Melena sursauta lorsque la trappe s'ouvrit, et se figea lorsqu'elle vit les corps qu'on balançait dans la cale. Horrifiée, elle fut prise de tremblements, qu'elle essayait de réprimer au maximum. Lorsque le vieillard descendit à son tour, elle crut être plongée dans un bac d'eau glacée, de visu, il la terrifiait. Lorsque l'ordre fut donné de tous les alligner, elle se laissa entrainer, sans même songer à opposer une resistance. Son sang battait à ses tempes, et alors que d'autres des voyageurs se faisaient réprimander de façon musclée pour obeir, son regard ne cessait de bifurquer vers les cadavres, dont le sang suintant de leur crâne brisé commençait à imprégner le bois.
Ses pensées étaient bloquées...

*Des morts ! Ce sont des morts ! Des morts ! Je vais mourrir aussi ?!*

Elle se trouvait à une extrémité de la file, aux cotés de Gabriel à qui, même si elle ne le connaissait pas, elle se serait volontier aggripée pour dissimuler sa peur. Sa tête bourdonnait tellement qu'elle n'entendit pas la remarque que fit McFlair à son sujet. Celui-ci continua donc de scruter chacun des voyageurs.
Il eut enfin finit, et lança son verdict : Melena et cinq des autres de ses compagnons de cale allaient devoir aller travailler à la laverie.
L'irlandaise fut donc entrainée, un marin la tenait de deux mains puissantes par chacun de ses bras fins, et conduite à l'extérieur. Elle aperçut les voyageurs qui travaillaient sur le pont, mais elle n'entendait plus ni le bruit des vagues, ni les cris des marins. Son coeur battait de plus en plus vite, à lui faire mal, et sa vision blanchissait de plus en plus. Elle avançait machinalement, mais ne sentait plus son corps, et sa panique continuait de s'accroitre, au fur et à mesure qu'elle réalisait la situation : elle n'était pas dans un rêve ! Elle se retrouvait inexplicablement sur un bateau, avec des pirates pour beaucoup larges comme des armoires qui n'hésiteraient certainement pas à la tuer si elle faisait mine de se révolter.

*DES MORTS ! Je vais mourrir !*

Elle commençait à suffoquer, son coeur eut l'air de rater un battement ou deux, et les bourdonnement se firent si intense dans sa tête qu'elle n'entendit bientôt plus que sa respiration qui s'essouflait. L'odeur qui règnait dans la laverie ne l'aida pas, au contraire. Sa vue se brouilla totalement. Cédant à la panique, elle voulait crier, mais aucun son ne sortit de sa gorge. Quand le marin la lâcha, elle s'effondra sur le sol, désormais incapable de remuer un cils. Elle sentait ses paupières figées, son coeur qui ralentissait inlassablement. Elle usa une nouvelle fois de toute ses forces pour pousser un hurlement de terreur... en vain.
Elle était en train de mourrir ?! Elle ?! Pourquoi ?! Comment ?!
Elle maudissait le docteur parkinson, chez qui elle s'était rendue pour soigner sa nécrophobie, et qui l'envoie à la mort elle même.
Désormais, la voilà allongée aux pieds d'un pirate dans un monde inconnu, la peau blafarde, ses yeux morts ouverts rivés sur les bacs d'eau chaude. Sa chevelure noire s'étendait autour de sa tête comme une auréole sombre qui confirmait son destin funeste. Sa peur était telle qu'elle croyait être devenue folle. Son corps refusait obstinément de répondre. Elle se savait aussi inerte qu'un cadavre, la bouche entreouverte, son poul éteint. Qu'allaient-ils faire d'elle ? Pourquoi cela arrivait ? Et si ils la balançaient à la mer ?!
Melena aurait pleurer toutes les larmes de son corps, mais elle ne pouvait rien faire. Absolument rien...

Les choses semblaient pouvoir être difficilement pire: coincée dans une cale avec pour seule perspective de crever la bouche ouverte. Et pourtant... quelques minutes plus tard des corps sans vie furent balancés dans la cale au grand effroi des voyageurs présents. Suzon blémit à cette vue commençant, sa gorges se serra, des larmes menaçaient de couler d'un instant à l'autre.

D'une vois blanche elle répéta inlassablement:

- Je l'avais dit... ne pas monter... tueé... ils les ont tué... ils nous en veulent... je l'avais dit...
C'es la bourrade d'un marin la poussant à rejoindre le rang de ses petits compagnons qui ramena un peu la rouquine à la réalité. Maugréant elle s'exécuta. Un examen rapide et le verdict tomba: elle et quelques autres de ses compagnons d'infortune devait monter rejoindre la laverie et se rendre utile.

* La laverie... tu parles d'une ruse à deux balles. On va finir comme ces fichus cadavres qu'ils viennent de balancer si on trouve pas rapidement de solution*
Une solution miraculeuse, elle continuait d'en rêver bien que la situation ne lui laissa pas le moindre choix. S'enfuir? Coincée en pleine mer elle ne risquait pas d'aller bien loin, sans compter ce marin qui lui enserrait fermement le poignet en la conduisant à la laverie.

A peine eut elle franchi la porte qu'elle fut assailli par une forte odeur de lessive qui provoqua chez la jeune femme un haut le coeur qu'elle s'efforça d'oublier au plus vite. Un coup d'oeil dans la salle lui suffit pour réaliser sa méprise: on n'allait pas leur faire de mal, tout au moins pas tout de suite, puisque la corvée qui les attendait exister bel et bien. Et quelle corvée! Rien de l'habituel lancée d'une lessive dans son petit appartement où il suffisait de trier les couleurs et d'appuyer sur le bouton de la machine.

Visiblement ce qu'on attendait d'eux était bien autrement désagréable: laver à la main, à l'ancienne, une montagne de vêtement crasseux à souhait et à l'odeur nauséabonde.

- Gé... nial
Grommela Suzon entre ses dents. Elle n'eut guère le temps de continuer son observation plus longtemps qu'elle entendit un bruit sourd juste derrière elle. Après avoir sursauté elle se retourna rapidement pour découvrir Méelena inerte au sol. Evanouie? C'eut été trop beau: celle-ci ne semblait même plus respirer.

La rouquine s'agenouilla rapidement à ses cotés posant la main sur son cou pour y prendre son poul, mais rien... absolument pas le moindre battement. la jeune femme devint pâle comme un linceul avant d'annoncer d'une voix étouffée:

- Elle... je crois qu'elle est morte.
Elle se releva en chancelant. Cette fois les larmes coulaient bel et bien le long de ses joues, roulant en petite goutte qui finissaient par tomber le long de son menton.

- Elle... elle est morte... ils ... ils ont du ... l'empoisonner... je ne sais poas... mais c'est leur faute. ils nous en veulent. je vous l'avais bien dit, non? On... on va tous crever sur ce bateau pourri.

Elle poussait désormais de véritables cris hystériques.

Elijah retint péniblement un rire nerveux, préférant laisser ses doigts se mêler aux cheveux de Gabriel. Sans surprises, la demoiselle parano refusait totalement d’aller en cuisine car.. Elle aurait pu être frappée, tuée.. ? Oh, la grande perte. Enfer et damnation. Tristesse et désespoir. Mais c’est ça l’idée, cocotte, c’est pas risqué..

La question que James posait pouvait paraître naïve, certes, mais était pleine de bon sens. C’est vrai quoi, ils en avaient pour.. Combien de temps, de voyage ? Ils allaient pas rester dans leur coin à glandouiller comme des cons, quand même.. Le rouquin se tapotait la lèvre, pensivement. Ils auraient pu en profiter pour faire plus ample connaissance, savoir un peu qui ils étaient, tout ça..

James interrogea Suzon, et à ce moment là, Eli vit qu’elle le fixait avec un air.. Constipé ? Concentré ? .. Peut être un mélange des deux.. Qu’est-ce qu’elle faisait ? Heureusement pour elle, la jeune fille avait pris James comme cible de son nouveau super pouvoir , James, petite créature innocente et gentille. Si elle avait testé sa capacité sur Elijah, elle aurait sans doute bien pu voir à quel point il avait envie de lui dire d’aller se faire prendre de force par un caribou dépravé, ou, à défaut d’avoir ça sous la main, un rameur frustré.

Enfin, quelque chose d’autre venait de se passer. Quelque chose qui avait fait du bruit. Beaucoup. Une arrivée de cadavres, pour être exact. Bwah. Elijah resserra la pression doucement autour du petit corps de Gabriel. C’était vraiment pas beau à voir. La rousse se lança dans une sorte de litanie sur la haine qu'ils éprouvaient pour eux. Evidemment qu’ils leur en voulaient, ils voulaient les vendre comme esclaves. Ils allaient pas leur offrir des petites fleurs en chantonnant joyeusement au clair de la lune, non ? Et c’était même pas fini, un vieillard et quelques marins venaient de suivre, les faisant s’aligner contre le mur. Bordel, il voulait bien, d’accord, mais pas de mal à son ange ! Il le garda proche de lui, obéissant docilement aux ordres de Monsieur.. Monsieur ? Monsieur le vieil homme.

Evidemment qu’ils n’étaient pas impotents, mais ramer, très peu pour lui. Laver les caleçons, ça par contre… C’était bien plus de son ressort, et le regard qu’il adressa à Aldaée voulait tout dire. Certes, il voulait bien laver tout ce qu’il leur plairait qu’il lave, mais.. S’éloigner de Yoru et d’Aldaée ? Ils feraient quoi d’eux ? Ils allaient pas les jeter par-dessus bord, hein ? Ah non hein ! .. Le rouquin jeta un regard empli de ‘‘ Nooon je veux pas y alleer ’’ à la jeune fille, mais fut traîné contre son gré jusqu’à la laverie. Heureusement, il avait Gabriel. Seul point positif.

