Les cages du Sans nom [Quête Principale]

Alors comme ça elle n'avait pas peur ? N'importe qui aurait eu peur en temps normal, même si dans ce monde l'impact de sa maladie semblait diminué maintenant qu'elle et Elie avaient chacune leur corps. On s'imaginait toujours les personnes souffrants de dédoublement de personnalité comme des grands malades aux facettes toutes plus tarées les unes que les autres et inaptes socialement. On en avait souvent peur, on en riait parfois mais jamais on ne les appréciait, c'était antinaturel. Oui en effet, Melena n'était pas comme les autres.

Elle tentait même de la réconforter en abordant le problème avec légèreté mais la bonne jumelle avait l'impression que quelque chose sonnait faux dans ce discours. Enfin c'était peut-être son imagination, après tout après la soirée qu'elle avait eu n'importe qui aurait développé un petit côté paranoïaque. De toutes manières Jade désirait si ardemment être acceptée malgré son problème qu'elle aurait donné du crédit à n'importe qui, dans l'espoir de n'être jamais détrompée.

Par contre la suite du discours de Melena la troublait grandement. Elle expliquait grosso modo ne pas vouloir la rejeter après qu'elle ait pris soin d'elle, qu'elle l'ait entrainé hors du bateau sauf que.... ce n'était pas vraiment elle qui l'avait fait. Enfin pas seulement elle. Si les même évènements se reproduisaient à l'heure actuelle elle se serait probablement sauvée seule en paniquant, où aurait été un boulet enchaîné à quelqu'un qu'elle aurait choisi comme responsable de sa survie. Être aimée pour des actes dont elle n'était pas responsable lui semblait incorrect mais la boule d'angoisse dans sa gorge l'empêchait d'avouer à l'irlandaise qu'elle se faisait de belles illusions.

- Non... non c'est pas stupide c'est juste...

* Que tu te fais une fausse image de moi cocotte *

La nécrophobe ne sembla pas relever la fin de phrase en suspension, trop concentrée sur la migraine qui lui vrillait le crâne. Elle ne mit d'ailleurs pas longtemps avant de confirmer à la bonne jumelle qu'elle ne se sentait pas bien et qu'il serait peut-être judicieux d'aller chercher quelque chose pour se soigner à l'infirmerie, avant d'entrainer Jade dans le dédale des couloirs du bateau. Malgré la masse de morts et de blessés ils ne rechigneraient probablement pas trop à la soigner, après tout ils étaient de la marchandise de luxe qu'il ne fallait surtout pas abimer. Comme quoi être des esclaves prêts à être vendus n'avait pas que de mauvais côtés.

Une fois sur place, les deux donzelles tombèrent sur une foule monstre d'éclopés. La situation semblait pire qu'elle ne l'avait imaginé au premier abord, mais elles arrivèrent tout de même à soutirer à l'infirmier un cachet et de quoi soigner l'hématome violacé qui s'était étendu sur tout le ventre de son amie. Elles se retirèrent dans un coin de la pièce où elles s'installèrent du mieux qu'elles purent, Melena gobant son cachet sans se faire prier.

A cause de la douleur qui irradiait son abdomen, elles ne mirent pas longtemps à comprendre que l'irlandaise n'arriverait jamais à se soigner correctement seule étant donné qu'elle n'arrivait même pas à se courber sans grimacer. Jade lui prit donc le matériel des mains en ajoutant avec une pointe d'humour :

- Laisses moi faire, en plus comme ça la boucle serait bouclée. Je t'aurais sauvée, veillée et soignée, ce qui théoriquement ferait de moi la femme parfaite non ?

Oui... théoriquement.

D'ailleurs elle n'y croyait pas elle même mais blaguer détendait agréablement l'atmosphère rendue pesante par les râles des blessés. La brunette commença par imbiber l'une des compresses de désinfectant avant de soulever le haut de la nécrophobe en lâchant une exclamation de surprise en découvrant l'étendue des dégâts. Elle se reprit malgré tout relativement vite et entreprit de nettoyer les égratignures tout en ignorant du mieux qu'elle pouvait les réactions de Melena. Visiblement ce désinfectant contenait de l'alcool et toucher la blessure n'était pas agréable mais elle n'y pouvait pas grand chose !

