La cabine du capitaine [Quête principale]

Une légère odeur d'encens flottait dans l'air confiné de cette étroite pièce. Une pièce étonnement bien rangé malgré le foutoir monstre entassé ici. La lumière du soleil tamisée par un rideau fin de tissu orange filtrait à travers le large hublot qui trouait le mur. Dessous cette ouverture un lit meublait l'espace, assez grand pour porter deux personnes dormant sur le côté, mais ne permettait guère plus de s'étendre. Un bureau débordait de fournitures, les stylos bics bataillaient sur les cartes archi-usée, des règles, des compas, une équerre T et une boussole complétaient la panoplie au dessus d'un livre de compte rudement bien tenu. Un petit coffret discret et fermé à clé trônait au milieu de tout ça.
Des étagères grinçantes remplies à ras-bord de livres et de parchemins comblaient les rares espaces libres, sauf celui alloué à la table. Mais attention : à La Table. Nous parlons d'une table ronde à quatre places où étaient placés autant d'assiettes en céramique et de couverts en argent, et avec dans chaque verre une petite rose fraîche. Il n'y avait pas un festin de servi, mais de quoi passer un agréable repas en en sortant suffisamment repus mais pas ballonné. Du pain frais, des fruits goûteux, de la viande et du poisson grillé en sauce et des crudités en salade.

Le capitaine Georges Mikles, sans plus d'autres préparatifs ouvrit la porte de sa cabine. Il ne fut pas surpris d'accueillir le visage impassible les trois invitées qu'il avait quémandé.

« Merci Gutberg... Mesdemoiselles, veuillez vous donner la peine d'entrer. »

Le jeune Gugut comme on l'appelait se raidit de fierté et manqua de faire un salut de marin à son capitaine qui le remerciait... insigne honneur que celui là. La porte se referma sur sa curiosité une fois que Lys, Elie et Cyanur en eurent passé le pas. Qu'allait-il se passer ? Elles vont certainement succombé au charme du capitaine, se disait-il, c'était obligé, elle ne pouvait pas résister. Il se mit à imaginer... imaginer... et poussa son imagination trop loin. Un bateau sans femme... les toilettes recevraient encore sa visite.

Georges agit comme si rien ne le perturbait. D'ailleurs, rien ne le perturbait. Il ne dit rien, n'invita personne à prendre ses aises. Il se contenta d'abandonner son long manteau de cuir sur le porte-manteau fixé à la porte, libérant par la même occasion son parfum naturel. Bon, ça ne sentait pas forcément bon, mais ce n'était pas non plus écoeurant, ni enivrant... c'était intriguant.
Il se forgea un passage jusqu'à la table où il pêcha dans un sceau de glace pilée une fiole d'un demi litre d'une boisson ambrée. On aurait dit du miel, bien foncée, mais plus liquide, moins visqueux, et à peine sucrée. C'était de l'alcool, le goût se rapprochait de celui de la pêche. Il s'en versa un fond de verre et le bu cul-sec. Puis il pencha la fiole en guise de proposition silencieuse.

En fait c'était un peu la croisière s'amuse tout ça! Vas y que je t'en colle plein la tronche, vas y que je fais la gueule, vas y que je suis de mauvais poil... Elles ont toutes leurs règles en même temps ou quoi? Parce que même la surdouée devient désagréable. Oulalala c'est un crime de lèse majesté de ne pas se présenter apparemment! Ça fait de moi une espèce de vile petite snobinarde.

Je me fais pas d'illusions Elie j'essaie juste d'éviter qu'elle se coupe les veines avec un épluche patate de désespoir!

Cyanur et elle c'est Lys... Voilà les présentation sont faites! Il te faut aussi nos biographies? En tout cas une chose est sûre même surdouée t'es comme toutes les ados, une chieuse! Mais c'est bien au moins c'est un gage de normalité!

Bon ok j'y vais peut être un peu fort c'est une môme... Mais une môme qui sait très bien ce qu'elle dit et qui est loin d'être stupide, alors si ça lui plait pas tant pis, je compte pas faire ma vie avec elle après tout! Et je ne vais pas non plus me mettre à déprimer parce que le sosie de Jack Sparrow nous a convoqué dans sa cabine! On sait toute qu'il veux nous conter fleurette, et nous mettre dans son lit. Mais allez savoir pourquoi, ce mec me fout pas l'angoisse comme certain. Il a pas une tête de pervers psychopathe comme ce fameux Liam. Et à mon avis il y a peu de chance qu'il nous force à quoi que ce soit. Il fait plus dandy que dangereux. Et Einstein semble être du même avis, et son raisonnement est loin d'être bête, au contraire même. Certes vendre son cul pour une douche ou de la bouffe ce n'est pas très moral, mais à la guerre comme à la guerre comme on dit. Si il fallait passer par là avec un mec qui avouons le n'était pas un laideron, et bien qu'il en soit ainsi! Après tout je m'étais déjà retrouver dans un lit avec un mec en n'ayant que de vagues souvenirs de qui il était, alors ce n'était pas bien différent, les joies des soirées étudiantes... Et puis si écarter les cuisses était synonyme de pseudo liberté, et bien moi je dit il faut savoir faire des sacrifices!

La vache tu t'es pas loupée...

Une légère grimace accompagnait ma réflexion, tandis que je l'écoutais. Encore une fois nos opinions se rejoignait. Par contre elle était toujours aussi chiante et aussi désagréable. Intelligente mais casse bonbon la petite, parce que c'était pas avec ce genre de réflexion qu'elle allait sortir Lys de sa déprime, ni même calmer la mauvaise humeur d'Elie. L'ambiance était un peu tendu, et c'est pile ce moment plein de félicite -ironie quand tu nous tient- que choisi ce bon gros Gutberg pour venir récupérer les trois invitées très spéciales que nous étions. Je préférais suivre sans trop broncher, parce que vu la taille de ses paluches je n'avais vraiment pas envie de m'en prendre une! Ça aurait été un coup à me faire dévisser la tête.