Elijah suivit la file, derrière la fille très brune qui voulait s’échapper. Melanie ? Melina ? Me.. Oh, la brune quoi. Seulement elle ne sembla rien trouver de mieux que de tomber et.. Mourir.Bordel, c’était bien le moment de crever.. Enfin ça en faisait toujours une de moins ! Et voila que la rouquine se mettait à pleurer, super. Génial. Comme si c'était le moment ! Pleurer encore, pourquoi pas, mais se mettre à hurler, ah ça non.

Exaspéré, lui adressant mentalement plusieurs fois de fermer sa jolie petite bouche, le jeune homme avança vers le bac plein de vêtements sales, poussant légèrement Suzon au passage, grommelant.

- Tu gênes.

Se motivant mentalement, à coups de ‘‘ Allez, t’es pas une chochotte, hein ! ’’, le roux prit un petit tas de vêtements sales dans les bras, l’emmenant devant un des bacs. celui-ci serait le sien, hop. Prenant courageusement le premier vêtement qui lui tomba sous la main, à savoir une pièce de tissus qui avait due être un caleçon mais qui, à cet instant présent, ne ressemblait plus guère à quelque chose, le garçon le cala contre la planche, ajouta de la lessive et commença à frotter énergiquement. Seule une chose le dérangeait vraiment dans cette tâche, la bande son. C’est-à-dire ? Les cris de la parano. Il haussa la voix, continuant son travail.

- Si tu veux pas finir comme elle, tais-toi et lave. Vite.

Dean ? Dean était fatigué, perplexe et apeuré. Il avait peur, ah ça oui ! Il avait été rassuré l'espace de quelques minutes, lorsque James s'était mis à sa hauteur pour lui expliquer la situation et lui dire que tout irait bien. Un bateau...des esclaves...du travail ? Tout ça ressemblait aux composants d'un mauvais film. Le petit garçon en frissonnait. Il était resté blottit contre James, accroché à sa manche en se disant que tant qu'il restait avec son "père" il ne risquait rien. Puis Brooke s'était mise à sa hauteur et lui avait dit elle aussi qu'il ne devait pas s'inquiéter, qu'ils allaient s'en sortir. Son ton sonnait faux. Dean avait peur. Et puis plus personne ne s'était occupé de lui. C'était un sentiment étrange pour le gamin qui avait jusqu'à l'heure toujours été le centre de l'attention des adultes avec lesquels il vivait. Et maintenant ? Maintenant il ne savait plus. Il devait juste se faire tout petit et rester avec James. Et avoir peur aussi. Peur de ce qui se passerait. Oh, si tout ceci n'était qu'un rêve, il aurait tellement voulut que cela s'arrête. Retrouver la figure de Parkinson qui lui dirait que la séance était finie, et rentrer chez lui et ne plus jamais revivre une chose telle que ça. Plus de nuit sanglante. Plus de marchands d'esclaves. Que tout ceci ne soit qu'un rêve, une dérive de son imagination, qu'il se réveille enfin et qu'il oublie cet affreux cauchemar. Hélas, tout était bien...réel....

Soudain, une porte s'ouvrit coupant part aux réfléxions du gamin et à la conversation des adultes. Parce qu'il le voyait bien, les adultes parlaient. Ils devaient sûrement se demander ce qu'ils devaient faire et d'autres questions qui nécéssitaient des prises de décisions. Des trucs d'adultes, quoi. Dean ne s'y interessait pas. Il ne s'interessait jamais aux choses qui ne le concernait pas. Sauf que là, les grands marins qui descendaient les marches et qui venait de jetter des formes bizarres sur le sol le concernait. Au début, le jeune garçon avait crut à des oreillers. Puis en plissant les yeux il finit par reconnaitre des corps humains dans un haut le coeur. Morts les corps. Le gamin frissonna et enfoui sa tête contre James tout en serrant plus fort sa manche. Qu'est-ce qu'ils allaient devenir ? Est-ce qu'on les tuerait pour les jetter dans la cale comme ceux là ? Dean avait peur.

Et plus encore quand un vieil homme rachitique prit la parole pour dire qu'ils allaient devoir travailler. Et puis quoi encore ? On allait quand même pas faire bosser un gosse ? Apparemment, il se trompait. Et lourdement, en plus. Les marins les firent s'aligner et le petit ne rechigna pas pour leurs obéir. Ils avaient vraiment l'air coriace ceux là. Mieux vallait faire ce qu'ils demandaient. Ils furent tous contraint de s'aligner sur le mur et Dean lacha avec peine la manche de James. Ca y est, là, il était tout seul. Il frissona quand le vieux monsieur le regarda ainsi que d'autre puis quand il reprit la parole pour dire qu'ils allaient devoir laver du linges à la laverie puisqu'ils n'étaient pas estropiés. Et...et James alors ? Son "père" s'était fait mal à la main, ils n'allaient tout de même pas le jetter aux requins ? Il n'eut guère le loisir d'en savoir plus, on le poussait déjà en dehors de la cale. James...

Il suivit doucement les autres, la tête basse, se demandant ce qui allait bien pouvoir lui arriver. Au moins avait il les deux pieds sur terre, c'était déjà ça. L'accrophobe plaignait les gens comme Brooke qui ne supportaient pas les vagues. Ils finirent donc par entrer dans une pièce sombre et lugubre. Une odeur de savon et de lessive le prit immédiatement au nez. Yeurk ! Mais de quelle qualitée était faîtes cette chose ?! Chez lui, on ne prennait que du bio' qui sentait bon. Mais on était pas chez lui. En plus, lui il n'avait jamais vu de gens faire de la lessive. Sauf dans les films. Bon sang, au XXI siècle, tout le monde avait un lave linge ou une dame de ménage, non ? Non. Et il n'avait pas son mot à dire. Il entendit vaguement une fille grommeler un "génial" ironique. Pour l'heure, il partageait effectivement son avis.

Tout à coup, une grande brune s'affala sur le sol. Elle ne bougeait plus. Dean la regarda, le coeur battant la chamade. Une autre avancait l'hypothèse qu'on avait du l'empoisonner. Ah...Parce qu'elle était...morte ? Le petit trembla et s'éloigna d'un pas chancelant vers Elijah. Au moins, celle ci semblait avoir gardé son sang froid. Elle commencait déjà à prendre des vêtements puants et les frotter. Dean la regardait, essayait de comprendre comment elle faisait. Des vêtements aussi sales, il n'en avait jamais vu. Et puis, comme dit plus haut, il ne savait pas faire la lessive. Aussi essayait il d'apprendre maladroitement. Les bras ballants il ne s'était pas encore résolut à tremper ses mains dans la mousse savonneuse qui se teintait de crasse au fur et à mesure qu'Elijah y frottait les vêtements. Yeurk.

Une autre chose l'intrigua, ce fut une fille qui se mit à fouiller les poches de la morte. Elle se défendit en disant qu'elle n'aurait plus besoin de rien. C'était vrai ça. DOnc finallement, ce n'était pas mal de détrousser les morts...si ? Peut être qu'un jour on avait du lui dire que cela faisait partit des choses qu'on ne faisait pas. Quoique jusqu'à ce jour, la lessive aussi c'était quelque chose qu'on ne faisait pas. Puis elle ajouta que de toute façon, la morte n'avait rien sur elle. Cela n'étonna pas tellement le gamin. Lui non plus n'avait pas grand chose dans ses poches sinon un vieux disque de CD et un balladeur.
A l'autre question de la fille, le petit vit enfin une occasion de prendre la parole et murmura.

" Ouais...On a des pouvoirs...Et c'est pour ça que les gens ils voulaient nous tuer avec leur poulpe. Parce qu'on leur fait peur...du moins...Je crois... T'es nouvelle ici, toi ?"

Puis il tourna la tête vers Elijah sans vraiment attendre de réponse et murmura le regard larmoyant.

" Il va bien James, hein ? Ils vont rien lui faire, hein ?"

Folle de terreur, Melena voulait crier quelque chose quand Suzon décréta qu’elle était morte.

*Mais non idiote ! Je ne suis pas morte ! Je suis vivante ! Enfin… je crois…*

Elle hésita un instant, un frisson aurait parcouru son corps si elle n’avait pas été aussi inerte qu’une charogne. Les cris de la jeune fille qui avait pris son pouls lui perçaient les tympans, mais elle ne s’en souciait qu’à moitié : son désespoir était tellement grand qu’elle se sentait comme dans une bulle, déconnectée du monde qui l’entourait.

*C’est ça être morte ?*

Non ! Non, elle ne voulait pas y croire. Qui donc pouvait mourir comme ça ? Il y avait du poison dans la fléchette qu’elle a reçu en plus de la substance anesthésiante ?! A part ça, elle n’avait rien bu ni rien mangé depuis qu’elle était arrivée, comment l’aurait-on empoisonné ?
Ses pensées s’interrompirent quand une autre des filles qui faisait parti de la bande envoyée à la laverie se mit à lui faire les poches, prétextant qu’elle n’en avait plus besoin. Un accès de colère emporta l’irlandaise, ce qui dissipa sa terreur un moment.

