Et ça chialait encore. Autant voir la gosse hurler, se changer en chauve-souris et descendre de son perchoir pour effectuer quelques attaques faiblardes à l’aveugle avait eut un attrait comique aux yeux de Liam, autant il commençait à se lasser de tous ces pleurs. Et pourtant ! Dieu seul savait combien il aimait faire pleurer les imbéciles heureux, mais cette fille pleurait décidément trop. Trop et pour rien. Après tout elle n’était pas morte, ne souffrait de rien… que dirait-elle si elle se trouvait confronté aux sévices qu’il avait l’habitude de dispenser avec une trop grande générosité ? Elle abusait au point de faire paraitre fausse sa détresse, et le taulard n’aimait pas la comédie, la comédie ne le réjouissait pas, la comédie ne le faisait pas jouir. Toutes ces plaintes et ces simagrées ne faisait que croitre en lui l’envie de lui mettre son poing dans la gueule, et une autre partie de son anatomie entre les miches que sa chute avait aidé à dévoiler à la vue de tous.

A la question de Selene il se contenta de la fixer de haut avec mépris entre ses bandelettes, comme le méritait un ver se tordant sur le sol. D’ailleurs sa position collait parfaitement à cette image et ne faisait que croitre le désir de Liam de lui écraser le visage dans la boue. Il réprima toutefois sa pulsion, ça aurait été trop stupide de tout gâcher en la lynchant alors qu’elle risquait de finir en tas de poussière d’un instant à l’autre. Il la regarda se glisser sous la caisse en parodie de héros de dessin animé pour se déplacer jusqu’à la charrette, avant de se tasser dans l’ombre entre le siège du cocher et les caisses de nourriture. Ils allaient enfin pouvoir repartir.

Liam et Jonh retournèrent à leur véhicule et le tueur se hissa avec raideur à l’avant. Ca ne serait pas chose facile de diriger la bête fougueuse qui tirait leur attelage avec un costume aussi serré mais il n’avait pas le choix. Les rennes en mains ils reprirent la route en silence, certains parce qu’ils ne pouvaient parler et d’autres parce qu’ils ne le voulaient simplement pas. Le temps s’écoula alors, monotone jusqu’à ce qu’ils arrivent à la hauteur du fleuve. Nul pont de semblait le franchir, ils n’avaient plus qu’à le longer dans l’espoir d’en trouver un. Le taulard tira son carnet et son stylo de son sac pour exposer sa pensée par écrit à défaut de pouvoir le faire à l’oral et tendit le papier à ses « compagnons ».

On va suivre le fleuve jusqu’à trouver un pont. Je ne pense pas qu’ils nous poursuivront au-delà mais il reste la possibilité qu’ils nous y attendent s’il n’existe qu’un point de passage. Restez sur vos gardes.

Il rangea ensuite son calepin dans son sac à main et jeta un regard sur Ella, toujours muette comme une tombe et immatérielle comme un esprit. Bizarrement cette transformation allait bien avec son mutisme des derniers jours, mais cette pensée n’était pas pour réjouir Liam. Ca commençait même sérieusement à l’agacer, si seulement il avait pu prendre des cours de pédagogie avant de se mettre en tête d’adopter une gosse !

Il n’eut pas le loisir de se perdre plus en réflexion car la rive du fleuve boueux s’avérait pleine de pièges. Ils s’embourbèrent de nombreuses fois et le dépressif et lui, peu aidés par leurs costumes eurent un mal fou à libérer les roues de la charrette à chaque accident. Le taulard était littéralement en nage sous ses bandelettes qui commençaient sérieusement à le démanger, le poussant à se gratter frénétiquement. Combien de temps devrait-il porter cette chose ?! Il tira une nouvelle fois sur son costume pour le retirer, sans plus de succès que les fois précédentes et finit par soupirer en fusillant le déguisement du regard. Il ne savait pas qui était responsable de ça mais il valait mieux pour cette personne qu’elle ne croise jamais, ô grand jamais son chemin. C’était vraiment pas le moment idéal pour ce genre de conneries.

Au bout d’une heure ou deux le violeur était à deux doigts de jeter l’éponge concernant le pont, et alors qu’il sortait de quoi écrire pour proposer une autre option une silhouette de pierre se dessina au loin. C’était rudimentaire mais ça semblait tenir bon, et autre point positif : il n’y avait personne à l’horizon.

Sélène redevint la chauve souris de tout à l'heure et alla voleter autour du crâne de Liam avant de reprendre forme humaine pour ensuite s'écraser comme une masse sur le sol. La rouquine resta par terre un moment et alors que le dépressif faisait un pas pour l'aider à se relever cette dernière se remit sur ses pieds. Bon bah tant pis...
Lui et le Liam suivirent la caisse ambulante jusqu'au chariot dans lequel ils montèrent afin de reprendre la route. Sélène était caché derrière les caisses de nourriture dans son coin d'ombre, sans doute le fait qu'elle brûle au soleil avait un rapport avec son costume de vampire. A la base son pouvoir initial avait un rapport avec des épouvantails. Il l'avait vu l'autre jour en la touchant.
L'état de momie de Liam devait le rendre insensible à la douleur quand au jeune homme et bien il sentait le souffre comme si il venait de sortir de l'enfer. Ce dernier espérait que cette nouvelle mésaventure ne durerait pas éternellement.