A droite, à gauche, encore à gauche... Ce bateau est un vrai dédale! J'ai essayé au début de retenir l'itinéraire qu'on emprunte mais bien vite je perds le fil et en moins de temps que je ne le pensais, nous voilà déjà à destination. Le silence plana, et plana... Encore... Personne ne disait mot, et je n'osais même pas jeter un coup d'œil aux filles de peur de voir les têtes qu'elles tiraient. Je me contentait juste de répondre à la question silencieuse de ce cher George "wake me up" Mikles d'un oui de la tête avant d'attraper le verre qu'il me tendait et de le descendre cul sec comme il venait de le faire. C'était bon, fort, mais bon! Et de toute façon vu la tournure qu'allait prendre cette petite sauterie, autant s'alcooliser un minimum histoire de se donner des ailes!

Je reposais mon verre, et scrutai la table d'un œil assez... Perplexe, oui c'est le mot! C'était très "repas aux chandelles " tout ça! Très latin lover... Très has been! Mais je me gardais bien de le dire et me contentais de me laisser tomber sur une des chaises. Si Elie et Lys voulaient rester debout, grand bien leur fasse, mais vu étaient là pour un petit moment, autant se mettre à l'aise, enfin un minimum.

Décidément, cette petite blonde avait décidé de s'acharner sur ses congénères, une vraie petite emmerdeuse en puissance ! Et contrairement aux brunes qui l'accompagnait, Lys n'avait qu'une envie : s'enterrer six pieds sous terre. Pourtant Elie et Cyanur la défendait, ou plutôt s'énervait contre cette petite adolescente insupportable. Toujours est-il que Lys ne disait rien, n'entendait rien, ne faisait rien. Elle était simplement prostrée sur sa chaise, les yeux vides, l'esprit dans le brouillard. Et son éreintante journée n'aidait en rien son moral, d'autant qu'elle était loin d'être terminée... Mais cela, la rouquine n'en avait pas tout à fait conscience, ce n'est que lorsqu'elle senti les filles autour d'elle se lever qu'elle se souvint. Gutberg. Le capitaine de pacotille. La cabine. Lys déglutit. Tremblante, elle se leva et suivit les autres dans le dédale de couloir qui les conduisait à la cabine de leur gentil sosie de Jack Sparrow. Déjà qu'elle avait trouvé le trajet jusqu'à la salle à manger plutôt long, elle n'avait décidément rien vu ! Non mais vraiment, c'était QUOI ce bateau ?! Mais l'anglaise n'était même pas capable de s'étonner d'une telle distance parcourue dans un même rafiot, elle n'arrivait plus à penser, même pas à angoisser, y compris lorsqu'elle pénétra dans la fameuse cabine...

C'était le stéréotype même de la cabine de capitaine, celle de Sparrow, Crochet ou encore Davy Jones ! Tout y était de bois, de drapé, de tableau, de cartes. Des murs surchargés à la table d'amoureux, tout y était. Une minute... Table d'amoureux ? Depuis quand les capitaines de pirates vendeurs d'esclaves étaient-ils romantiques ? Fantaisie dreamlandienne ou manipulation masculine ? Plutôt la seconde solution, sans doute... Lys prit une grande respiration, humant l'odeur musquée de la chambre. Elle était à un homme, et ça se sentait. Non pas que ça empeste la transpiration et autres effluves corporelles, mais plutôt celle du bois chaud, de la mer, de l'ambre et aussi... un peu d'alcool. Leur Jack Sparrow particulier s'était mis à l'aise, se servant un ver du fameux alcool avant de les regarder, comme une invitation silencieuse.
Lys hésitait. Elle n'avait jamais été une grande buveuse, mais ce n'était pas pour autant qu'elle n'aimait pas les bonnes choses. Et après une telle journée, un peu de réconfort alcoolisé ne lui ferait pas de mal, après tout... C'est pourquoi elle suivit Cyanur vers leur hôte, attrapant au passage un des shooters tendu vers elle avant de s'approcher de la table où la brune s'était déjà assise. La jeune fille regarda de ses yeux verts le liquide mielleux qui clapotait dans ce minuscule verre. Il y en avait peu, mais ça sentait fort, et Lys avait assez de souvenirs des soirées vodka pour savoir que petite quantité ne rimait pas forcément avec sobriété, surtout à la fin de la soirée... Mais elle prit son courage à deux mains et avala cul-sec le liquide ambré, bien heureuse d'avoir une chaise près d'elle. C'était vraiment plus fort qu'elle ne l'avait cru... aussi se laissa-t-elle tomber sur la chaise, posant son verre vide sur la table et commençant à regarder la déco. Une nappe brodée, des assiettes en porcelaine, un vase de fleur sur un napperon en dentelle (mais où avaient-ils trouvés des fleurs en pleine mer ?!), même l'argenterie y était ! Cette table était digne d'une demande en mariage sous les violons d'un restaurant italien. Mais pour une jeune fille normale, c'était surtout kitch et peu attirant. Sauf si la nourriture qui irait dans les assiettes était elle aussi digne d'un restaurant italien. Là, ça devenait beaucoup plus intéressant !

Lys leva les yeux et regarda le reste de la pièce surchargée, sans surprise, avant de tomber sur leur hôte qui les regardait, souriante. Soudain, Lys se souvint d'où elle était : sur un bateau peuplé d'hommes. La rouquine se tourna vers Cyanur, lui adressant un regard paniqué, apeuré. Elle ne se doutait que trop bien de la raison de cette invitation et ce n'était pas pour rassurer la dépressive qu'elle était. Elle aurait voulu appeler au secours, hurler, fort, pour que quelqu'un vienne la sauver.

Jonh...