*Attend un peu que je retrouve l’usage de mon corps toi ! Et tu vas voir que toi non plus, tu n’auras bientôt plus besoin de ce qu’il y a dans tes poches !*

Cette menace silencieuse, que Ava n’a sans doute aucunement put percevoir dans les yeux morts de Melena, eut plutôt l’utilité de donner du courage à la nécrophobe. Se persuader qu’elle n’était pas décédée, et qu’elle allait bien tôt ou tard sortir de cet état – avec des explications si possible – lui faisait oublier la situation dans laquelle elle était : aussi immobile et sans défense qu’un cadavre, estimée comme morte, et poussée nonchalamment dans un coin de la pièce. De là où elle était, elle ne les voyait pas, mais elle imaginait très bien ses compères un par un saisir des vêtements sales et nauséabondes dans la pile, et se mettre à les laver, oubliant totalement qu’une jeune fille – certes inconnue – venait de mourir sous leurs yeux sans aucune raison. Tout cela dans l’unique but de préserver leurs vies à eux.
L’irlandaise bouillait intérieurement, d’un mélange de sentiments qu’elle ne saurait elle-même expliquer. Il y avait le désespoir total de voir son corps hors d’usage, le choc traumatisant d’avoir été déclarée pour morte, la solitude et la tristesse immense qu’elle ressentait dans ce monde où, jusqu’à maintenant, personne n’avait encore eut l’air de se soucier d’elle.
Bien sûr, elle avait l’espèce humaine en horreur, et avait l’habitude d’être mise en marge des sociétés, de sorte qu’elle était habituée à ne pas faire l’unanimité. Mais à peine avait-elle osé demander ce qu’elle faisait ici – ce qui lui semblait tout à fait normal – qu’un garçon lui répondit grosso modo de se débrouiller toute seule, et qu’un japonais excentrique n’a pas été plus aimable. Et maintenant qu’elle est morte, on lui fait les poches, et on la met dans un coin… elle eut un élan d’affection pour Suzon, qui n’avait pas finit sa crise de panique, mais en réalité, elle devait plus paniquer pour sa propre vie que pour celle de Melena.

- Vous avez des pouvoirs ?

La question d’Ava la captiva brusquement, et la réponse de Dean tout autant. De quoi pouvaient-ils bien parler ? Toutes les personnes capturées sur ce bateau, l’avaient été parce qu’ils avaient des pouvoirs ? Pourtant… si elle avait la moindre capacité supernaturelle, la jeune nécrophobe s’en serait aperçu non ? Elle se perdit dans ses réflexions, oubliant presque sa condition précaire, et perdit le fil de ce que se disaient les autres. Elle se souvint du japonais désagréable qu’elle avait vu se transformer en chauve-souris… était-ce là un de ces pouvoirs dont parlait le petit garçon ? Pouvait-elle aussi se transformer en chauve-souris ? Ou en n’importe quoi d’autre ?
Lorsqu’elle eut finit de s’interroger, elle réalisa à nouveau son corps inerte, et une nouvelle bouffée de désarroi l’envahit.

*Et après ?!* Pensa-t-elle avec violence. *Où est l’ange qui vient me chercher ? Le tunnel ? La Lumière ? Je ne sais pas, n’importe quoi, mais que je ne reste pas bloquée dans ce corps sans vie ! C’est horrible !*

Melena fut brutalement prise d’un haut-le-cœur. Son corps immobile sursauta, et elle eut tout juste le reflexe de se pencher sur le coté pour vomir ce qui lui restait au fond de l’estomac, depuis toutes les longues heures qu’elle n’avait rien mangé. Elle respirait fortement, comme une personne qui avait manqué se noyer, et se redressa fébrilement en position assise, essuyant ses lèvres pâles d’une manche de sa chemise. L’irlandaise balada lentement son regard autour d’elle de manière circulaire. Elle voyait désormais ses compères occupés à laver les vêtements sales, et les gardes qui les surveillaient d’un œil mauvais. L’odeur infecte du détergent vint les décaper les narines, achevant de la réveiller.

*Ok… alors je ne suis pas morte… je suis bien réveillée… tout cela n’était que… je ne sais pas ce que c’était… mais je ne suis pas morte… je ne crois pas…*

Elle se toucha le visage du bout des doigts, prit elle-même son pouls… il battait vite, la faute à la frayeur qu’elle avait eut qui ne la quittait pas, mais elle vivait.
Elle se mit alors à réfléchir. Si ceci avait été une expérience de la mort, il était HORS DE QUESTION qu’elle recommence. Elle eut un frisson à cette idée et enlaça ses genoux qu’elle ramena contre sa poitrine. Si elle ne voulait pas risquer de se faire malmener, frapper, ou jeter aux requins, pour le moment, elle avait intérêt à faire ce pour quoi on l’avait envoyée ici. Elle aurait après coup tout le temps de chercher un moyen de s’échapper.

La jeune fille se leva donc faiblement, encore fébrile, et s’approcha du bac de lessive comme si de rien était. Elle vint machinalement se placer à coté de Dean, redressa ses yeux gris pour lancer un regard vide à Elijah, glacial à Ava, et entreprit à son tour de frotter l’un des vêtements dégoutant dans l’eau brûlante déjà marronnâtes.

[Ben alors Dean ? Elijah est un garçon tu sais ? xD ]

Elijah jeta un regard méprisant à Ava. Décidément, les filles, il les aimait vraiment pas. D’Amour, on le savait déjà, mais là, vraiment quoi. Certes, elle était morte, elle n’avait donc plus besoin de rien, mais la dévaliser comme ça même pas dix secondes après qu’elle ait rendu l’âme, et devant les yeux d’un enfant innocent, c’était franchement pas terrible hein. Paye l’exemple qu’elle donnait au môme. Ledit gamin venait d’ailleurs de se rapprocher de lui.. C’est bien petit, travaille, toi aussi, courage.

Elijah grommela un vague ‘Oui’ à la question d’une des filles. Laquelle, aucune idée. Sans doute pas la morte, puisqu’…elle était morte, aha, ni la folle furieuse puisqu’elle hurlait encore au désespoir, à l’assassin, au complot.. Bla bla bla. À vrai dire, le roux n’avait absolument aucune idée de ce contre quoi elle pestait exactement, ayant classé ses cris comme ‘nuisance’ dans son esprit. Il n’en restait qu’un vague brouhaha.

Oui, ils avaient des pouvoirs, et Dean le confirmait. El’ posa enfin les yeux sur ce p’tit bout de môme, essayant d’évaluer l’âge qu’il pouvait avoir.. Probablement une dizaine d’années. Quelle misère, il était bien trop jeune pour vivre des trucs pareils. El’ remarqua qu’il n’avait encore pas osé plonger les mains dans l’eau.. Pas étonnant, elle était bouillante, et pas très propre.. Certes. Mais s’il faisait rien il allait s’faire taper sur les doigts, ou pire..

Il farfouilla dans sa pile de linge sale et tendit un vêtement au gamin, relativement clean. Ce s’rait un bon commencement. Comme le petit semblait rechigner encore un peu - il avait pas du faire la lessive souvent dans sa vie, pas surprenant -, El’ le déposa sur le bac, devant lui, et recommença à frotter. Est-ce que c’était la couleur naturelle de ce truc ? .. Mon Dieu. Il ne voulait pas savoir ce qu’était cette tâche.

Le petit Dean leva les yeux vers lui, murmurant quelque chose, une inquiétude que le rouquin ne comprenait que trop bien.. La brunette et son amoureux asiatique étaient eux aussi restés là-bas.. Il répondit immédiatement au petit, d’une voix douce.

- .. Oui. Il va bien. Ca va aller, t’en fais pas. Ils lui feront rien, il est trop mignon pour être laissé aux requins, hein ? .. Ils lui feront rien. Il leur feront rien. Ça va. On les retrouvera plus tard. T’en fais pas, t’en fais pas..

Auto-conviction ? Tentative de rassurer par la même occasion son cher petit Gabriel, étant donné que la petite française était également là bas ? Aucune idée.. Toujours est-il qu’il ajouta un sourire rassurant au gamin, tentant d’appuyer ses propos. Oui. Ils les retrouveraient. En pleine forme. Ou en tout cas pas pire que l’état dans lequel ils étaient.

Le rouquin sursauta brusquement. BORDEL ! La morte ! Elle était finalement en vie. Flippante.. Comment elle avait fait ça ? .. Elle avait eu vachement de chance de pas avoir été jetée aux requins avant d’avoir repris conscience, la vache ! Eli’ la fixa quelques secondes, avant de demander doucement.

- Euh.. M.. ça va ?

Après tout, elle venait de mourir. Il pouvait bien montrer un peu de compassion, quand même. Certes, c’aurait été plus crédible s’il s’était souvenu de son prénom mais.. On fait avec c’qu’on a. El’ reprit un autre vêtement du tas, continuant sa lessive joyeusement. Enfin. Autant qu’on pouvait l’être prisonnier d’un bateau, esclave en devenir, les mains dans l’eau bouillante, et entouré de filles. Arghl, des filles… C’était sans doute ça le pire, dans l’histoire.

Apparemment, et même tout à fait logiquement, le réveil de Melena fit sensation. Elle ne prit pas le temps de soutenir le regard hébété de Ava, car Elijah s’était adressé à elle. L’irlandaise n’eut pas envie de répondre gentiment au jeune roux, qui lui demandait comment elle se sentait. Elle se mit à frotter avec énergie le pan de tissu qu’elle tenait, répliquant avec froideur :

- Oh… mais très bien oui. Je ne sais absolument pas ce qui vient de se passer… mais qu’importe ! Tu avais l’air absorbé par ta lessive tout à l’heure, donc ne te déranges pas en si bon chemin ! C’était quand j’étais… inconsciente, que tu aurais put faire semblant de t’en faire pour moi.

Elle marqua une pause.

- Et la prochaine fois que tu veux t’essayer à la compassion, essaye au moins de te souvenir de mon prénom ! Je m’appelle ME-LE-NA !