Vint ensuite le tour du baume qui fut bien mieux accueilli. En effet il possédait des propriétés magiques et calma presque instantanément la douleur sourde due à l'hématome géant. Jade ne pouvait pas voir l'évolution des choses sous l'épaisse couche de crème mais elle était prête à parier que le bleu se rétractait. On était à Dreamland après tout : s'il pouvait faire repousser des membres coupés et ressouder des os à la vitesse d'un lama au galop, un bleu c'était de la gnognotte. Un jeu d'enfant à guérir !

- Et voilà ! Lâcha la bonne jumelle en essuyant ses mains grasses sur une serviette qui trainait avant d'aller reposer le surplus de médicament sur le bureau de l'infirmier.

Jouer les infirmières en solde lui avait au moins permis de se changer les idées et pour la première fois depuis leur enlèvement elle arrivait à sourire sans pilules. Peut-être le vrai miracle du soir d'ailleurs...

Les deux jeunes filles se retirèrent dans un coin en se faisant les plus petites possible. Melena goba le cachet et vida la moitié de son verre d’eau pour l’aider à couler jusqu’à son estomac. Elle ferma un instant les yeux, attendant presque une réaction miracle, avant de se saisir des compresses et du désinfectant. Malheureusement pour elle, ses mains tremblaient encore et elle ne se sentait pas la force de se faire souffrir elle-même tant la douleur lui donnait déjà des nausées quasi insoutenables. Jade lui prit le nécessaire en lançant une phrase qui toucha inexplicablement la necrophobe, qui préféra rester silencieuse en espérant que son rosissement ne se voyait pas trop.

*Voyons ma grande ! Qu’est-ce qui te prend ?!*

L’irlandaise secoua sa tête et poussa un petit gémissement quand la compresse imbibée d’alcool effleura l’une de ses égratignures, déclenchant une vague douloureuse de picotements. Si ça n’avait pas été le cachet qui avait fait effet, la concentration que cherchait l’adolescente pour faire abstraction des sensations brûlantes de la peau de son ventre suffit à lui faire totalement oublier sa migraine. Elle gardait les paupières closes et respiraient profondément, pour retenir au mieux toute forme de plainte et de cris. Elle aurait presque finit par oublier l’endroit où elle se trouvait quand ce fut enfin le baume qui diffusait dans tout son corps une chaleur réconfortante.
Alors elle rouvrit ses yeux humides et vit son amie occupée à s’essuyer les mains dans une des serviettes de l’infirmier, sans se demander si elle était réellement destinée à cet effet. Les yeux baissés, touchée par tant de soutien d’une tierce personne, Melena souffla faiblement un « merci » avant d’ajouter pour elle-même « la femme parfaite oui… ». Elle releva la tête mais le sourire sincère de la brunette lui fit à nouveau détourner ses iris pâle marqués par la fatigue.
Son regard croisa son verre d’eau encore à demi plein qu'elle tendit à la psychotique avec un sourire gêné. Ca n’était pas grand-chose, mais après toutes ces aventures, elle avait peut-être soif. Jade accepta la proposition et vida le reste du verre avant de le poser à son tour sur le bureau de l’infirmier puis d’entrainer la necrophobe à l’extérieur.

De retour sur le pont, Melena aperçut Yoru gisant sur le sol aux cotés d’une Myia tout aussi éprouvée. Esquivant les pirates qui couraient dans tous les sens, occupés à permettre la remise en route du Slavedog Millionnaire dans les plus brefs délais, les deux jeunes filles parvinrent aux cotés des voyageurs trempés qui haletaient après leur experience de l'urgence qui les avait fait passer proche de la noyade. L’irlandaise jaugeait le japonais d’un regard hautain, comme si elle allait d’un instant à l’autre lui écraser son pied sur la tête en le couvrant de reproche. Mais elle se pencha finalement pour l’aider à se relever, implorant son amie du regard de s’occuper de la borderline. Elle entraina le jeune homme à l’écart, dans un coin où il ne risquait pas de se faire piétiner par un marin zélé, puis l’aida à adopter une position assise, adossé à un tonneau renversé. Melena grimaçait en s’étirant, parce que l’hypocondriaque n’était pas ce qu’on faisait de plus léger, en particulier pour une adolescente déjà à bout de force avant de lui lâcher du bout des lèvres :

- C’est bien, tu remontes dans mon estimes là, t’as réussi à vous sauver tous les deux.