Lys se mordit la lèvre. Son ami lui manquait. Sa voix grave, ses yeux tristes, ses cheveux bouclés, ses mains douces, son odeur musquée... Tout en lui lui manquait. Si elle avait pu au moins être avec lui, cette galère lui aurait semblé moins horrible. Mais elle était seule, seule avec deux autres filles caractérielles et un pirate en rut...

Une chance ? Cette pimbêche n’avait pas tord mais le reconnaître arrachait carrément la gueule d’Elie qui préféra se contenter d’un regard noir avant de se plonger dans la contemplation de son double qui bavait allégrement dans son plat. Qu’est-ce qui lui arriverait quand elle serait partie rejoindre le capitaine ? Qui veillerait sur elle ? Sûrement pas la surdouée au cœur de glace et encore moins la Barbie au QI de mouche atrophiée. Elie se mordit la lèvre tout en tapotant des doigts sur la table. Les choses ne devraient pas tourner mal tant qu’ils ne la ramèneraient pas en cale avant son retour, là où elle pourrait croiser son grand méchant loup.

La brunette fut tirée de ses réflexions par l’arrivée d’un Gutberg particulièrement zélé qui les mena bon gré mal gré jusqu’à la cabine de Mikles après les avoir fait déambuler dans une ribambelle de couloir. D’ailleurs El’ soupçonnait légèrement ce mec d’avoir volontairement tourné en rond pour les embrouiller et faire en sorte qu’elles ne puissent pas repartir en sens inverse sans escorte. Enfin… ce n’était peut-être qu’un début de paranoïa.

Une fois arrivés à destination, la porte s’ouvrit en dévoilant leur « hôte » qui renvoya Gutgut avec quelques mots de remerciement. Elles entrèrent dans la pièce et la mauvaise jumelle se permit un petit tour d’horizon agrémenté d’un sourcil haussé avec croisement de bras en prime.

C’était… kitch. Très. Vieux romantique en solde, mais au moins le cap’tain avait fait des efforts ça elle ne pouvait pas le nier même si elle n’était pas du tout sensible à ce genre d’artifices. Elle ne bougea pas non plus d’un millimètre lorsqu’il leur fit la proposition muette pour un verre. De l’alcool visiblement fort.

Mais oui, quelle bonne idée ! Rien de tel que de se bourrer la gueule pour finir sans culotte dans une danse sexy sur la table accueillant leur repas ! Non merci, très peu pour elle, ce soir elle carburerait à l’eau ou tout autre boisson dépourvu de désinhibiteur de sa personne. Elie était une fille prudente, d’aucuns diraient « trop ».

Cyanur ne partageait visiblement pas sa vision des choses car elle se jeta sur son verre comme une souris sur son bout de fromage. Lys de son côté était plus réservée dans son attitude mais ingurgita tout de même la mixture ambrée après avoir rejoint la table. La brunette ne pourrait donc compter que sur elle-même pour rester sobre et alerte… mais à quoi pensaient ces filles ?! Qu’avec un eu d’alcool dans le sang écarter les jambes serait plus facile ? Où était donc passé leur esprit combattif ?! En imaginant bien sûr que la rouquine en ait eu un dans un passé fort fort lointain…

Toujours plantée près de l’entrée, Elie s’éclaircit la gorge tout en fixant Georges avec son air habituel, c’est-à-dire pas engageant pour deux sous.

- Si ça te dérange pas - je peux te tutoyer hein ? - je préfèrerais marcher à l’eau, au jus de fruit ou au coca… si tu sais ce que c’est.

Elle s’avança alors sans se presser jusqu’à une chaise, faisant jouer ses doigts sur le dossier avant de se décider à tirer la chaise et à se laisser tomber dessus non sans quitter des yeux leur hôte. D’ailleurs il était si silencieux, qu’est-ce qu’il attendait ? Qu’elles lui fassent la conversation ? N’était-ce pas celui qui invitait qui était en charge de mettre l’ambiance ? Parce que là, sans être méchante, c’était pas très folichon.

Soyons clair : elle se faisait chier.

- Est-ce que c’est indiscret de demander le programme de la soirée ? J’suis une grande curieuse. Apéro, repas et après ? Folle soirée en discothèque, minigolf, cinéma, castration de lama ? Notre capitaine est peut-être d’humeur à éclairer ma lanterne ?

Tout en parlant elle avait tendu la main vers une carafe d’eau en cristal et se servit un verre qu’elle renifla discrètement avant de boire. On ne savait jamais, ce mec avait peut-être caché de l’alcool un peu partout… paranoïa quand tu nous tiens ! Le liquide translucide ayant définitivement été identifié comme de l’eau par ses papilles gustatives la mauvaise jumelle reposa son verre et leva de nouveau ses yeux vers Mikles l’air de dire « et bien alors ? ».

Les demoiselles avaient peur, ça se voyait. Georges en était conscient, et il trouvait cela bien normal. Après tout, il allait les vendre. Il avait fait amener ces trois petites dans sa cabine, nul doute qu'elles pensaient à la chose. L'alcool fabriqué maison les aiderait à se détendre. Lys et Cyanur s'étaient résolus. Elie quant à elle restait farouche. Elle voulait garder les idées claires au cas où il tenterait des choses inconvenantes, brave petite. Après sa remarque dont il ignora le sarcasme, il vida un nouveau fond de verre de sa boisson forte. Après un moment de silence où il prit le temps de considérer ses mots, il répondit :

« Si vous estimez que nous sommes assez intimes, alors nous pouvons nous tutoyer. Hélas je n'ai que de l'eau clair. Je laisse le rhum et les autres alcools infects pour mes hommes qui semblent en raffoler, je ne les comprendrais jamais. En revanche, la coca, ils la fument, et non la boivent. »

Fit-il en affrontant paisiblement son regard.