Elle se tut, et sortit avec une grimace de dégoût ses mains de l’eau brûlante. Le vêtement qu’elle lavait – qu’elle n’avait toujours pas identifié – était au paroxysme de la saleté, et ne semblait pas pouvoir être nettoyé. Ses bonnes résolutions, d’être docile et de ne rien tenter, commençait déjà à faiblir, tout juste quelques minutes après qu’elle les ait pensé. Tout dans cette pièce l’écœurait, de la pile de vêtements en attente de lessive à l’odeur de détergeant, passant par certains de ses compagnons d’infortune. Quand Ava proposa de s’échapper, Melena dressa les yeux vers elle, les fronçant légèrement.
Cette fille l’intriguait.
Dans la cale, n’avait-elle pas surgit de l’ombre sans prévenir pour hurler qu’on la sorte de là, quel qu’en soit le prix ? Et désormais qu’elle avait eut ce qu’elle voulait, elle souhaitait s’enfuir…
La jeune fille repensa à ce qui s’était passé quand elle est tombée inerte. Aurait-elle agit différemment ? En grande égoïste misanthrope, faire les poches d’une femme morte ne l’aurait pas plus répugné que cela semblait avoir affecté Ava. En fait…, passée sa colère des premiers instants, cette dernière apparaissait soudain comme la meilleure alliée que pourrait avoir l’irlandaise pour se sortir d’ici, parce qu’elle aussi aurait sûrement vendu tous les autres pour s’en aller saine et sauve. Melena se rapprocha doucement de sa comparse blonde, réfléchissant à un moyen de s’enfuir.

- Si tu comptes vraiment t’échapper, commence par parler moins fort ! Lui murmura-t-elle froidement. Tu crois que les gardes vont nous laisser nous concocter notre plan tranquillement ?! Je n’ai pas envie de mourir !

Elle s’arrêta pour reprendre son souffre. Dans cette entreprise pour la liberté, une seule chose lui faisait peur : si elle ratait, elle pouvait être certaine qu’elle ne s’en tirerait pas vivante. Cette simple pensée la faisait frissonner de la tête aux pieds, hérissant désagréablement son échine. Mais avait-elle un grand choix ? Soit elle restait docile, se faisait vendre comme esclave, et risquait d’être maltraitée à vie. Soit elle s’échappait désormais, mais la moindre erreur lui coûterait de mourir.

- Sur ce genre de bateau, il y a forcément des canots ficeler sur les flancs. Reprit Melena le plus bas possible. Ils s’en servent pour atteindre la Terre quand ils doivent accoster une île sans ports par exemple. Si on pouvait en voler un, on serait à flot…

Un autre frisson d’anxiété. Elle ferma les yeux pour l’oublier. Il y eut un bruit quelque part sans qu'elle ne sâche vraiment où, comme quelqu’un qui tirait un objet en fer sur le sol. La jeune fille l’ignora, et poursuivit sur sa lancée.

- Seulement, on ne sait pas à quelle distance se trouve la Terre la plus proche… nous pourrions mourir de faim et de soif sur l’océan avant d’arriver où que ce soit… et puis…

Elle jeta un regard discret aux gardes dans son dos, qui la fixaient d’un air antipathique. Cherchant accessoirement des yeux celui qui aurait été susceptible de déplacer quelque chose, mais aucun ne paraissait avec bougé.

- Tu saurais comment nous sortir d’ici ? Tu parles de pouvoir, mais je ne crois pas en avoir… tu en as toi ?

A cet instant, une voix retentit pour interpeler Ava. Melena dressa les yeux, et aperçu dans un coin de la pièce, face à elle – un peu cachée par Elijah – une personne qu’elle avait déjà vue dans la cale.

*Oh, mais c’est celle qui s’est fait mordre par le japonais… qu'est-ce qu'elle fiche ici ?!*

Sans mot dire, et bien qu’elle n’était pas concernée, l’irlandaise fixait Broke d’un air impassible, se demandant comment elle pouvait sourire dans une situation pareille.

Melena fut la première à réagir, elle aussi semblait être déterminée à ne pas mourir, d’ailleurs lorsqu’elle formula sa volonté de rester vivante, Ava ne put s’empêcher de sourire à celle qui venait quelques minutes plus tôt de ressusciter. Si ça c’est pas de la détermination !
En chuchotant désormais, et il est vrai que cela restait beaucoup plus pratique si l’on voulait avoir ne serait ce qu’une chance de mettre un doigt dehors, Melena exposait ses idées d’évasion. Mais bien qu’Ava l’ait écoutée avec attention, elle sentait bien que le problème principal ne serait pas de s’enfuir canot sous le bras (ce qui paraissait déjà difficile) mais avant tout de sortir de la pièce.

Je ne vois pas à quoi pourront bien nous servir tes canots si on n’est toujours coincées dans cette laverie. Avant tout, sortir de là…

Une autre inquiétude traversa l’esprit d’Ava. Elle reprit dans un souffle à peine audible, afin d’être sur de n’être perçut que d’une seule personne.

Hum… je ne crois pas qu’un canot soit assez grand pour réussir une fuite à grande échelle, et puis il va sans dire que si nous partons à plusieurs, nous serons plus vite repérés… Si on tente quelque chose, notre plus grande amie sera la discrétion il me semble, alors il va falloir être sélective... Ou si tu préfère, nous pouvons toujours laisser parler notre côté altruiste pour le plus grand bonheur des requins qui nagent autour de nous, je suis sur qu'ils adoreront finir nos dépouilles lorsqu'on nous aura repêchées de nos canots.

Ava voulait être certaine que Melena marcherait de son côté, elles n'avaient pas l'air si différentes que ça finalement, et Ava avait bien compris que l'unique chose qui occupait son esprit était de rester vivante. Alors elle avait joué sur ça, mettant en scène ses talents de manipulatrice, même si elle doutait en avoir réellement besoin pour la convaincre. Un crissement fit sursauter Ava qui se redressa alors pour jeter un coup d’œil circulaire autour d’elle. Elle remarqua alors la présence de cette fille, qu’elle avait rencontrée près du camp. Elle se rappelait qu’elle avait alors voulu s’éloigner de ce dernier, elle aussi. Peut être nous serait elle utile dans notre fugue ? Mais sa cheville semblait encore la faire souffrir, puisqu’elle s’était assise par terre et frottait avec peu d’énergie un tissus aussi crasseux que tous les autres. Ava se tourna de nouveau vers Melena qui lui parlait alors de pouvoirs.

Il ne me semble pas en avoir non plus, ou en tout cas il n’a pas fait son apparition jusque là… Euh, par rapport a ce truc, Ava ne pouvait pas nommer autrement le réveil de la belle au bois mourant, de tout à l’heure… Tu fais ça souvent ?!

Elle rit intérieurement du jeu de mot qu'elle n'avait pas formulé, puis repris son sérieux. Ava avait évidement une idée derrière la tête. Si Melena pouvait se faire passer pour morte, cela pouvait les aider dans leur entreprise.

Ou jettent ils les cadavres ? Après la cale je veux dire, je suppose qu’il les jette par-dessus bord non ?

Sans avoir le temps de s’attendre à une quelconque réponse, une voix l’interpella. Il semblait que Brooke l’avait reconnu à l’instant. Ava fit semblant de la remarquer tout juste, et retourna tout en parlant vers sa pile de linge et son bac. Ce n'était pas une bonne chose de rester à rien faire trop longtemps, Ava redoutait plus que tout d'être remise au fond de cette cale puante pleine de corps.

Oh, Brooke. Alors, ta cheville ?

En fait, la santé de Brooke lui importait peu, mais elle pensa qu’il était temps de se remettre à parler normalement. Les gardes semblaient avoir l’œil sur elles depuis que les deux fugueuses avait commencé leurs messes basses et arrêté de travailler par la même occasion, de plus, les autres lessiveurs ne devaient pas vraiment apprécier le fait d’être laissés pour compte dans cette discussion à demi mots. Ava attendit donc la réponse de Brooke, malgré tout, elle était contente de revoir un visage familier, se retrouver seule était une pensée qui lui était insupportable, et même avec la présence d'autres voyageurs, la solitude se faisait parfois ressentir. Pourtant, elle le savait bien, Ava n'avait jamais fait grand chose pour être appréciée, c'était un paradoxe qui lui avait toujours pourri la vie, et d'ailleurs la raison qui l'avait poussée à aller voir le docteur et son stupide pendule.

Melena frissonna, Ava avait touché juste. Si elles voulaient pouvoir s'enfuir vivante, il allait falloire être séléctives, et n'emmener que les personnes qui pourraient leur être utile. Par exemple, la jeune fille qui venait d'arriver et qui avait l'air horriblement mal en point, il était hors de question qu'elle les accompagne. Apparement, la blonde avait déjà quelques idées en tête... elle interrogea l'irlandaise sur son pouvoir.

- Je ne sais pas ce qu'il s'est passé et j'ose bien espérer que ça ne m'arrivera plus ! Je suppose oui qu'ils se débarassent des cadavres par dessus bord, mais je n'ai pas du tout enfin de faire l'experience.

Rien que d'évoquer l'éventualité qu'elle puisse être une dépouille effrayait la jeune fille. Pour essayer de penser à autre chose, elle suivit donc vaguement l'échange de banalité entre Brooke et Ava, avant de reprendre la lessive à contrecoeur. Ces vêtements étaient vraiment immondes ; ecoeurée, après que l'on eut redirigée Brooke vers la salle de pause, elle ne put s'empêcher de lancer à voix haute à l'attention des gardes.

- Dites moi, vous faites quoi avec vos fringues pour qu'ils soient dans un état pareil ?! Je suis persuadée que même dans le monde réel, aucune firme n'a encore inventé un produit capable de décrasser ça.