Son visage n’exprimait rien, mais sous son masque d’impassibilité, elle souriait légèrement. Comme elle s’en était douté, Yoru n’avait finalement du boulet que son attitude impulsive, mais il semblait également plus solide qu’on aurait put le croire, et il serait peut-être plus judicieux de l’avoir avec elle que contre elle ; comme assurance. Qui sait, peut-être qu’un jour, c’est lui qui lui servira de bouclier, et ils seront quit. Elle regardait Jade, qui affichait désormais une mine renfermée, fixant le japonais avec froideur. Intriguée mais conscience qu’elle avait peut-être raté un épisode, la necrophobe fit un signe de tête vers l’hypocondriaque en se retenant de le désigner par une pichenette sur le crâne.

- Quelque chose ne va pas ? Vous vous connaissez ? Il a eut un comportement minable avec toi aussi ?

Elle avait peut-être parlé trop vite en affirmant l’estime nouvelle qu’elle avait pour Yoru, prête à en entendre des meilleures à son sujet qui risquait de faire chuter sa côte de quelques points fraichement gagnés. Une brise froide lui chatouilla le dos et elle éternua, sa peau couverte de chair de poule.

*Gé-ni-al !*

Elle s’était réveillée sur un bateau de pirate, dans une cale sombre et humide, entourée par d’autres personnes dans des états qui laissaient parfois à désirer. Le bon point était qu’elle avait retrouvé son apparence normale et qu’elle put donc se recroqueviller sur elle-même, traçant distraitement des épouvantails sur le dos de sa main gauche avec le bout de l’index. Ce jour là, on l’avait conduite aux cuisines. Cachée derrière sa chevelure rousse et muette comme une tombe, elle était passée aussi inaperçu qu’un poisson bleu dans l’océan, même lorsque ses pics de stress l’obligeaient à incarner de temps à autre le haut du corps peu maniable d’une de ses amis.

Les journées sur le Slavedog millionnaires s’étaient succédées à n’en plus finir. Elle apprit la situation soit en écoutant les conversations d’une oreille distraite, soit en discutant brièvement avec d’autres de ses compagnons d’infortune. Elle fut bientôt mise au courant de toutes les informations de base nécessaire à la compréhension des nouveaux patients – ou des nouvelles victimes, au choix –, y comprit qu’elle était destinée à être vendue comme esclave dans une ville qui devait sûrement porter magnifiquement son nom.
Quand l’occasion se présentait, elle ne manquait pas de graver un ou deux visages d’épouvantail dans le bois du bateau avec un petit clou qu’elle ramassait, un couteau émoussé, ou même avec ses propres ongles lorsqu’elle ne trouvait rien d’autre.

Le jour où l’Asmodée avait jaillit des profondeurs pour enlacer le SM de ses algues et enrôler les voyageurs pour une mission forcée, Selene était enfermée dans la cale, punie. Elle avait malencontreusement renversé une marmite de soupe destinée à être servit au diner, et après quelques brusques calottes derrière le crâne, on l’avait « enfermé quelques jours pour lui apprendre à gâcher un si délicieux fumet ». Ses longues journées dans l’obscurité étaient insoutenables. L’odeur des cadavres la plongeait dans un état proche du coma malgré qu’elle s’en soit éloignée le plus possible. Chaque fois qu’on ouvrait la trappe, elle avait l’espoir que ce soit pour la faire sortir, mais on ne faisait que lui apporter une maigre ration à boire et quelques restes des repas pour qu’elle ne dépérisse pas. Elle restait une bonne vente potentielle malgré tout.
La fameuse nuit d’abordage, elle avait entendu la musique inquiétante du ménestrel et les cris qui s’étaient élevés, avait sentit les secousses du navire qu’on immobilisait, mais elle était restée dans le noir, redoublant d’ardeur aux gravures qu’elle traçait à tâtons autour d’elle, de ses doigts écorchés dont elle ignorait la douleur. Un semblant de silence régna pendant de longs moments indéterminés, puis le brouhaha finit par se réveiller, au moment où elle poussait un grognement de douleur pour s’être profondément enfoncé une écharde dans le pouce.