« Nous pourrions commencer par manger, je me doute que vous ayez passé une journée éprouvante, si ce n'est plus. Après tout, être un voyageur dans ce monde, notamment à Ellipse, n'est pas une situation de tout repos.
Par la suite je vous proposerais bien un séjour dans ma cabine de douche. Enfin, par douche, j'entends quelques litres d'eau chauffée venant des cuisines que vous faites couler en tirant sur une chaînette. Mais le savon sent bon, et votre intimité sera préservée. Je ne suis pas un voyeur, si c'est ce qui vous inquiète, sauf si on m'y autorise évidemment. Mais cela reste d'un autre registre. »

Il est vrai que les mésaventures avaient rendu ces demoiselles non moins charmantes mais malodorantes et d'apparence crasseuse.

Il les regardait tour à tour, un léger sourire en coin.

« Nous castrerons le lama plus tard, mais nous pourrions discuter en attendant. Ou même, faire un scrabble ? »

Il sortit d'un rangement sous la table un coffret en bois contenant une palette et des petits palets sur lesquels étaient inscrits des lettres, ayant chacun leur propre valeur. Bon, c'est un scrabble quoi, fabriqué à la main...
Il se vida un troisième verre, toujours impassible. L'alcool lui brûlait pourtant la gorge et l'estomac, mais ses esprits ne s'étiolaient pas. Il continuait de regarder les femmes dans les yeux.
Il entama son steack grillé qu'il coupa d'une traite. Il prit le temps de bien mâcher puis reconsidéra ses invitées.

« Vous avez peur n'est-ce pas ? Vous vous demandez ce que je peux bien vouloir de vous, ou alors vous avez une idée bien arrêtée là dessus. Sachez que la porte n'est pas fermée à clé, vous partez quand vous voulez, mais il serait dommage de faire une croix sur ce cadeau par une simple peur irraisonnée. »

Wahou...

A défaut d'un lama on pourrait peut être castré Gutberg

C'est une blague... Nan sans déconner, y a une caméra cachée, vous vous moquez de nous? Nan parce que entre le scrabble et votre attitude de grand prince y a franchement de quoi se marrer! On a le choix entre vous et être en compagnie d'une bande de marins qui ont gravement la dalle! Et par là je parle pas seulement de leurs estomacs si vous voyez ce que je veux dire. Alors excusez moi, mais non on a pas vraiment le choix...

Sur ce je vais me doucher! Je vous aurais bien proposé de m'accompagner mais on est pas encore assez intime pour ça!

Lys, qui était toujours prostrée sur sa chaise, observait l'échange entre Cyanur et le capitaine suite à la proposition de celui-ci. Castrer Gutberg ? Avec grand plaisir ! Une douche ? Une douche bien chaude qui durerait des heures à renfort de savon moussant - si possible à l'odeur délicieusement sucrée - ? Oui, et mille fois oui ! Lys rêvait de cette douche depuis son arrivée à San Fransisco, où elle avait eu tout juste le temps d'un aller retour sous la douche afin d'être présentable au docteur Parkinson, mais rien à voir avec la délicieuse douche qu'elle aurait voulu après le voyage en avion... et qu'elle désirait encore plus après toute cette histoire de chasse au voyageur et d'épluchage de pomme de terres ! Oui, a douche était une proposition tout à fait acceptable, et surtout alléchante. Mais la rousse ne put se ruer dans sous l'eau brûlante tant convoitée car sa comparse brune l'avait devancée. Lys fixa un moment la porte de la salle de bain, fermée, entendant le léger bruissement de l'eau qui coule...
Soit. On était plus à quelques minutes près.

La jeune anglaise se tourna vers leur hôte, qui avait sorti un pur Scrabble le plus traditionnel qui soit, en bois massif, qui plus est !

Eh beh, c'était sérieux en fait ! Peut être que ce pirate de pacotille est digne de confiance et pas si assoiffé que ça, en fait...

Tout en fixant le Scrabble de ses yeux émeraudes, Lys attrapa le pichet d'eau et se servit un verre, qu'elle descendit aussi sec. C'était beaucoup plus désaltérant que cet espèce de tord-boyau à la pêche ! La jeune fille leva les yeux vers ceux de Mikles, avant de retourner vers le Scrabble, les joues roses. Cet homme avait beau l'air gentil et agréable, Lys n'arrivait pas à lui faire confiance, et elle était bien heureuse de ne pas être seule avec lui dans cette cabine... même si elle préférait la compagnie de Cyanur à celle d'Elie, qui la mettait encore plus à mal à l'aise que le capitaine ! Capitaine qui tenant toujours son sac de pièces, les mélangeant consciencieusement...

- Va pour le scrabble... murmura Lys en attrapant d'une main tremblante un de ces repose-pièces-de-jeu-de-scrabble.

Ses mains tremblaient, oui, car malgré tout ce semblant de détente et de courtoisie l'adolescente n'en restait pas moins tendue, tendue de peur, de fatigue, de stress, et de tant d'autre choses... qui faisait qu'elle voulait VRAIMENT un douche !

Cyanur, t'as pas intérêt à utiliser toute l'eau chaude !!! Tiens, comment ils font pour avoir de l'eau chaude sur un bateau, d'ailleurs ?

Faire un… scrabble ? La tension accumulé dans le corps nerveux d’Elie baissa d’un cran alors que le capitaine sortait son jeu fait maison. Se doucher, tailler une bavette et jouer à des jeux de société… soit c’était une bonne blague soit elle s’était fait du mouron pour rien, dans tous les cas elle avait toujours ses vêtements ce qui était en somme une bonne chose.

Cyanur qui semblait partager son avis partit dans son remake de la caméra cachée avant de filer vers la sacro sainte douche que ses deux camarades convoitaient activement. Alors que Lys prenait son air de chien battu et se résignait à attendre, la mauvaise jumelle bondit sur ses pieds et après un sourire mystérieux au capitaine, se dépêcha de suivre l’égoïste grilleuse de place. Elle sentait mauvais, avait transpiré comme un porc sans parler des effluves de cuisine qui imprégnaient ses vêtements. Hors de question de manger dans un état de crasse aussi avancé, elle irait donc se laver, place occupée ou non ! Après tout ce n’était pas elle que ça dérangerait !

