle héla anxieusementle nouvel arrivant : Dean, c'est bien toi ? Elle attendait une réponse positive d'un air inquiet.