La trappe de la cale s’ouvrit à la volé. Un marin apparemment très affairé lui ordonna rudement de sortir, en balançant sans ménagement un autre cadavre à l’intérieure. Prise de nausées, elle ne se fit pas prier et se hâta à l’air libre. Un monceau de morts semblait attendre d’être jeté avec ses camarades, ce qui acheva la mince résistance à l’horreur de la jeune fille. Elle courut au rebord le plus proche et vomit à la mer le peu que contenait sans estomac. Vidée, elle s’adossa au bord et se laissa glisser en position assise. Elle s’essuya le menton avec sa manche, avant de constater ses doigts ensanglantés où se tenaient plantés une foultitude de petites échardes. En levant ses yeux noisette, elle aperçut enfin la cause du désordre. Un bateau coulait aux cotés du SM et des voyageurs en sautait vivement pour échapper à la noyade. De nombreux pirates affichaient des blessures et se rendaient mollement à l’infirmerie, tandis que d’autres relançaient les activités. Dans un coin du pont, elle aperçut une petite blondinette qu’elle se rappelait avoir rencontré dans les cuisines. Dakota. Elle paraissait reprendre conscience, aux cotés d’un adolescent qui avait sûrement à peu près de même âge que la toquée des épouvantails. Selene se redressa sur ses jambes fébriles et s’approcha d’eux timidement.

- Excusez moi… qu’est-ce qu’il vient de se passer ? J’étais enfermée dans la cale et je… je n’en ai aucune idée… on a tenté de nous abordé ?

Yoru étalé comme une étoile de mer lamentablement échouée sur le pont du SM, tentait de reprendre sa respiration autant qu’il pouvait. Son cœur battait si fort qu’il eut l’impression qu’il voulut sortir de sa poitrine. Myia était vivante, lui aussi, tout le monde était content ! Mais alors là, il avait faillit mourir, pour rien !! Pourquoi avoir sauvé une fille qu’il connaissait même pas, qu’il n’avait vu qu’une fois brièvement et qu’il quitterai aussitôt ? Mystère.. Peut-être qu’il avait envie de se rendre utile, montrer qu’il n’est pas quelqu’un de mauvais, se montrer qu’il à changer.. Par rapport aux autres.. Melena vint alors à sa rencontre, il attendait encore une fois une réplique tranchante, un mot méprisant lancé à la légère, il était prêt à encaisser.. mais rien ! O__o La jeune fille releva l’hypocondriaque puis l’assit plus confortablement contre un tonneau couché. Là, il pouvait mieux respirer. Ses vêtements dégoulinait, il avait froid et les vents marins frais le glaçaient encore plus. Il frissonna. Melena lui dit enfin qu’il remontait dans son estime, il souffla d’un ton plutôt ironique :

-Putain, mais qu’est-ce que j’suis content.. Tu peux pas savoir..

Tout faible, il n’avait plus de forces que pour sourire de la situation dans laquelle il s’était mise. C’était misérable.. Croyait-elle qu’il avait sauvé cette gamine pour remonter dans son estime ?? Si c’était ça, elle était à côté de la plaque.. Elle était qui pour croire que se trouver à une bonne place dans son estime était un honneur ? Tout ça, il ne le dit pas mais n’en pensait pas moins. Il souriait simplement, un sourire moqueur. Du coin de l’œil il observa Myia se faire aider par une autre fille, quand il reconnu en elle Jade, il tourna de l’œil et crispa sa mâchoire.

*Elle..*

Il détourna le regard et afficha une mine renfrognée et d’une voix désagréable, il répondit à Méléna :

-Elle.. bien sûr que j’la connais.. Comment je pourrai l’oublier..

Difficilement, l’asiatique se redressa et ramassa ses genoux vers lui pour les entourer de ses bras. Il posa alors sa tête et ajouta en fixant Jade dans les yeux en attendant qu’elle regarde vers lui, il était énervé cette fois, vraiment énervé :

-Cette fille là n’est pas fréquentable.. Je dois dire que c’est vraiment pas un plaisir pour moi de la revoir…

*Evidement elle va raconter encore cette histoire.. et j’vais tout me prendre dans la gueule.. Si y’a que ça pour lui faire plaisir…*

Il releva encore la tête et lança :

-Bien sûr tu vas reparler de cette histoire là, ça t’avais tellement marqué c’est vrai.. Et c’est moi qui vais tout prendre sur le coin de la gueule.. Parce que tu as toujours raison ! Je sais pas pourquoi toujours tu t’acharnes sur moi ! Mais qu’est-ce que j’t’ai fais bordel ! Et toi aussi ! Mais c’est pas vrai, mais j’comprend pas !