La charrette atteignit alors un fleuve mais il ne semblait pas y avoir de pont à l'horizon. Liam leur présenta alors son carnet sur lequel il avait écrit qu'il comptait suivre le fleuve jusqu'à trouver un moyen de traverser et que les voyageurs restent sur leur garde. Les quatre derniers mots laissèrent perplexe le dépressif. Au fond ca ne voulait strictement rien dire mais venant de Liam ca signifiait beaucoup de chose. D'habitude il en avait cure de se qui arrivait aux autres. Même si cette fois ci tous les quatre étaient dans un même endroit et que par conséquent surveiller ses arrières revenaient à aussi veiller sur celui des autres ca faisait quand même bizarre de lire ça.

- Compris

Le reste de la traversée s'avéra pénible. Le chemin emprunté était très boueux et plusieurs fois le chariot s'était retrouvé coincé, rallongeant ainsi leur temps de trouver un pont. Jonh commençait à trouver ca long, se demandant même si il y en avait seulement un.
Heureusement au bout d'un moment le groupe put apercevoir se qui ressemblait à un point de passage. Un sourire se dessina sur ses lèvres content de pouvoir enfin passer de l'autre côté. Sur le coup il aurait presque serrer Liam dans ses bras, enfin la momie quoi...Mais c'était pas très ragouteux de prendre ce truc de bandelette dans ses bras. Mais un petit mot de remerciement ne ferait pas de mal non ? Bon le taulard risquait de l'envoyer balader. Après tout c'était lui qui avait diriger le cheval jusqu'à maintenant non ?

- Je sais qui faut pas crier victoire trop vite mais merci Liam

Lâcha t-il suivit d'une petite tornade orange qui l'entoura puis disparut faisant rendre ses habits normaux à Jonh. Ah enfin c'était partie ! Ca devait pas non plus tarder pour ses compagnons alors.

Recroquevillée dans son coin, Selene ne pouvait pas faire grand-chose. Elle écoutait distraitement les bruits de la charrette sur la route, savourant le silence imposé au taulard par les bandelettes qui l’avaient recouvert. Elle prenait grand soin à éviter de s’exposer au soleil, de sorte que même lorsqu’ils avaient fait halte et que Liam avait tendu un carnet à Jonh, elle n’avait pas bronché ni même fait mine de vouloir voir ce qui s’y inscrivait. De toute manière, elle ne pourrait pas s’extirper de sa cachette.

Par la suite, de nombreux cahots avaient bousculé la tranquillité de leur voyage, manquant chaque fois de l’envoyer rencontrer un rayon mortel, mais elle ne put qu’écouter les deux hommes pester contre la boue qui les ralentissait et un pont qui n’apparaissait pas. Abandonnée comme un paquet que l’on avait oublié, la toquée traçait distraitement du bout des doigts le contour des cicatrices qui marquaient ses bras, souvenirs des scarifications qu’elle s’infligeait dans le monde réel. Les silhouettes frêles et les visages brouillons d’épouvantails en tout genre gravés dans sa chair étaient sa seule compagnie à l’heure actuelle, et elle songea sombrement que ce serait sûrement le cas pendant un long moment encore. Que lui aurait conseillé sa tante ou ses amies dans une situation pareille ? S’enfuir ? Se battre ? « Frapper la où ça fait mal » ?

Le dépressif la tira de ses divagations en remerciant le trentenaire avec une chaleur qui la ferait presque vomir. Comment pouvait-il apprécier ce personnage violent et grossier ? N’y avait-il que dans son monde qu’on ne se prenait pas d’amitié avec les assassins violeurs ? Pédophiles de surcroit ? Qu’importe ce que Jonh pouvait savoir à son sujet que l’adolescente ignorait, pour elle, rien ne pourrait pardonner ses actes – et rien ne pardonnerait ce qu’il lui avait fait ; et même si elle devait reconnaitre être encore en vie grâce à lui, rien ne la motivait plus que l’envie de se soustraire à sa présence. La vengeance n’était pas vraiment inhérente à son caractère, mais pourtant, un jour, elle aurait voulu réussir à lui faire mal. A lui faire assez mal pour qu’il regrette ne serait-ce qu’un dixième de ce qu’elle avait enduré dans ses supplices…

Ils avaient passé le fleuve désormais et lentement mais sûrement, le soleil déclinait peu à peu vers l’horizon, laissant présager que le crépuscule ne se ferait plus attendre très longtemps. Selene le voyait arriver avec lenteur, nourrissant l’espoir que même si Jonh s’était vu dépossédé de son attirail de diablesse aguicheuse, elle porterait son costume de vampire assez longtemps pour voir la nuit et s’échapper par la voie des airs. Mais malheureusement, le sort en a décidé autrement, car à peine cette pensée eut-elle traversé son esprit qu’elle recouvrait sa tenue originelle dans un nouveau nuage orangée halloweenesque. La galloise avait presque oublié sa tenue dépareillée des plus pitoyables, le vieux caleçon inconfortable démangeant cruellement son derrière que la pudeur l’empêchait de gratter.