Pendant sa plaidoirie, elle avait balancé, de rage, le bout de tissu qu'elle tenait dans le bac, éclaboussant plus ou moins allégrement ses camarades. L'odeur d'eau sâle imbibée de detergent qui s'en éleva lui fit oublier de s'excuser. Avec une grimance, elle secoua nerveusement ses cheveux pour les remettre en place avant de selectionner un autre vêtement dans la pile qui avait l'air moins proche de l'apparence de serpillère en bout de vie, et dont le nettoyage était donc plus envisageable.
C'est à ce moment qu'une chose surprenant se produisit. Une gamine emmitouflée dans une robe trop grande fit irruption dans la pièce. Bousculée par une secousse un peu violente, elle finit par échapper à son grand voile rouge, trébucha sur une brosse, un savon, gesticulait de façon exagérée, puis finit par basculer la tête la première dans le bac d'eau chaude et sâle.

Dans d'autres circonstances, c'est à dire loin de tout bateau de pirate, sans corvée de lessive et avec une eau propre parmufée, Melena aurait sûrement éclaté de rire. Mais dans le cas présent, l'aspect du liquide la répugnait déjà assez pour que la simple idée de tomber dedans suffisait à la faire compatir au sort de la petite fille qui se mettait à pleurer. Ses grands yeux bleus humides rencontrèrent les iris grises de l'irlandaise qui eut un faible sourire.

- Allons, sort vite de là ma petite. Entre la crasse de leur vêtement et le produit infecte qu'ils ont mit dedans pour la nettoyer, je ne sais pas ce qui est le plus dégoutant. Mais ça m'étonnerait pas que ça donne la lèpre ou un truc du genre.

La jeune fille ne voyait aucune serviette, elle n'eut d'autre choix que d'aller récupérer le robe de femme adulte restée à l'entrée et d'essuyer l'enfant avec. Celle-ci portait des bijoux intriguant pour son âge mais l'irlandaise jugea que ça n'était pas le problême principale. Elle emmitoufla l'arrivante du mieux qu'elle put dans le grand tissu rouge, puis s'aggenouilla face à elle pour être à sa hauteur. Elle était mignonne comme tout.

- Comment tu t'appelles ? Et pourquoi on t'a envoyé ici sans tes vêtements, ils sont où ?!

Des scenari horribles venaient à la jeune fille qui les chassait de sa tête du mieux qu'elle pouvait. Dans son dos, les gardes commençaient à grogner. Depuis son arrivée, la brunette avait fait beaucoup de chose, peu de lessive et s'était plainte allégrement. Il commençait manifestement à y avoir quelques mécontents.

Les yeux de l’enfant ne se fixèrent qu’après avoir rencontrés ceux d’une demoiselle, assise tout près d’elle. Elle esquissa un faible sourire qui eu pour effet de stopper les larmes de l’enfant. Don ? Magie ? Myia était tellement impressionnée qu’elle tomba d’admiration devant elle.
La jeune fille s’était mis en tête de l’essuyer avec sa… robe. Comment allait-elle pouvoir s’habiller maintenant ? Ah, son nom, elle lui avait demandé son nom. L’enchainement des évènements, le choc de sa transformation et un peu la douleur aussi ne lui laissèrent pas la possibilité d’échapper une phrase correcte :

- Myi… myi. Je … Myi… myi.

Agacée de ne pouvoir s’exprimer de la meilleure de façon elle se redressa, tira fermement sur sa robe pour la récupérer et dévisagea la jeune femme. Un regard bien différent de celui d’une enfant. Ceci ne sembla pas rassurer sa nouvelle amie. Qu’est-ce qu’elle pouvait bien imaginer en ce moment. Myia sourit et inclina la tête, curieuse de la voir secouer la tête devant quelque chose que seule elle pouvait voir.
Tout ce qu’elle voulait, c’était rassurer son amie. Elle se jeta, hilare dans ses bras et posa sa tête sur son épaule.

- Alors toi, tu as la possibilité de faire arrêter les gens de pleurer c’est ça hein ?

Elle se sentait enfin calme, quelqu’un était avec elle. Et même ces foutues brosses, savons et cette horrible odeur qui lui piquait maintenant le nez ne gâcheraient pas son humeur.
Sa réaction ne se fit pas attendre, quelque chose changeait en elle. Enfin non, son enveloppe reprenait sa taille normale. Celui d’une femme de 24ans.
Elle s’éloigna de son amie dont elle ne connaissait toujours pas le nom. Et remit, sans pudeur sa robe en place. Myia remarquait bien qu’il lui manquait quelque chose, mais elle s’en moquait bien. Apparemment elle avait totalement ignoré les autres personnes qui occupaient la pièce.
La jeune femme ne s’était même pas posé demandé quel effet avait provoqué sa transformation. Elle le saurait bien assez tôt. Une idée lui vint à l’esprit, mais elle se garda de la formuler, se contentant de satisfaire une partie de la curiosité de la jeune fille qui était toujours bien plus grande qu’elle.

- Je dormais tranquillement près d’un buisson, me suis réveillée dans une barque, j’ai joué avec quelques pirates idiots et ils m’ont gentiment déposée ici. Mais ils ne savent absolument pas naviguer, si bien que j’ai perdu mon équilibre. Heureusement qu’il y avait ce bac d’eau. Même s’il sent un peu fort j’aurais pu me faire bien plus mal ! Quand à mes vêtements, j’adore le rouge et les bijoux ! C’est joli hein ?

Myia fit la moue devant l’allure nouvelle de sa robe, froissée, humide, malodorante et tâchée. Il lui manquait aussi quelques bijoux et ses chaussures avaient fait la belle. Super.
Elle s’arrêta cependant devant la tête étrange de sa nouvelle amie. Le mal de mer ?

Ainsi donc, elle s'appelait Myi-Myi ?
Melena doutait qu'il s'agissait réellement de son prenom, mais c'est tout ce qu'elle avait compris des bégaillements de la gamine. D'ailleurs, celle-ci arracha la robe rouge des mains de la necrophobe et la regarda avec insistance. Que voulait-elle dire ? Ses yeux n'exprimaient plus la même candeur totalement insouciante des premiers instants. Sans prévenir, Myia se jeta dans les bras de la brunette en riant. Gênée, la jeune fille jetait des regards circulaire autour d'elle en essayant timidement de repousser la petite. Ce n'est pas seulement qu'elle était en train de temper - et tâcher - sa chemise blanche avec l'eau marrônate qui dégoulinait de ses cheveux, mais elle n'avait jamais sut y faire avec les enfants et ça n'était pas dans la laverie d'un bateau pirate qu'elle allait commencer.
Elle n'eut pas de gentillement demander à Myia de la lâcher, car après une dernière pression amicale de son étreinte, celle-ci s'éloigna et se mit à grandir et vieillir. Abasourdie, Melena détaillait la transformation avec un mélange de dégout et de stupéfaction. Sa chair s'étirait, ses os s'allongaient en craquant, sa poitrine se remplissait, ses muscles grossissaient...
Quand sa metamorphose fut stabilisée à une forme adulte, l'irlandaise se secoua vivement la tête comme pour se réveiller d'un mauvais rêve. Ce monde se présentait comme de plus en plus étrange...
La jeune femme nue se rhabilla avec la robe rouge souillée, ce qui n'arracha même pas un remord à la necrophobe tant elle était surprise. Elle n'entendit même pas vraiment l'explication fournit par Myia et ce fut une violente claque sur sa joue, balancée par l'un des marins, qui la ramena à la réalité. Il lui beuglait quelque chose comme de reprendre le travail et d'arrêter de se plaindre. Une main sur sa peau meurtrie et engourdie, Melena jeta un regard assassin au coupable avant de se rediriger lentement vers son bac de lessive. Ou en tout cas, ce fut son intention, car elle fut interpellée par une nouvelle voyageuse qu'elle n'avait pas encore vu. Elle semblait à moitié sonnée, atteinte d'une blessure à la tête, mais apparement pas encore au parfum de ce qui se tramait réellement.

*Mais c'est quoi ici ?! Un moulin ? Le club med ? En admettant qu'on debarque tous de chez Parkinson, y'a réellement tout ça de malades mentaux à San francisco ?*

Les nerfs de la jeune fille faiblissaient. Elle n'était pas à Dreamland depuis longtemps qu'elle en avait déjà supporté plus que ce que l'on attend normalement d'un rendez-vous chez le psychiatre.

- Je ne suis pas sûre que ta question soit très appropriée.. Tulla, c'est ça ?

Elle passa nerveusement une main tremblante dans sa chevelure sombre.

- Nous sommes sur un bateau de... pirates qui s'apprêtent à nous vendre comme esclave ! Et en attendant, nous sommes sensés jouer les bonnes à tout faire en commençant par laver leurs slips dégueulasses. Je te la pose à toi moi la question, est-ce que tu vas bien ?!

Pour l'instant, la necrophobe avait mis de coté son échange avec Ava quant à une éventuelle évasion. Il y avait trop d'aller-retour dans la pièce depuis un petit moment et les gardes les surveillaient désormais de trop près. D'ailleurs, celui-ci qui avait réprimandé Melena d'une giffle remit le couvert avec un coup de poing dans le dos qui jeta la jeune irlandaise à genoux. Elle poussa un petit cri avant de se receptionner douloureusement ; un agacement sourd battait ses tempes de plus en plus fort. Le pirate répéta qu'elles avaient interêt à vite se mettre au travail toutes les trois si elles ne voulaient pas s'attirer de problêmes. Fébrile mais passablement énervée, la jeune fille se redressa, saisit le vêtemant qu'elle nettoyait avant que Myia ne plonge dans le bac avec la furieuse envie de le balancer à la figure de l'homme qui l'avait frappé, puis se remit à frotter mollement la crasse indélibile en maudissant tout le monde et ce qui lui arrivait.

- Bienvenue Tulla. Souffla-t-elle.

