Shirley ouvrit les yeux. Elle découvrit une sorte de ruelle un peu sombre. Le sol était gris tacheté de tâches aux couleurs délavées mais variables. Quelque chose lui disait qu'elle ne voulait pas savoir ce qui avait pu détremper le sol en béton. Les murs étaient rouge briques, avec des petits graffitis de temps en temps, des annonces téléphoniques perverses. Enfin, la ruelle de banlieue banale donc. Le genre d'endroit où elle ne se retrouvait jamais. Elle agrippa son sac à main, avant de se rendre compte qu'elle ne l'avait pas. Bien sur, elle l'avait posée à ses pieds lors de la consultation.
Son cerveau, à défaut de trouver une explication de sa venue ici, tentait de se repérer par n'importe quel moyen. La lumière indiquait qu'on se trouvait surement en milieu d'après-midi ( Shirley n'avait jamais de montre, elle savait donc plus ou moins déchiffrer l'heure grâce à la lumière du jour... ou de la nuit naissante). Elle aurait pu se trouver dans une ruelle de la ville, mais son petit doigt lui disait qu'elle était très loin de là où elle devrait être, c'est-à-dire sur la chaise devant ce Mr Parkinson (qui avait un regard très dérangeant par ailleurs). Elle ferma les yeux momentanément. Peut-être arriverait-elle à retrouver la mémoire si elle retraçait exactement tout ce dont elle se souvenait?
Elle était entrée dans le bureau, après une petite attente. Elle n'avait rien trouvé d'étonnant dans le bureau du docteur qui était blanc, propre et accueillant. Mr Parkinson ne s'était pas contenté de la saluer de derrière sa table en bois massive( recouverte de beaucoup de choses mais toujours avec un ordre impeccable), il s'était levé pour lui serrer la main et l'inviter à s'asseoir devant lui dans une des confortables chaises rouge et or. Ce qu'elle avait fait, en posant son petit sac à main par terre. Sac à main qui contenait son Iphone, son portefeuille et d'autres nécessités. Bref, l'entretien avait démarré, échange de banalités alors que le docteur ramassait ses informations pour son diagnostic. Elle avait étudié l'interrogatoire au cours de sa deuxième année d'étude et avait suivit le fil de la conversation, se prêtant au jeu de bonne guerre. Par contre, elle avait du avouer qu'elle avait été très sceptique lorsqu'il lui avait expliqué qu'il allait la guérir grâce à l'hypnose. Elle croyait bien sur aux bienfaits de cette dernière, qui avait permit à bien des psychotiques de s'exprimer. Mais cela n'était pas suffisant. Il fallait exprimer soi-même, en toute bonne conscience ce que notre inconscient pressait à notre esprit et à notre corps. Elle s'était néanmoins décidée à se prêter à l'expérience.
Elle s'était assise bien droit dans son siège et avait regardé le docteur sortir d'un tiroir une sorte de pendentif (ou était-ce un pendule?) argenté. Il lui avait demandé de s'approcher (elle avait réfréné l'envie de vérifier trois fois de suite si le tiroir était bien fermé, heureusement qu'il n'était pas allé chercher l'objet dans une pièce annexe). Tout en la fixant des yeux (et cette fois-ci, elle n'avait pas pu éviter son regard dérangeant), il avait fait subir au médaillon-pendule un mouvement de balance. Après cela, il lui était impossible de se souvenir de quoique ce soit d'autre, à part avoir cligné des yeux et s'être retrouvée ici. Était-ce possible que ce clignement des yeux n'ait pas duré une fraction de secondes mais plusieurs heures? Avait-elle était inconsciente pendant longtemps? Son expérience lui disait que non, qu'elle n'avait fait que cligner des yeux. Si elle été tombée inconsciente, elle l'aurait sentit.
Une seule conclusion lui vint à l'esprit. Ce qu'elle vivait était factice, elle était en plein hallucination-due à l'hypnose, sans aucun doute. Cette conclusion la choqua un peu mais elle était suffisamment intelligente pour ne pas penser comme monsieur X et se fier aux préjugés. Sans pour autant qu'elle pense comme monsieur Einstein. Elle avait simplement un esprit logique qui déduisait les choses sans s'arrêter à ce que ses pensées lui glissait.
Bref, il était peut-être temps de bouger, d'explorer cette ruelle que son esprit lui montrait. Tout en s'avançant, elle fit l'inventaire de ce qu'elle avait sur elle (mis à part son haut bleu-nuit et son minishort vert-brun, accompagnés de ses bottes Gucci, je parle bien ici d'objets). Elle possédait en tout et pour tout un rouge à lèvres L'oréal (couleur rose milles facettes), un petit miroir sphérique, une carte téléphonique usitée, un porte-clé peluche et un paquet de mouchoir, le tout retrouvé dans les poches de son petit manteau de ville noir. Un bien maigre butin pour affronter les affres de son âme. Mais elle était résolue. Il lui fallait aller de l'avant. De toute façon, elle ne risquait rien, puisqu'elle n'était que dans son inconsciente, n'est-ce-pas? Une rapide prière, chuchotée, lui donna du courage et elle avança plus vite (ses bottes n'avaient pas de talons, heureusement!). Elle tourna l'angle pour se retrouver dans une autre ruelle. Au fur et à mesure qu'elle avançait dans le dédale de pierres (parfois entrecoupé de portes-dont elle avait bien entendu soigneusement surveillé 3 fois de suite chacune si elles étaient bien fermées(et elles l'étaient)), elle commença à prendre conscience d'un brouhaha lointain, l'agitation d'une grande rue, sinon d'une grande ville. Se pressant, elle finit enfin par débouché sur une artère, plus coquette que la ruelle qu'elle venait de quitter.
La route et les trottoirs, pavés de manière égales, à la couleur blanche encore miroitante, des passants, par centaines, de petites et grandes boutiques, restaurants, garages. Une ville normale donc. Sauf qu'il régnait dans l'air un petit je-ne-sais-quoi de différent. Était-ce parce qu'elle se trouvait dans son propre esprit? Elle resta plantée là, un peu estomaquée.
(Je suis en train de faire le plus grand délire de tout les temps!)
Les gens passaient à coté d'elle, l'ignorant- tout comme elle se serait ignorée à leur place. Mais elle se sentait perdue. Que devait-elle faire? Flâner? Aller dans une direction précise? Son visage prit une petite moue tandis qu'elle réfléchissait à l'affaire, remettant une mèche de cheveux en place derrière ses oreilles. Même en cet instant, elle faisait attention à son image. Preuve que celle-ci était une barrière rassurante pour elle.