Yoru en avait marre ! Vraiment trop marre. Marre qu’on le prenne pour un con, pour un moins que rien, pour un marginal, pour une fille (et oui -__-), pour un boulet … C’était vraiment qu’il y avait une force contre lui quelque choses je sais pas : De la malchance ! L’asiatique avait de bonnes qualités, il n’avait tout simplement pas pu le prouver face aux autres. Si personne ne lui donnait sa chance aussi.. Tout le monde jugeai par l’apparence :
*Oh il est bizarre, il a plein de tatouages, en plus il est habillé bizarrement.. *
*Hé regardes ! Il a des gants roses et un masque, c’est une femme de ménage lui !! *
*Han ! Il a peur des autres, de ce qu’il mange, de devenir malade, il fait des cauchemar !!!!*

Yoru avait envie de dire :

-ARRRREEEEETTTTTEEEEZZZZZZ !!!!

Mais rien ne sortie, il encaissait encore et encore. Il inspira profondément et dans un effort, se releva pour se mettre debout. La il regarda les 3 filles une à une et lança :

-T’façon je sais même pas pourquoi je parle avec vous..

Il quitta alors leur compagnie.

Lorsque Jade porta son regard sur Melena il lui sembla la voir rougir, mais ce n'était probablement que l'effet de la fièvre. Après tout pour avoir si mal au crâne elle devait couver quelque chose, et qu'une autre raison puisse exister n'effleura même pas l'esprit de la brunette. Elle but d'une traite le demi verre d'eau que lui tendit l'irlandaise comme s'il s'agissait de nectar. Elle n'avait pas bu depuis un petit moment et avec tous les sprints qu'elle s'était offert dans la soirée elle avait plus que besoin de se réhydrater.

Elle suivit ensuite la nécrophobe sur le pont qui aperçu, Ô quelle bonne surprise, Yoru accompagnée d'une fille bien mal en point qu'elle se souvenait vaguement avoir vu dans la chambre de la maitresse. L'adolescente aurait avec plaisir tracé son chemin sans porter la moindre attention à l'asiatique mais il semblait que le destin en avait décide autrement. Soit.

Jade attrapa Myia en tentant de ne pas toucher ses mains qui prenaient des angles tout sauf naturels malgré les atèles, et lui servit de béquille jusqu'à avoir rejoins Mel' et Yoru assis contre un tonneau. Le visage sombre de la demoiselle montrait bien qu'elle était loin d'être réjouie par cette compagnie mais elle se retint de siffler des paroles assassines. La rage était à proprement parler plus du ressort d'Elie qui était visiblement toujours aussi occupée à convoler avec cette parodie de Jack Sparrow.

Sa nouvelle amie finit par comprendre que quelque chose clochait, posant la question qui faisait mal... ce qui ne manqua pas de faire bondir l'asiatique. Pour s'énerver autant c'est qu'il avait vraiment quelque chose à se reprocher, et le pire était qu'il ne s'en rendait même pas compte !

Le jeune homme parti au quart de tour en osant dire qu'elle, Jade, n'était pas fréquentable. C'était l'hôpital qui se foutait de la charité ! L'adolescente en resta tellement sur le cul devant tant de mensonge et d'audace qu'elle en oublia de répondre, et avant même d'avoir pu reprendre ses esprits l'hypochondriaque avait filé sans lui laisser la chance de s'exprimer à son tour. C'était bien un truc de petite quequette ça, tu t'insurges et tu te barres comme un « prince », parce que c'est bien plus facile quand tu ne laisses pas le temps aux autres de donner leur version des faits.

Il n'avait pas changé, ou si un changement s'était opéré il n'était pas dans le bon sens. L'adolescente en aurait mis sa main à couper.

Jay profita du silence retrouver pour se tourner vers Melena et enfin répondre à sa question, le visage toujours sombres de souvenirs loin d'être agréables.

- On s'est rencontré deux fois, une fois pour un travail où on avait été emmené de force, une autre fois pendant la nuit sanglante et il a été stupide la première fois, abominablement lâche et égoïste la seconde fois.

Elle resta silencieuse quelques secondes, examinant avec mépris le dos maigre de l'asiatique qui s'éloignait avec ce qu'il croyait être de la fierté. Ce gars... n'était même pas un homme. Il ne méritait pas de répondre à ce mot. Vraiment.

- Lors du boulot c'était si puéril que ça ne vaut même pas la peine d'entrer dans les détails. Sache juste que pour nous sauver la peau j'ai dû l'embrasser, et qu'il s'en est sentit presque violé du coup on a eu droit à une crise, comme si j'avais eu un herpes labial ou quoi...