La mine déconfite de Melena ne sembla pas désarmer Myia. Elle lui soutint qu’elle se prénommait Mimi. Elle adorait particulièrement ce surnom, sans réellement savoir quelle en était la raison. Quoiqu’il en soit, elle n’eut même pas le temps de finir son récit que son amie fut frappée de plein fouet par un de ces idiots de pirates qui guettait le moindre de leur instant de répit. Ils les brimaient, en bons sadiques qu’ils étaient. Heureusement, ils n’avaient pas la ruse de leur côté. Tiens, un plan pour se venger d’eux se profilait dans son esprit. Elle n’eut pas le temps de le peaufiner qu’une autre fille fit à son tour une entrée fracassante. Myia fit la moue. Elle avait mieux réussi son entrée qu’elle, quelques minutes plus tôt. Peut être étaient elles dans la même barque.
La jeune femme esquissa un sourire alors qu’elle imaginait la nouvelle arrivante, une flèche plantée dans le derrière et la salive coulant au coin de sa bouche… Elle en avait presque oublié la colère envers le moussaillon.
Tulla. Elle s’appelait Tulla. Joli prénom. Elle se garda cependant bien de le lui faire remarquer, on aurait dit qu’elle se moquait de la tenue de la jeune femme tant elle la fixait.

- Ca va, dit-elle, acerbe. Ca allait très bien.

La jeune femme n’eut pas le temps de se retourner, comme pour snober Tulla, que Melena se reprit une droite en pleine figure. Pourquoi s’acharnait-il sur elle ? Ah. Elle eut à peine le temps d’esquiver celle qui lui était destinée. Myia courut se réfugier derrière Tulla et vit la blessure à la tête qu’elle avait réçue. S’en était trop. Myia recommença à rétrécir. Ses mains appuyées quelques secondes plus tôt sur les épaules de la nouvelle arrivante arrivaient maintenant à peine à ses hanches. Sa robe en profitait déjà pour faire la belle.
Le plan apparut soudain plus limpide à ses yeux et elle murmura quelque chose dans le dos de Tulla.

- Il faut qu’on s’enfuie.

Melena s’était déjà remise à la tâche. C’était bien la seule qui travaillait avec acharnement… et colère. C’est ce qu’il fallait. Des gens à bout de nerfs et prêts à tout pour sauver leur vie. Myia était plutôt absorbée par la réserve de savon en fond de pièce. Ils ne voulaient pas les ménager et trouveraient toujours un prétexte pour les garder ici… pour toujours. Myia frissonna. Elle parla cependant d’une voix claire et remplie de détermination. Bien plus convaincante que sa version adulte.

- J’ai bien une idée. Mais elle ne va pas vous plaire.

Sans attendre, elle s’approcha d’un bac d’eau sale, y fourra plusieurs bouts de tissu, surement des torchons. Petite illusion sensée faire croire que la gamine se mettait enfin à travailler. Elle y versa, en petite alchimiste qu’elle était, plusieurs pots de produits divers. Le tout moussa très rapidement et elle afficha un sourire satisfait. Les savons comme celui sur lequel elle avait glissé à son arrivée, Myia les conserva près d’elle, tout en veillant à les cacher sous sa robe. N’ayant plus rien pour nettoyer elle se dirigea au fond de la pièce et récupéra tout une armada de produits inconnus. Et elle recommença dans la même mise en scène dans le bac juste à côté d’elle. D’un regard, la gamine invita les autres à l’imiter.

La jeune femme, ou la petite fille, car Tulla ne savait plus très bien, qui s’appelait Myia, cela devait être une extension de sa ‘maladie’ de se transformer ainsi, l’avait regardée avec un regard un peu étrange, elle avait failli se vexer avant de se rendre compte qu’elle devait elle aussi la regarder d’une façon pas très agréable, vu sa surprise. Elle avait donc changé de manières et s’était remise à frotter les vêtements immondes, dans le baquet toujours aussi immonde avec une eau tellement immonde qu’elle se demandait bien ce qu’elle pouvait arranger aux vêtements.

Elle avait parlé trop vite, et n’avait pas réfléchi avant de formuler sa question, c’est vrai que c’était bête de demander si ça allait à des personnes qui se trouvaient dans une situation qui ne laissait pas trop le choix, elle avait cependant une certaine excuse dans son état de fatigue… comme tout le monde, c’est vrai, en fait non, il n’y avait pas à chercher, elle n’avait pas d’excuse… Tulla, tout en frottant, sursauta lorsqu’un des pirates frappa Melena, qu’avait elle fait ? C’était pourtant celle qui travaillait le plus des trois femmes… Elle allait s’approcher d’elle, quand un garde, d’un regard noir lourd de menaces, l’en dissuada. Il s’apprêtait à en envoyer une à Myia mais elle vint se cacher derrière Tulla qui frissonna fortement. Les mains gantées du garde n’étaient pas celles qu’elle aurait aimé retrouver sur sa peau. Elle se remit à frotter encore plus fort qu’avant, penchée sur son baquet comme si, et il semblait que c’était vrai, ce baquet la reliait à sa vie.

Tulla était époustouflée, plus qu'époustouflée d'ailleurs, décontenancée, ébahie, la… la… la jeune femme, elle venait de se transformer en petite fille, pour la deuxième fois. C’était un monde fou, vraiment étrange, elle se mit à frissonner de nouveau, pensant qu’elles n’avaient pas vraiment de choix que de rester sur ce bateau, à trimer comme des bêtes pour ces grossiers personnages de pirates. Cela l’ennuyait un peu, voire même beaucoup, mais la perspective de se trouver dans l’eau au milieu de l’océan, avec je ne sais quelle monstrueuse créature, je ne sais quelle horreur sous les pieds l’avait presque convaincue que le bateau était préférable. Derrière elle, pourtant, la voix de la petite fille, claire et déterminée malgré la situation dans laquelle elles se trouvaient toutes trois, retentit, faisant un peu honte à Tulla de devenir si fragile et apeurée au moindre ennui:

- Il faut qu’on s’enfuie…

Tulla le savait bien que la fuite était maintenant la meilleure solution, mais quelle fuite, et comment ? Si leur plan échouait, la répression serait terrible, et… Tulla n’osa pas aller au bout de sa pensée… Melena travaillait vraiment, avec acharnement, conviction, et semblait il, la rage de vaincre. L’imitant, Tulla se tourna discrètement vers Myia, lui murmurant quelques mots à l’oreille :

- Pour s’enfuir, il faut un plan, ce que je n’ai pas. Toi ?

-J’ai bien une idée, mais elle va pas vous plaire, répondit elle.

Tulla n’avait pas compris si Myia s’adressait à elle ou à Melena, ou aux deux, mais l’idée d’une issue de bateau qui ne lui plairait pas… ne lui plut pas. Elle prêta attention, cependant, au travail que faisait Myia, elle versa le contenu de plusieurs flacons dans le bac, les fit mousser, cacha les savons en pavés sous sa robe, et passa à celui d’à côté, en refaisant le même manège. Lorsque Myia leur fit signe, à Melena et elle, de l’imiter, elle se hâta de le faire,se demandant tout de même à quoi pouvait bien servir ce stratagème.

[HJ : Tulla, je ne sais pas si tu avais compris, mais il n'y a pas que nous 3 dans la laverie ! Il y a plusieurs autres voyageurs. Et eux bah... tant qu'ils répondent pas, c'est sûrement qu'ils bossent ! lol]

Melena qui frottait rageusement son morceau de tissu n'entendit pas la proposition de la borderline. Elle leva les yeux un instant durant lequel elle s'essuya le front du revers d'une main. Il règnait vraiment une chalur étouffante dans cette pièce et l'air était irrespirable. Elle regardait tour à tour ses comparses, insista un instant froid sur Elijah - toujours en face d'elle -, puis sur sa récente acolyte, Ava, pour l'instant résignée à obeir.

Myia et Tulla finirent par attirer son attention avec le vacarme qu'elles faisaient. Elles étaient occupées à faire mousser abondamment leur bac à lessive, feignant de frotter avec ardeur. La petite gamine nue la fixait avec insistance, comme pour lui suggérer d'en faire autant. La necrophobe jeta un oeil aux gardes : ils n'avaient pas l'air satisfaits - du tout - de la tournure que prenait la séance lessive, mais ils ne savaient pas si ils devaient intervenir... après tout, si ça mousse, c'est que ça lave, non ?
De son coté, la jeune fille avait une petite idée de ce que tramaient les deux récentes arrivées. Elle lâcha du ton le plus léger possible :

- Arf, Pas assez de produit ici... tu permets Myi-Myi ?

Sans attendre de réponse, l'irlandaise traversa la pièce avec son bout de tissu sale - dont elle était tout de même parvenu à faire pâlir la couche marron - et se posta aux cotés de la gamine qui la regardait avec des yeux ronds plein de malice. Melena grinça des dents.

- Dis moi, je peux savoir ce que tu es en train de faire ?! souffla-t-elle en retenant un fond de rage. Tu as l'intention de faire quoi? Créer un nuage de mousse qui va tous nous permettre de sortir ? Et après ?

La jeune fille redressa les yeux qu'elles avaient baissés pour s'adresser à la borderline pour jeter un regard noir à Tulla, qui avait suivi son stratagème sans se poser la moindre question.

*Elles sont vraiment cruches ou alors elles sont encore plus fraichement débarquées que moi et se croient dans un dessin animé ?!*

On voit qu'elles n'avaient pas été présente dans la cale. Lorsque des cadavres avaient été balancés comme des tas de viande s'écraser dans la pièce sombre où les voyageurs pensaient avoir été condamnés à creuver de faim. Elles se pointaient là, comme des fleurs, l'une demandait au passage si tout allait bien comme si le "cursus lessive à bord d'un bateau pirate esclavagiste" était une croisière de luxe que s'était offerte Melena et voilà que l'autre sortait de sous sa manche - ou sa robe - un plan pour s'échapper qui était voué à un echec total. Et pourquoi les suivrait-elle ?