La main sur la poignée de la salle-de-bain elle lâcha tout de même à l’attention de leur hôte et de la rouquine :

- Vous m’excuserez mais j’aime bien être présentable avant de participer à une sauterie… sans mauvais jeu de mot. Et Georges si je te vois jeter un œil là dedans, capitaine ou pas-tu y perdra quelques dents, même si je suis sûre que Lys se fera une joie de veiller sur nos quelques réserves de pudeur.

Elle disparu aussitôt, rejoignant une pièce exiguë déjà envahie par une épaisse vapeur. Le moins qu’on puisse dire était que Cyan n’y allait pas mollo sur la consommation d’eau chaude ! A ce rythme il ne resterait plus rien après son passage, elle avait donc prit la bonne décision en précipitant son tour.

Sa compagne n’ayant pas encore remarqué sa présence, la brunette prit tout son temps pour ôter ses vêtements crasseux qu’elle laissa tomber sur le sol avec dégoût. Elle se glissa ensuite dans la « cabine de douche » sans se soucier le moins du monde du fait que de voir quelqu’un faire irruption pendant ses ablutions pourrait déranger notre phobique des poupées. Elle se contenta d’une légère poussée pour avoir un minimum de place et d’un rapt de savon comme entrée en matière avant même de se lancer dans des explications. Malgré tout devant le regard que lui lança Cyanur elle n’eut d’autre choix que de donner la raison de sa présence ici, entièrement nue.

- Ça va, ca va j’suis pas lesbienne… détends-toi cocotte. J’suis juste aussi pressée que toi de redevenir un peu plus propre et HUMAINE. Je tuerais pour une brosse à dent.

Ça suffirait probablement pour calmer sa camarade, elle lui tourna donc le dos pour s’asperger d’eau chaude dans un soupir de plaisir avant de se frotter énergiquement afin de se rendre l’apparence qu’elle se connaissait. Elie avait presque l’impression que ses soucis s’en allaient en même temps que l’eau sale et savonneuse, se permettant même de siffler un bref air avant de se reprendre. Elle avait beau être propre c’était loin d’être le paradis et il ne fallait surtout pas l’oublier. Sans compter le fait qu’actuellement Jade était peut-être en train de paniquer.

*Reprend-toi Germaine…*

Elle tira sur la chainette afin de se rincer et sortit de la cabine. Sa douche avait duré à peine 5 minutes mais elle se sentait fraîche et revigorée. L’adolescente attrapa une serviette qu’elle enroula autour de son corps avant de se sécher les cheveux puis se mit en quête de vêtements propres… sauf qu’il n’y en avait pas.

- C’est quoi cette arnaque ?!

Elle n’allait tout de même pas remettre ces loques raides de crasse ! Elle se mit donc à chercher nerveusement dans la pièce, d’abord du regard puis en retournant tout mais ce sans succès. Deux options s’offraient à elle : remettre ses vêtements sales ou sortir en serviette pour demander l’aide de tonton Georges. En prenant en compte le caractère ras-la-fouffe de sa tenue actuelle n’importe qui aurait choisit la première option… mais pas Elie.

Celle-ci ouvrit la porte et déboula pour s’arrêter juste à côté de la chaise de Mikles, les bras croisés et un sourire forcé aux lèvres. Elle laissa s’écouler une seconde durant laquelle l’eau s’écoulant de ses cheveux mouilla généreusement la chemise du capitaine avant de demander d’une voix faussement mielleuse.

- Non vraiment, c’est très gentil à toi de nous offrir une douche, mais ce serait possible d’avoir aussi des vêtements propres ? Parce que franchement, se laver pour remettre ces trucs infâmes c’est… euh… stupide. Reste aussi le port de la serviette, mais c’est pas une tenue très politiquement correcte n’est-ce pas ?

Ah cette Cyanur, cette petite bombe nerveuse paraissait constamment sous tension, toujours prête à répondre du tac au tac, à retourner une baffe au premier qui la giflerait. Des femmes comme cela il y en avait très peu. Était-elle une exception, ou le monde avait-il bien changé ? Quoi qu'il en soit, il lui pardonnerait sa fougue rien que pour sa singularité. Une invité intéressante parmi les autres, le voyage risquerait d'être fort captivant. Elle semblait fort se préoccuper de sa compagnonne de route, Lys, infiniment déprimée. Lorsqu'elle lui saisit la main, il put voir sur leur visage le changement d'humeur. C'était une grosse claque mentale, une contamination de la dépression, ou plutôt refilait-elle son mauvais rejeton à une personne, comme un parasite. Enfin, cela ne dura pas longtemps, à peine 5 minutes, « wahou », tu peux le dire. Et l'ordinaire repris son cours, avec une charmante pique de son invitée.

« Ce brave Gutberg n'est pas ce genre d'homme qui mérite qu'on l'émascule. Il ne demande qu'à bien servir, et c'est ce qu'il à toujours fait. Enfin, je ne vous demande pas de l'apprécier, ni n'importe lequel d'entre nous d'ailleurs. Et sachez que si, vous avez le choix. Aucun de mes hommes ne viendrait vous trouver pendant la journée, alors que je veille au grain, ni la nuit, ils n'aiment pas descendre dans la cale, car cela signifierait pour eux d'y rester. Puis-je aussi signaler que vu l'état de votre soeur, Elie, vous n'êtes pas plus en sécurité avec mes gars qu'avec certains d'entre vous.»