La teneur stupide de ces propos était bien visible sur le visage de la bonne jumelle et se passait donc de commentaires. La suite par contre était bien plus grave aux yeux de l'adolescente. Lui, aldée et Gabriel étaient tous à mettre dans le même sac, pas un pour rattraper l'autre. Ils auraient vraiment dû les laisser se faire lyncher dans le métro.

- Mais pendant la nuit sanglante... on s'est croisé, et il s'est pris la tête avec Maxim à cause d'une vieille histoire. On a fini par partir ensemble malgré tout, et après une série d'embrouilles monstres où on a bien failli se faire faire la peau lui et son p'tit groupe nous on planté alors qu'on s'était arrêté parce que Lily... une amie venait de... de...

Les lèvres de la bonne jumelle s'étaient mise à trembler et elle avait un mal fou à finir sa phrase. Elle ne pouvait s'empêcher de revoir le corps de celle qui avait été leur camarade étendu sur le sol dans le chaos ambiant, puis cette même silhouette en train de brûler dans la nuit... Ça ne s'était passé qu'il y avait quelques semaines, mais c'était encore frais dans l'esprit de la bonne jumelle, comme marqué au fer rouge.

Elle prit une profonde inspiration et se décida à en finir avec ce résumé morbide. Tout ce qu'elle voulait c'était arrêter de parler de cet hypochondriaque castré.

- … de mourir. On s'est approché pour voir ce qu'elle avait, elle venait de tomber, et eux ils sont partis sans nous attendre, sans s'inquiéter ni rien. On était là que pour les aider en gros, et dès qu'ils ont été relativement hors de danger ils nous ont faussé compagnies comme des lâches. Le voir s'insurger comme s'il n'avait rien fait de mal ça me retourne vraiment l'estomac.

Le temps passait abominablement lentement. Faut dire, quand on est morte ça paraît logique mais ce n'était pas pour rassurer la blondinette d'autant plus que personne ne semblait s'inquiéter de son état, enfin presque. Quelqu'un qu'elle n'avait pu voir avait fait un passage éclair pour la retourner ce qui était un soulagement considérable pour son nez, malgré tout Dakota avait un peu l'impression d'être prise pour un steak qu'on essayait de bien faire cuire des deux côtés.

Alors qu'elle commençait à perdre espoir, une nouvelle personne s'intéressa à elle, la « trainant » un peu plus loin comme un sac à patate. Voilà ce qui arrivait quand on était petite et pas très jolie : personne ne vous traitait avec délicatesse. A croire que parce qu'on était pas d'un esthétisme torride on avait pas le droit d'être traitée avec décence. Le point positif dans cette affaire était que l'inconnu l'avait tiré assez loin du corps de Melena pour que son pouvoir mimétique prenne fin. Dakota ne mit donc pas longtemps avant de retrouver l'usage de ses membres et se redressa en position assise avec un air sombre et profondément blasé.

Son regard froid évalua rapidement la distance qu'il avait fallut pour que son pouvoir s'arrête et elle avait doublée depuis son dernier calcul. Quant à savoir s'il s'agissait d'un bien ou d'un mal c'était une autre question, surtout quand elle avait le malheur de pomper des pouvoirs aussi handicapants. La gamine leva ensuite les yeux pour voir qui était son « sauveur » et remarqua avec surprise qu'il n'était autre que James. Elle n'avait pas eu l'occasion de lui reparler depuis la nuit sanglante et étant donné qu'il l'avait abandonné au poulpe comme les autres c'était plus que surprenant de le voir en défenseur des faibles.

Il devait avoir pris de la drogue. Oui c'était ça, forcément. Après tout qui voudrait la sauver ? Personne ne l'aimait et elle n'aimait personne, et elle espérait bien ne jamais avoir à être prise en pitié pour recevoir de l'aide.

Politesse oblige, la blondinette dû rompre le silence pour adresser quelques remerciements à James qui, fidèles à Dak' se résumèrent à :

- Merci. T'étais pas obligé.

Elle entreprit alors de masser son nez meurtri pour s'assurer qu'il n'y avait rien de cassé. L'os semblait intact mais ça ne l'avait pas empêcher de saigner du nez, barbouillant le bas de son visage d'écarlate. Bon, ce n'était pas bien grave, elle ferait avec comme d'habitude. L'adolescente allait se remettre debout lorsqu'une silhouette étrangement familière pointa le bout de son nez.