- Je-n'ai-pas-envie-de-mourir ! lâcha-t-elle en serrant les dents, détachant chaque mot. Tu étais où quand nous autres on était enfermés dans la cale, hum ? Quand ils nous ont jeté des morts à la figure en guise de motivation ! Explique moi ton plan jusqu'au bout, si jamais tu en as un. Dehors, tu feras quoi ?

Pour qu'elle raison l'adolescente s'en prenait à Myia et Tulla ? Elle ne le savait pas vraiment. A vrai dire, elle s'en fichait un peu. La necrophobe était une misanthrope avérée, ce qui veut dire qu'elle n'avait jamais été très douée pour les relations sociales avec les autres êtres de son espèce ; quand bien même elle avait des éclairs de gentillesse, comme récemment avec la jeune borderline. Mais désormais, elle qui venait de prendre l'ampleur de ce qui lui arrivait, après l'electrochoc des cadavres balancés dans la cale, voilà que débarquait une gamine qui s'imaginait sûrement pourvoir disparaitre dans un nuage de mousse en faisant les gardes glisser sur du savon, comme dans les cartoons. C'était grotesque.
D'une voix un peu plus douce pourtant, elle murmura à Myia :

- Si tu veux t'enfuir, il faudra t'y prendre de manière plus subtil. Laisse moi y réfléchir d'accord ? J'ai déjà une bribe de plan.

Après tout, si Ava s'était résolue à travailler, Melena devrait trouver leurs partenaires de cavale elle-même. Elle regarda à nouveau Tulla et se força à lui sourire. Un sourire teinté de tristesse et de peur pourtant.
Elles allaient devoir sortir de cette pièce, rejoindre le pont, puis enfin l'exterieur, où il faudrait voler l'un des canots. Pour se frayer un passage, elles allait forcément devoir y mettre la force à un moment... que pourraient-elles bien utiliser pour se défendre ?
Les yeux de la necrophobe tombèrent sur la robe de Myia qui cachait des pavés de savons durs comme du beton. Ca y est, ellle avait une idée !

Le réveil avait été difficile.

Jeremiah avait eu la tête dans un étau pendant un bon moment.
Bien pire que la pire de ses gueules de bois.

Pour couronner le tout, il ne s’était pas réveillé a Elipse, il était déçu d’avoir perdu son nouveau terrain de jeu.

Mais impatient d’en découvrir un nouveau.

Les premiers temps avaient été physiquement difficiles, la vie en mer n’était pas pour les tendres.
Et la condition d’esclave non plus…

On l’avait forcé a passer ses journées a ramer, on l’avait rationné, molesté, et tout les soirs on le rejetait sans ménagement dans une cale nauséabonde avec de nombreux autres esclaves.

Il était assez heureux au final.

Il commençait a s’habituer.

Il restait en retrait et observait tout ses compagnons d’infortune.
Etre discret et analyser.
Prendre son temps.

Bientôt il pourrait de nouveau reprendre ses jeux.

Il avait donc subi en silence, les distractions étaient nombreuses pour lui.

Puis sa routine avait une nouvelle fois été perturbée.
Fini les rames.

On avais décidé de le jeter à la laverie, il ne comprenait toujours pas pourquoi.

Le sort pouvait se montrer si injuste parfois…

Il se mit a la tache tout de suite.
Les oreilles tendus a tout ce qui se passai.
C’était finalement assez divertissant.

Les voyageurs/esclaves ne cessaient de se quereller, il y avait même une ressuscitée et une métamorphe femme/enfant.

Des gens intéressants.

Jeremiah ne comprenais pas cette envie de fuir pour autant, en restant tranquille ils resteraient en vie.

Vendu comme esclave?

Et après?

Il serait plus facile de s’échapper sur la terre ferme qu’en pleine mer.
Et puis ça ouvrait de nouvelles perspectives intéressantes.

La ressuscitée avait l’air de prévoir quelque chose.

Un plan?

Que ce soit une barque ou même ce rafiot entier est-ce que l’un d’eux savaient naviguer en mer?

Il en doutais.

Et puis prendre le navire d’assaut avec des boiteux et des enfants?

Peu probable.

Il ne connaissait pas le soi disant plan mais il impliquait surement de gros risques, sans doute des morts.

Beaucoup d’émotions en somme.

Jeremiah sentit l’excitation monter en lui.
Depuis qu’il était ici il se découvrait lui-même pour la première fois.

Cela faisait parti du jeu.

Ce monde était fait pour lui, il le sentait se mettre au diapason de ses émotions parfois.
Comme a cette instant.
Il sentit l’excitation en lui se répandre alentour.

Il souris intérieurement.

Tournant légèrement la tête vers Melena il dit tout bas:

-Ce rafiot est horrible, j'en peu plus. Si ton plan implique des bras supplémentaires, j’en suis!

Le jeu reprenait.

La surprise avait prit le dessus sur l’enthousiasme de Myia à s’évader de ce potentiel parc d’attractions aquatiques. Tulla avait déjà rendu les armes. Elle l’aidait même dans son plan inachevé. Voilà une autre alliée, et peut-être qu’elle aussi aurait un pouvoir interessant. Cependant, son envie de s’amuser avait disparu en même temps qu’elle avait lu le désespoir dans le regard de Melena. A défaut de l’avoir dissuadée de faire ses pitreries, la violence des pirates l’avait décidé à les tourner à son avantage.
Plusieurs bacs se mettaient à fortement mousser mais l’attention des pirates était déjà importante. Il fallait brouiller les pistes :

- Voyez chers messieurs, le travail à la chaîne est très efficace chez nous. D’abord vous mettez du savon dans les bacs, vous y trempez les vêtements sales, vous laissez agir pendant que vous répétez la même chose dans un autre bac, puis vous revenez et vous finissez le travail. Vos … vêtements seront comme neuf ! Constatez pas vous-même.

A ce moment là, la gamine revient s’agenouiller aux pieds du bac qui lui avait été assigné et attrapa un morceau de tissu, un de ceux qui étaient le plus proches de la couleur écru. Myia ne su interpréter la moue des pirates. Quoiqu’il en soit, ils ne lui prêtaient déjà plus aucune attention. Satisfaite, elle leur tourna le dos et s’adressa à Tulla, sa nouvelle alliée :

- Enchantée Tulla. C’est certain, nous allons bien nous entendre.

Le calme retrouvé, Myia récupéra son corps d’adulte. C’était étrange comme sensation. Ses articulations la chatouillaient, mais aucune douleur à noter. Par réflexe, elle fermait les yeux durant le laps de temps que prenait sa métamorphose. Seul son centre de gravité changeait. Il était tout naturel pour elle de changer d’apparence. Et puis, pour l’intérêt qu’elle lui accordait... Elle s’affaira juste à enfiler sa robe noircie, car visiblement, s’il était toléré de voir une gamine a débraillée et à moitié nue, ce n’était pas la même chose pour les corps de femmes.
Lorsqu’elle rouvrit les yeux, Melena les avait rejointes. Comme d’habitude, un … charmant sourire se dessinait sur son visage. Ou plutôt un rictus amer, comme si elle avait parfaitement compris son plan. Ah, décidément, elles étaient connectées toutes les deux.
Myia mit du temps à réagir à la question de la jeune fille.
Mimi ? Elle l’avait appelée par son surnom. Un flash lui revint à l’esprit : son bégaiement. En fait, elle ne connaissait que son surnom. C’était amplement suffisant. Au moins, Tulla ne lui poserait pas la question.
La jeune femme adorait le mystère, et là, elle avait l’occasion de garder le secret sur son identité. La satisfaction ne quitta son visage que lorsque Melena la ramena à la triste vérité : son plan réfléchie, leur fuite logique. Elle ne l’aborda juste… pas de la même manière qu’elle.
Alors qu’elle allait se justifier, le visage de Melena se referma au souvenir d’une scène qu’elle n’avait visiblement pas vécue : elle n’avait pas eu l’occasion de faire une étape pas la cale. Elle se garda de le lui faire remarquer, la torture déformant son visage. Pour rien au monde elle ne voulait la faire souffrir. Sa détermination à sortir d’ici n’en fut que plus grande. Elle la protègerait de ce qu’elle craignait le plus : perdre la vie. Elle souleva un autre point important : elle ne savait absolument pas ce qu’elle ferait une fois retournées à l’air libre.
Lors de sa descente ici, elle se rappela du pont. Il y avait du monde là-bas, tous travaillaient. Leur envie de s’enfuir était surement la même qu’elles, et tout comme elles, ils avaient dû ébaucher un plan. Peut-être même qu’il était en cours de réalisation. L’incitation de Melana à prendre le temps d’élaborer un temps l’inquiéta. Ses yeux, un brin paniqués se levèrent vers les jeunes femmes :

- Il ne faut pas que l’on perde de temps. On va sur le pont, nous ne sommes pas seules.