Il vit qu'il avait marqué un sacré point, et n'en jubila pas. Il rebondit plutôt avec plaisir à la nouvelle remarque de Cyanur :

« Le simple fait que vous y aviez pensé, même ironiquement, me sied à ravir, car vous songez au peut-être. »

Il la regarda disparaître derrière le paravent opaque, se délecta du son des vêtements qu'on enlevait puis revint aux autres demoiselles lorsque l'eau se mit à couler. Il vit tour à tour la mine encore plus déconfite de Lys, déçue de ne pas profiter de la douche en première (fallait poster avant-euh !), et la résolution marquer le visage d'Elie. Il assista à un spectacle surprenant, la jumelle se levant de la table en menaçant le capitaine de perdre quelques dents s'il fourrait son oeil sur le nouveau couple qui se douchait.

« Inutile d'en venir à tant d'extrémité, je ne voudrais pas que vous vous fassiez mal. Je vous ai déjà dit que je n'étais pas un voyeur. »

Elle disparut également derrière le paravent, avec le cri de surprise de Cyanur.

Il se leva de son siège pour se rapprocher de Lys. Comme il l'avait fait dans la cuisine, il posa sa main sur sa joue pour en essuyer les larmes. Comme il l'attendit, une vague d'intense désespoir quitta la jeune fille pour parasiter le cerveau du Capitaine. Mais il s'était préparé pour l'occasion. Il ferma les yeux et s'envoya une vague d'apaisement en continue, jusqu'à ce que toute la peine de Lys s'épuise et disparaisse de ces deux là.

« Voilà qui devrait vous laisser tranquille pendant une bonne heure. Ne soyez pas triste et souriez enfin, ma chambre à besoin d'un peu de lumière. Vous voyez que vous n'avez pas à avoir peur de moi, je peux vous débarrasser de cette peine qui vous hante constamment. »

Il reprit sa place au bout de quelques minutes, quand un autre spectacle se déroula. Une Elie en serviette courte qui déambulait jusqu'à lui, avec un sourire un brin forcé pour demander des vêtements.

« Voilà une stratégie à laquelle je n'avais jamais pensé, mais le résultat reste plaisant, se délecta-t-il en déshabillant du regard la belle jumelle. Moi ça ne me dérange pas ce « port de la serviette ». Vous m'en voyez désolé, mais je n'ai pas pour habitude d'habiller les princesses. »

Répondit-il avec ce même sourire forcé. C'était pour la cuisiner qu'il disait cela, il avait bien des changes en réserve, mais il voulait voir comment elle réagirait.

Abasourdie, Lys observait Jade dans sa tenue... plus qu'ostentatoire, discuter tranquillement avec leur sosie de Jack Sparrow, quémandant quelques vêtements. Il va sans dire que le capitaine se retenait de rire afin de garder son rôle d'être sérieux et "fiable", mais la vue d'une demoiselle en petite serviette éponge verte de rage de devoir rester dans cette tenue était certes amusante. Sauf pour Lys qui redoutait de devoir suivre la même voie suite à la douche... Et elle se voyait mal se balader en petite serviette devant tous les gugusse qui servaient de matelots à ce bateau ! Il va sans dire qu'elle n'aurait pas l'assurance de sa compagne brune... Ainsi, plus blanche que jamais, la jeune Lys fixait le capitaine, son sourire hilare la dégoutant plus que jamais.

Il croit vraiment qu'on va tomber là-dedans ?!

La rouquine se leva et regarda le sosie de Jack Sparrow de son regard le plus froid et dénué d'émotion, chose qu'elle n'eut pas de mal à faire, la fatigue aida à détester quiconque se dressait devant elle.

- Vous croyez vraiment qu'on va se balader à poil dans les couloirs blindés de matelots en manque ? C'est comme ça que vous traitez la "marchandise" ?!

Lys s'imaginait encore en train de crapahuter en petite serviette éponge rose délavée, pourchassée par ce cher Gutberg, bavant tel un chien devant une gamelle bien remplie... Lys sourit. Non mais vraiment, c'était quoi ce bateau ! Un sourire encore plus grand. Des gus en manque et des esclaves en petite tenue ? Un gloussement. Et en plus de ça, un capitaine sosie d'un personnage de film ? Éclat de rire. Lys était en mode Eden. L'euphorie était revenue !
Elle riait, riait, comme la folle qu'elle devenait ! L'insouciance dangereuse qui caractérisait cet état commençait à s'installer dans l'esprit de l'anglaise, qui ne s'inquiétait plus du tout du fait de se balader à moitié nue dans les couloirs du rafiot surpeuplé. Tellement qu'elle était prête à se mettre nue tout de suite ! Allez, on commence un petit strip tease ?

- KOF KOF KOF !!!

La crise de rire de l'euphorique rouquine se trouvait dérangée par une étrange quinte de toux fort désagréable pour la jeune fille, qui sentait un drôle de truc dans sa gorge. Elle avait l'impression d'être... un chat. Oui, un chat qui crache une boule de poils ! Et d'ailleurs, c'est à peu près ce qui se passa car une drôle de petite boule sorti de sa bouche pour rouler gentiment vers le capitaine, avant de se désintégrer en poudre, faisant éternuer ce cher Georges.
Lys observa la poudre dorée avec des yeux ronds, ne comprenant pas. Son calme était revenu, étonnamment vite comparé à ses précédentes crises. Et le coup de la poudre de fée là, c'était quoi ?! Un autre pouvoir de ce pays ? Si ça pouvait la faire échapper à son mode Eden... La rouquine reprit sa respiration, toussant encore un peu, et regarda de nouveau le capitaine, qui avait prit une drôle de tête...

- Sérieusement, où vous avez mis les vêtements ?!

Il avait intérêt à répondre, parce que Lys comptait bien profiter de la douche, et de vêtements dignes de ce nom. Parce qu'entre sa chemise blanche tâchée et déchirée, son jean qui ressemblait plus à un pantalon militaire entre les tâches d'herbes et de boues, et sans parler de ses sous-vêtements qui avaient connus des jours meilleurs... elle voulait vraiment des fringues.

M'en parle pas! Je vendrai ma mère pour un bain de bouche et du fil dentaire!