Dakota détailla l'arrivante sans aucune gène, son regard froid légèrement troublé. Elle se souvenait l'avoir déjà vu, mais où ? Il lui fallut bien quelques secondes avant de mettre un nom et une situation sur ce visage, ce qui n'était pas surprenant. Cette fille n'était que Selene, une nana de la cuisine tout comme elle mais qui se faisait tellement transparente qu'il avait fallut quelques jours avant qu'une personne aux fourneaux ne se rende compte de sa présence. Enfin présence si l'on peut dire car la demoiselle n'en avait tout bonnement aucune et passait son temps seule dans son coin à graver des têtes d'épouvantails partout entre deux corvées de patates.

Peut-être avait-elle survécu à l'attaque des morts-vivants tout simplement parce qu'ils n'avaient pas remarqués sa présence...

Comme d'habitude elle semblait venir d'une autre planète, et en bonne arrivante après la bataille elle demandait un résumé de la situation. Elle avait dormi pendant tout ce temps ou quoi ?! Comment ne pouvait-elle rien savoir du tout ? Dakota était pour le moins agacée de tant d'ignorance mais elle était bien trop fatiguée pour être méprisante. Passer un savon à Myia lui avait pris ses dernières forces, elle se contenta donc de lâcher avec froideur sans cesser de détailler Selene :

- On a croisé un bateau fantôme. Les morts nous ont attaqué avant de nous laisser la vie en échange d'un service. On devait trouver le nom de leur bateau, on l'a trouvé et... maintenant ils coulent. Le bateau ne naviguait que grâce à la malédiction, maintenant qu'elle est levée tout retourne à la normale. C'est tout.

Une remarque comme « c'est tout » ne s'appliquait pas vraiment à cette situation, mais c'était une manière pour Dakota de signifier qu'elle ne ferait pas de récit plus en détail. Après ce qu'ils venaient tous de vivre, en faire un récit était loin d'être ce qu'il y avait de plus plaisant.

L’adolescente avait à peine posé sa question que l’asiatique s’insurgea contre toute l'assistance. Il se plaignait comme si le monde entier avait reçu pour ordre de haute instance de lui mettre des bâtons dans les roues, ou bien qu’il était la réincarnation du Christ martyre et incompris. Melena avait beau tendre l’oreille, elle n’entendit pas le moindre « merci » ou quelque chose s’y rapportant, dans les tirades de Yoru qui finit par s’en aller avec la conclusion de celui qui voulait avoir le dernier mot. Elle ne lui avait pas proprement dit sauver la vie, mais la jeune fille l’avait quand même relevé pour lui éviter de se faire piétiner et lui avait trouvé un coin où reprendre plus facilement son souffle. Bouillante de colère devant tant d’ingratitude, la necrophobe mit une main en porte voix pour lui crier une dernière chose par-dessus l’agitation qui régnait encore.

- Et surtout ne me remercie pas ! La prochaine fois j’te laisserai baver à moitié mort de fatigue sur le pont en attendant qu’un des marins te marche dessus en faisant son boulot !

Le visage renfrogné, elle fixa l’hypocondriaque s’éloigner un moment, avant de jeter un regard accompagné d’un petit sourire faible à Myia. Quelque part, pour avoir été la première à lui avoir adressé la parole, l’adolescente se sentait presque responsable de la borderline intenable. Et de la voir dans cet état, sachant qu’elle n’avait rien fait d’autre pour l’aider que d’en confier la charge à Yoru lui laissait un vague sentiment de culpabilité. Mais bon, elle était vivante non ?! C’était le principal. Malgré tout ce qu’on allait pouvoir dire, l’asiatique avait accepté de s’encombrer d’une handicapée pour sauver sa vie autant que la sienne, quand il aurait put s’échapper seul. Il n’était peut-être pas si mauvais dans le fond… ou bien il avait simplement craqué pour le joli minois de la brune aux mains cassées.