Alors qu’elle s’apprêtait à développer ses pensées, un bruit dans son dos attira l’attention et des travailleurs forcés et les pirates, un poil déçus d’être tirés de leur conversation, surement très… intéressante.
Un voyageur inconnu se faisait ou non volontairement remarquer. Il avait l’air déçu de son transfert ici, comme la majorité des personnes de la pièce, y compris les pirates. Le goût de sa déception était juste différent.
En bon élève, il avait comprit en l’espace d’un instant la tâche qu’il devait accomplir et s’y affaira. Myia, la mauvaise élève, l’observait l’air ébahi. Il devait avoir l’habitude de se faire maltraiter, ou bien, il aimait souffrir. Son expression montrait tout sauf du dégoût, plus de la curiosité. Un pirate espion peut-être. La jeune femme trembla d’excitation à cette idée. C’était étrange d’ailleurs. Le nouveau n’était pas loin d’elles et semblait même vouloir capter le fil de leur conversation. Myia serait la première à le dévoiler au grand jour. Elle n’avait absolument pas confiance en cet homme et elle se sentait mal à l’aise du fait de sa proximité. Il fallait le tester avant. Lorsqu’il parla, il ne réussi pas vraiment à convaincre Myia. Elle ne se garda d’ailleurs pas d’afficher une moue perplexe. On verrait bien jusqu’où il les suivrait.
Son regard croisa celui de Melena, elle reprit alors le fil de la conversation. Dans la panique elle avait oublié de faire l’énoncé du plan.

- Le bain moussant n’est que la première étape, une simple distraction que l’on peut tourner à notre avantage. Peut être faire chuter quelques pirates trop rebondis et maladroits. Les savons sont plus offensifs. Myia avait capté quelques minutes plus tôt le regard de Melena posé sur les savons et sa robe ; elle enchaina. Si on cache des savons dans des morceaux de tissus, on peut s’en servir pour frapper les pirates les plus agiles à l’endroit où… ça fait mal. Certains nous poursuivront, mais nous aurons une marge de temps assez grande pour fuir en direction du pont.

La jeune femme adressa un regard en biais et plein de rancœur à l’homme.

- Je connais le chemin, pour l’avoir déjà parcouru. Je suis sure que cet inconu bienveillant le connait aussi…

Le plan était forcé de rester incomplet. La majeure partie des gens ici présents ne connaissaient pas l’extérieur de la cale ou de la laverie. Certains devraient rester ici, mais nous aurions peut-être la possibilité de revenir les délivrer de leur triste sort. Il fallait laisser une part d’improvisation, notamment lorsqu’ils se retrouveraient sur le pont. Se diriger vers les canots, jeter l’ancre, mette le feu au bateau… Il faudra agir vite.
C’était trop pour son cerveau là, elle avait les neurones en feu et la fatigue se faisait maintenant sentir. Attendre ne ferait que les entraver.

Aller sur le pont ?
Melena eut presque envie de rire. Non, décidément, Myia n’avait pas eut à vivre l’étape de la cale. Ni même, il y a trop peu de temps, l’expérience de son pouvoir, qui l’avait emprisonnée sous forme de charogne. Comment avaient réagi les autres ? La plupart l’avaient ignoré et s’étaient docilement mis au travail, une autre lui avait fait les poches sans sentiments ; seule Suzon s’était outrée du décès apparent de la jeune fille, mais ça n’était simplement que parce qu’elle craignait pour sa propre vie.
Chacun œuvrait à sa propre survie, et personne ne prendrait le moindre risque pour les autres. Partant de cette certitude, baser un plan sur l’espoir – ou la supposition – que l’on trouvera de l’aide sur le pont avec les autres voyageurs revenait à se vouer au suicide. Si jamais il y en avait qui préparaient quelque chose, ils ne penseraient certainement pas à emmener avec eux l’ensemble des esclaves, et encore moins ceux qu’ils ne connaissaient pas. Et après tout, Melena pouvait-elle leur en vouloir ? Elle ferait pareil.

Elle prit soudain l’ampleur de ce qui se passait. Elle était seule, dans un milieu hostile et inhospitalier. Les éléments pour s’échapper, elle les avait. Mais les connecter entre eux d’une manière qui lui garantissait de s’en sortir autrement que balancée par-dessus bord avec l’inconvénient d’être morte paraissait tout bonnement impossible. Les gardes étaient bien trop nombreux, il y en avait d’autres dehors. Et eux qu’étaient-ils ? Pour la plupart des étrangers les uns aux autres… des enfants, des femmes, des adolescents… ils n’avaient aucune chance de se battre à arme égale contre l’équipage. A cette idée, l’irlandaise fut prise d’un inexplicable sentiment d’excitation. Cette échéance fatale lui paraissait… amusante !

Melena leva la tête. Un homme s’était adressé à elle. Il n’avait pas l’air trop amoché par un séjour prolongé à Dreamland, il devait lui aussi être relativement tout frais arrivé. Il s’activait à la tâche depuis son entrée discrète, et avait manifestement espionné du coin de l’oreille ce qui se passait autour de lui. La jeune fille dressa ses yeux pâles pour le toiser avec un air de méfiance. C’était un individu malin, ça se devinait à la manière dont il s’était jusque là comporté avec exemple, sans pour autant perdre une miette des messes basses qui l’entouraient. Elle ne savait si elle devait lui faire confiance… après tout… ne pensa-t-elle pas il y a quelques instants que dans cette galère, c’était chacun pour soi et Dieu pour personne ? Mais voilà qu’un autre voyageur lui proposait son aide avec facilité. La sensation d’excitation toujours présente, elle lui adressa un faible sourire avant de regarder Myia, qui poursuivit dans l’énonciation de son plan. A défaut de convaincre la necrophobe, la borderline lui permis au moins de la distraire un très court moment de l’effet du pouvoir de Jeremiah : sa phobie reprenait le dessus.

- Laisse tomber Myi-myi, je…

Elle s’interrompit. Ce sentiment encore… il lui était étranger. Jamais l’idée de risquer sa vie n’aurait put lui procurer une telle sensation d’excitation. Elle secoua sa tête fortement pour essayer de la chasser. Il fallait qu’elle soit raisonnable. Logique. Réfléchie.

- Eh bien… je te laisse voir les modalités de l’évasion avec elle, lança tout bas Melena à l’intention de Jeremiah, en désignant Myia. Il semblerait qu’elle ait déjà tout prévu…

Est-ce que l’ironie qui teintait sa voix était perceptible ? La jeune fille espérait que non. La femme/enfant ne pourrait pas comprendre ce qui la motivait à être si prudente. Mais il fallait que celle-ci s’évade, elle serait toujours utile à la necrophobe… d’une façon un peu différente. L’irlandaise eut un sourire en coin, autre symptôme de l’excitation artificielle qu’elle ressentait, mais toutefois pas en dissonance avec les projets qui naissaient dans son esprit égoïste. Si jamais il y avait une première tentative de fuite, les gardes seront sûrement en grande partie occupés à rattraper les tire-au-flanc. Elle pourrait alors profiter de la cohue pour filer à son tour, seule. Elle risquait moins de se faire prendre si elle n’était pas accompagnée ; et si sa liberté impliquait de se servir de parfaits inconnus… ce n’était pas très cher payé.

La jeune fille sourit. Cette fois, l’excitation qui lui agitait le ventre était bien la sienne. Mais elle était mêlée à un stress désagréable. Elle contempla un instant Myia et son allure de candeur assurée. Que lui arriverait-elle quand on l’aura attrapée ? Fouettée ? Violée ? Tuée ? Melena frissonna à cette idée, mais n’en fut pas moins détournée de ses intentions. Lorsqu’elle ouvrit la bouche pour s’adresser tout bas à la borderline, ce fut pour aller dans le sens de son plan solitaire.

- Je suis désolé… j’ai très peur de mourir tu comprends ? Agir dans la précipitation et l’urgence… c’est déstabilisant. Mais tu as raison ! Si on sort vite d’ici, on a une chance de parvenir sur le pont avant que les autres n’aient abandonnés leurs espoirs de liberté ! On sera plus fort ensemble.

Aidée par le pouvoir de Jeremiah qui agissait toujours, elle n’eut aucun mal à se laisser aller pour afficher un sourire convaincu et prêt à en découdre. Pour prouver à Myia qu’elle marcherait avec elle, Melena fit un geste volontaire – qui en simulait un involontaire – pour faire tomber le savon qu’elle utilisait au fond du bac plein. L’eau brune et mousseuse ne lui laissait aucune chance de voir où il se trouvait, alors plutôt que d’y aller à tâtons, elle se baissa pour saisir un autre savon, en prononçant à haute voix.

- Mince ! J’vais en prendre un autre… sinon je perdrai bien trop de temps à le récupérer, et je n’ai pas l’intention de passer des heures à cette lessive !

Elle attrapa ce qui ressemblait le plus à une chaussette sale dans le tas le plus proche et fit semblant de la laver un petit moment, penchée sur le bac, les deux mains immergées. En réalité, elle avait tôt fait de glisser son pavé de savon neuf dans le tissu, tandis qu’elle cherchait du bout des doigts celui qu’elle avait perdu au fond. Quand elle put enfin le récupérer, elle se remit à frotter le linge difforme et le fit émerger de manière à ce que Myia aperçoive le renflement causée par ce qu’il y avait à l’intérieur. Melena lui adressa un sourire complice, avant de réprimer un rictus machiavélique qui risquerait de la trahir. Désormais, à moins d’être télépathe, sa comparse ne pouvait deviner qu’elle était devenue la diversion de l’adolescente ; elle et tous ceux qui la suivraient. La jeune fille jeta un œil à Tulla et Jeremiah, leur adressant également un signe de la tête qui se voulait patriote.

*Je vous remercie du dévouement dont vous faites preuve pour m’aider à m’enfuir de cet enfer… quand bien même il est involontaire.*

Ce fut alors Ava qui capta le regard gris de la necrophobe. C’est elle qui lui avait suggéré d’être sélective pour s’échapper, elle n’avait pas eut tord. Devait-elle être prévenue de ce que Melena projetait dans le dos des autres ?
L’adolescente réfléchit un moment, avant de penser avec détermination.

*Non. Je t’aurai bien emmenée… si tu ne m’avais pas fait les poches quand j’ai crut être morte. Tu auras tout le temps d’y réfléchir en restant cloitrée ici !*

C’était décidé, elle partirait seule.