Bon écoute mon ptit Georges si on est vouée à rester à moitié nue, y a pas de raison que toi aussi tu restes habillé! Donc soit tu nous trouve des fringues, soit tu vires les tiennes!

Ouais on oublie ça... Il serait capable de le faire en plus!

De toute façon j'ai jamais été une princesse, donc à toi de voir si tu préfères la compagnie de pirates du dimanche ou de vraies femmes!

- … Pervers.

Pas besoin de blabla inutile, le visage d’Elie en disait bien assez sur sa pensée. Ce mec se disait correct, gentleman… et voilà qu’il la reluquait comme un morceau de viande chez le boucher. Ce ne fut que par un effort démesuré de volonté qu’elle se retint de dire « essuie-toi la bouche Georges, tu baves ». D’ailleurs même si l’idée du port de la serviette semblait plaire au capitaine elle n’emballait aucune de ses camarades. Lys exprima sa pensée avec beaucoup plus d’énergie que d’habitude et un poil de menace alors que Cyanur commençait sérieusement à vouloir se travestir en homme s’il le fallait.

Passant donc sans une remarque, mis à part un regard noir, sur la proposition de soirée nudiste de Cyan’, l’adolescente égoutta ses cheveux sur Mikles en affichant un air passablement effronté.

- Je suis loin d’être une princesse tu sais. Ni une voleuse travestie, désolé Cyan pour le qualificatif. Et je n’apprécie pas d’être détaillée comme un morceau de barbaque… si tu aimes le steak fixe ton assiette coco. Tu joues les grands seigneurs en nous offrant repas, douche et jeux mais tout ça pour quoi ? Mater des nanas en petite tenue ? Ça manque de distinction… surtout quand on pense que je suis mineure là ça devient carrément glauque m’est avis.

La mauvaise jumelle réintégra sa place à table en prenant les précautions nécessaire pour que ne soit pas dévoilée une plus grande proportion de son anatomie et se mit à manger sans plus de paroles. Qu’est-ce qu’il croyait ? Qu’elle allait hurler ? Faire une crise ? Depuis quand ça aide à avoir ce qu’on veut ? Le cap’tain savait parfaitement qu’il contrôlait la situation et lutter contre sa volonté ne pouvait que le faire se réjouir, restait donc l’ignorance.

Enfin… il fallait bien avouer que l’envie de lui démolir la mâchoire à coup de pelle était bien tentante mais il fallait parfois savoir se contrôler, surtout que sa tenue actuelle était loin d’être adaptée aux rapports de force… enfin ca dépendait du genre de rapport.

Dans tous les cas il fallait avouer que son assiette valait le détour et eut le mérite de calmer un peu les ardeurs de la belle. Si elle avait eut une poche disponible elle aurait bien rapporté quelque chose à Jade mais il fallait se rendre à l’évidence c’était loin d’être possible, sauf si monsieur possédait des Tupperwares. Elie profitait de son repas en ignorant royalement ce qui l’entourait lorsque qu’une pensée intruse bondit dans son cerveau, la faisant sursauter et basculer en arrière dans un cri.

- UN COUTEAU !

Elle retomba sur le dos dans un fracas de bois cassé et de grognement de douleur. A peine avait-elle atterrit qu’elle jetait déjà des regards inquiets aux alentours à la recherche du couteau… mais quel couteau d’ailleurs ?

Elle était persuadée avoir pensé qu’un couteau lui arrivait dessus ce qui était à bien y regarder totalement absurde sauf si… cette pensée n’était pas à elle. Jade devait avoir quelques problèmes, mais si elle ne se transformait pas ça ne devait pas être si grave, du moins pas autant que la honte qui submergeait actuellement Elie qui se redressait tant bien que mal, sa serviette défaite offrant une magnifique vue sur son postérieur.

Elle fusilla du regard les trois personnes présentes avant de les pointer du doigt, la mâchoire crispée.

- On ne rigole pas.

Rouge comme une tomate elle tenta de remettre son cache misère du mieux qu’elle pouvait sans que cela tienne du strip tease avant de tâter les quelques plaies qu’elle s’était faite dans sa chute. D’ailleurs en parlant de ça… autant rendre à Caesar ce qui lui appartenait. Elle s’était fait mal à cause de Jade, alors c’était totalement logique que ce soit elle qui écope des blessures. Après tout elles l’avaient déjà fait une fois plus ou moins involontairement alors…

Elie ferma les yeux et se concentra, visualisant ses blessures disparaissant pour réapparaitre sur le corps de son double. Peu à peu la douleur s’envolait et quand elle ouvrit les yeux son corps était indemne, ne restait plus que les quelques traces de sang. Bon, c’était mesquin, mais ce n’était que des écorchures et il fallait bien que Jade apprenne à refreiner ses pensées, par la manière forte s’il le fallait. Bien sûr ce petit tour de magie n’était pas passé inapperçu mais pour ce qu’elle s’en fichait…

- Bon, Cap’tain… tu ne penses pas que j’ai été assez ridiculisée pour la soirée ? C’est si dur de faire sortir de ta manche une tenue convenable sans qu’on ait à fouiller tes tiroir pour te voler tes affaires ?

On sentait la lassitude et un profond agacement dans sa voix et elle espérait juste que Mikles serait assez malin pour comprendre que le petit jeu n’était drôle que de son point de vue.

Ca devenait franchement amusant, d'abord Lys qui souffrait d'un excès d'euphorie, à la limite de craquer. Tout ça parce qu'elles n'avaient pas de quoi se changer... des esclaves exigeantes, en voilà une nouveauté. Elles n'étaient jamais contentes... elles ne seraient pas françaises par hasard ?
Elie se tenait devant lui, peu vêtue. Il se régalait de ses charmes.