Le regard méprisant que Jade jetait au jeune homme qui s’éloignait intrigua la necrophobe, impatiente d’apprendre quelle genre d’aventure avaient bien put vivre les voyageurs plus anciens qu’elle. Elle eut un étrange pincement au cœur quand elle apprit que son amie avait embrassé l’autre hypocondriaque. Ca ne semblait pas lui causé un plaisir fou, alors même si Melena se demandait dans quel type de situation on pouvait être contraint à une telle proximité pour sauver sa vie, elle était prête à accorder le bénéfice du doute à la psychotique dont la mine se referma un peu plus avant de poursuivre son récit. La voix brisée de la jumelle suscita un élan de compassion pour la brunette, qui atteint son paroxysme lorsqu’elle évoqua la mort d’une amie. Un grand frisson descendit de la nuque de l’irlandaise jusqu’au bout de ses pieds ; ainsi, des voyageurs étaient morts à Dreamland ?! Et qu’advenaient-ils dans le monde réel ? Est-ce qu’ils mourraient aussi ? Et si c’était elle qui décédait, quelqu’un prendrait-il le temps de s’arrêter ? Ou comme lors de l’épisode déjà – trop – lointain de la laverie, on la laisserait moisir dans son coin comme une pestiférée qui n’avait pas eut de chance ?
Toutes ces pensées lui donnaient le tournis. La necrophobe s’assit sur le tonneau renversé en se prenant la tête dans les mains, sans s’être au préalablement assuré qu’il était stable. Par chance, il était posé contre une caisse en bois qui l’empêchait de rouler. Elle prenait ses cheveux entre ses doigts, grattant son crâne frénétiquement pour essayer de reprendre ses esprits ; mais l’évocation d’une défunte, qui ajoutait aux probabilités de plus en plus flagrantes qu’elle-même y laisse la vie, laissait Melena dans un état de choc presque incontrôlable. Elle finit par se figer, les yeux dans le vague, pensive.

- Pourquoi il fait ça d’après toi ? Parkinson je veux dire… pourquoi nous envoyer ici… risquer nos vies dans des aventures sans queue ni tête… si le but est de nous faire guérir, alors je ne suis pas sûr que le jeu en vaille la chandelle, ni même que ce soit une réussite.

Elle leva ses yeux humides vers Jade.

- Tout ceci ne fait que me faire encore plus peur… je ne veux pas mourir. Acheva-t-elle dans un souffle.

L’irlandaise demeura un moment immobile les yeux perdus dans le vide de la nuit puis, consciente que ses questions n’auraient aucune réponse, mais surtout qu’elle avait détourné le sujet initiale vers sa personne, elle regarda à nouveau Jade avec un sourire triste et compatissant. Elle ne savait pas quoi lui dire de réconfortant, et se refusait tout bonnement au classique « je suis désolé » qui en soi, n’avait aucun sens. Ca n’était qu’une phrase de politesse qu’on se sentait obligé de sortir lorsque quelqu’un annonçait un décès, mais ça ne traduisait pas le moindre sentiment.

- Je… je comprends… ce que tu ressens. Dit-elle douloureusement, mal à l’aise de ne pas pouvoir avancer autre chose.

Au moins, elle était sincère. Mais devant l’apparente détresse de son amie, elle se sentait cruellement inutile, en se mit à envier le pouvoir de Jeremiah, qui aurait au moins put transmettre ses émotions directement à Jade.

A son grand soulagement , Dakota se "réveilla" enfin et semblait un peu surprise de voir James. Bah quoi ? Il allait pas laisser tomber son amie. Pour couronner le tout cette dernière la remercia, étonnant venait d'elle. L'adolescent sourit :

- T'a pas à me remercier , c'est normal !

Une jeune fille rousse qui semblait un peu plus jeune que lui-même s'approcha d'eux pour demander ce qui s'était passé. Oh bah pas grand chose mise à part qu'ils avaient failli mourir étranglé par des algues, des morts vivants et sombré comme le Titanic. Mais il laissa Dakota le loisir de lui rappeler les faits. D'ailleurs la jeune blondinette était un peu maculé de sang sur son visage à cause de sa chute sur le pont causé par le pouvoir absorbé. Mais James n'avait rien sur lui qui permettrait d'essuyer ça. Tant pis...l'adolescent arracha un pan de son haut qui de toute façon n'était déjà plus en très bon état par cette aventure digne des films hollywoodiens. Il s'empara de la gourde qu'il avait attaché à sa ceinture dans la cale et versa de l'eau sur le bout de tissu avant d'essuyer Dakota sans lui demander son avis. La connaissant elle aurait sans doute refuser alors...Enfin , James se prépara quand même à encaisser une baffe au cas où et tenir Jules en laisse pour l'empêcher de faire une connerie car c'était pas vraiment e bon moment pour faire jouer son pouvoir.