« Vous ne faites que râler comme des gorets depuis tout à l'heure, m'accusant de malice, allant jusqu'à porter une chemise infestée par feue Ginger « les bras m'en tombent », que je n'ai pas encore eu l'occasion de brûler. Vous pouvez toujours me traiter de pervers, ce n'est pas moi qui suis allé mater à travers l'oeillère. C'est vous qui vous tenez aussi peu vêtue devant moi. Alors quoi ? Devrais-je fermer les yeux, ou tourner la tête ? Qu'y a-t-il de mal à s'inspirer de la beauté d'une femme ? Et tout ça pour quoi, parce que vous n'avez même pas eu l'intelligence de vérifier dans le placard de la salle de bain. »

N'importe qui l'aurait dit de façon plus ou moins énervée, ou au minimum agacée. Mais Georges resta étonnamment neutre. Il se contenta de vider un nouveau verre de son alcool ambré. Il gardait toutefois un oeil sur la chemise que Cyanur avait inconsciemment dérobée. C'était le vêtement qu'il portait lorsqu'il accompagna la douce Ginger jusqu'à sa mort lépreuse. Elle ferait mieux de la remettre là où elle l'avait trouver, et de filer reprendre une douche. Et à la place de ce nid de microbes, elle devrait effectivement fouiller le casier en bois de la salle de bain pour y prendre l'un des beaux ensembles qui s'y trouvait.

Spoiler:

Un bruit soudain vint interrompre son observation. Tiens, une paire de fesses rondes parmi des morceaux de bois. Une chaise avait trépassée à la maladresse d'Elie.

« Pleurnicher ne vous suffit plus, il faut que vous cassiez mon mobilier ? Je ne rigolerais pas pour si peu, du moins pas pour ça. Votre vente aura au moins pour avantage de me débarrasser de votre maladresse, et aura le mérite de rembourser cette chaise. »

Lâcha-t-il sur un ton mi sérieux, mi plaisantant. Lui même ne savais pas vraiment que sentiment prédominait à ce moment là. Ce n'était qu'une chaise après tout. Et il n'allait certes pas utiliser le fruit de son labeur pour remplacer ce meuble, il allait prendre une retraite bien méritée...

La retraite... une douce pensée, dont la réalisation demandait un dernier immense effort. Il vida nostalgique encore un verre d'ambre , puis lança :

« Je compte bien faire mon dernier voyage à bord de ce bateau, et avec cet équipage. Mais le voyage est encore long. Nous pouvons le rendre agréable... Enfin, il faudrait que vous le vouliez »

[ Euuuh... y a un ordre ou personne voulait répondre ? Parce qu'il faut pas m'attendre, je suis pas très dispo en ce moment avec les révisions... ]

Lys regardait l'échange entre les trois personnes qui l'entourait. Entre Cyan qui discutait avec Elie, Elie qui s'énervait et le capitaine qui les prenait de haut, y avait de quoi observer ! Mais la rouquine tiqua. Comme ça, les vêtements sont dans la salle de bain ?

- On va bien voir, dit Lys, je vais vérifier.

L'anglaise se leva, les sourcils froncés, et se dirigea vers la salle d'eau pour vérifier les dires de leur pirate préféré, sous les regards courroucés des deux demoiselles l'accompagnant. Il y avait bien un petit placard de bois brut sous le lavabo, pas visible au premier coup d'oeil, certes, mais il était là. Lys l'ouvrit. Il y avait bien des vêtements, des blouses d'un blanc grisâtre, délavé, et une sorte de jupe beige, ainsi que des sous vêtements peu aguicheurs, certes, mais propres. Le tout était en coton pur et légèrement rèche, sans doute à cause de nombreux lavages. Lys doutait qu'ils n'aie connaissance de la Soupline sur ce bateau.

Au moins on n'aura pas à se balader à demie-nue dans les couloirs...

Lys attrapa deux ensembles et sortis de la salle de bain pour les tendre à ses compagnes de mauvaise fortune, n'osant pas regarder le capitaine.

- Il a raison, y a des ensembles tous plus ou moins identique dans le placard de la salle de bain, prenez ceux-là, y a des sous-vêtements aussi. Moi, je vais à la douche !

Avant que les deux jeunes femmes n'aie pu riposter la rouquine fonça dans la petite pièce humide et se rua sous l'eau chaude avec un soupir de soulagement, enlevant ses vêtements à même l'eau. Dieu que ça faisait du bien ! Lys avait l'impression de n'avoir pas pris de douches depuis des semaines, aussi resta-t-elle immobile sous le jet d'eau un petit moment, profitant de cet instant inespéré et réparateur. Puis elle s'empara de la savonnette déjà bien usée par ses comparse et commença à frotter, mousser, laver, jusqu'à ce que l'eau soit la plus claire qu'un ruisseau de montagne, avant de s'attaquer à sa tignasse. Lys remarqua un peigne en écaille sur le lavabo, elle l'attrapa et entrepris de démêler les innombrables noeuds de ses cheveux roux, l'eau aidant à la tâche, avant de faire un lavage de bouche express avec l'eau qui commençait à se refroidir. La jeune anglaise ferma l'eau et sorti de la douche en soupirant d'aise. Elle n'aurait jamais cru que son apparence, certes agréable mais pas exceptionnelle à son goût, puisse un jour lui permettre de tels privilèges ! Se séchant avec la petite serviette rosée la jeune fille attrapa sa tenue propre et se changea.

Je dois avoir l'air de sortir d'un film de Robin des bois avec ça ! Mais bon, c'est pas le moment de chipoter hein !

Lys sorti de la salle de bain, gardant la serviette pour sécher ses cheveux et se dirigeant vers la table où le capitaine était toujours assis.

- Je... commença Lys en rougissant, je vous remercie d'avoir mis tout cela à notre dispositions, cela nous est, enfin cela m'est, d'une grande aide...

Lys n'osait pas regardait le capitaine dans les yeux en s'asseyant à table. Espérons que la situation ne dégénère pas...