Lentement, la tête de la rouquine émergea de l’ombre et cette fois, au contact du soleil, elle ne ressentit rien d’autre qu’une empreinte chaude se déposer sur son visage. Ses yeux durent se réhabituer à la clarté, puis elle put voir que le fleuve était déjà très loin derrière eux alors qu’à l’horizon se découpait dans la plaine les contours d’une forêt. Il ne semblait pas y avoir de village ou tout autre type d’agglomération d’ici là, ce qui garantissait sans doute qu’ils allaient devoir passer la nuit à la belle étoile.

Les bras utilisés comme balancier pour ne pas tomber, elle quitta sa cachette pour regagner l’espace plus grand où était installé le dépressif, sans toutefois lui adresser le moindre regard, puis s’assit contre une pile de caisse en soupirant. Son ventre gargouilla bruyamment, mais elle se contenta de croiser les bras sur son abdomen comme si elle voulait étouffer le bruit. Il était hors de question qu’elle réclame quoique ce soit aux deux hommes.

Merci. Cinq petites lettres qui firent malgré tout hausser le sourcil gauche de Liam, intrigué. Il n’avait pas l’habitude des remerciements et des chaudes effusions. La reconnaissance, ce genre de choses, ce n’était vraiment pas l’un de ses domaines de prédilection et la raison en restait assez évidente : quand on passe son temps à vouloir faire souffrir les gens, rares étaient les masochistes capables de sortir plein de gratitude des « petites attentions » du taulard. Tout ce qu’il avait fait c’était conduire une charrette, rationner les vivres et ramener Selene par la peau du cul. Qu’y avait-il à remercier là-dedans ? Même si tout ça lui semblait absurde il ne pouvait pas s’empêcher d’apprécier cette simple déclaration du dépressif. Après tout même les pires monstres issus de l’imaginaire ont un côté humain, et le taulard ne faisait pas exception à la règle.

Un vague sourire se dessina sous les bandelettes alors qu’il adressait un vague signe de la tête en retour, à défaut de pouvoir encore parler. Car si Jonh venait d’être libéré de leur malédiction ce n’était pas encore le cas du trentenaire qui commençait à désespérer. Plus que la raideur et la lenteur, c’était le mutisme imposé qui le rendait malade. La vie était bien triste sans un peu de torture morale et pour ça rien de tel que quelques remarques bien senties. Mais même ce petit plaisir lui était retiré. Il était comprimé, ralenti, brimé. L’envie de mettre la main sur le coupable de cette blague revint plus forte que jamais et Liam serra les poings jusqu’à en avoir mal. D’ailleurs le sort semblait se jouer de lui car une fois le pont passé c’était maintenant au tour de la fontaine rousse de retrouver une apparence normale et l’insensibilité au soleil qui allait de paire. Les kilomètres défilaient sans qu’aucun changement ne soit visible de son côté. C’était vraiment rageant.

L’humeur légère due aux remerciements était désormais envolée, ne restait que le ressentiment dû à cette nouvelle injustice qui l’accablait. Malgré tous ses efforts pour retourner la situation il se retrouvait une nouvelle fois en position de victime. Rien que d’y penser toute la honte et la douleur de sa jeunesse lui revenait par vague, le rendant chaque fois plus irritable. Au diable les beautés du paysage, les rayons du soleil se reflétant sur le fleuve, la cime des arbres qui ondoyait au loin comme une grande marée verte, les plaines qui s’étendaient à l’infini… de toutes façons entre ses bandelettes son champ de vision réduit répondait en écho à son étroitesse d’esprit.

Une mouche choisit ce moment pour lui tourner autour dans un bourdonnement agaçant et après l’avoir chassé deux fois le tueur finit par l’écraser avec violence sur le banc à sa droite. Il essuyait sa main bandée, impassible, lorsque le bruit de l’estomac de Selene attira les foudres de son regard. Elle dû avoir l’espace d’un instant l’impression d’être une grosse mouche à la merci d’une tapette sans pitié, mais Liam finit par détourner le regard dans un grognement étouffé. C’était ça les jeunes, impossible de tenir une demi journée sans manger ! Et si elle s’amusait moins à montrer son string en grimpant dans les arbres elle aurait peut-être conservé un peu plus d’énergie… énergie qu’elle avait malgré tout peu utilisé. N’était-elle pas restée couchée dans l’ombre à bailler aux corneilles une bonne partie de l’après midi ? Qui avait sorti maintes fois la charrette des trous boueux ? Pas elle en tout cas. Feignante, pleureuse, fichu parasite incapable de se rendre utile.

*C’est juste un putain de ténia.*

Liam reporta son regard sur elle, détaillant les formes naissantes de l’adolescente d’un œil critique. A défaut d’être utile en temps que putain de parasite, elle pourrait servir de putain tout court. Il fallait bien payé pour les services rendus non ? Sans lui elle serait probablement resté crever dans le tunnel plein de merde des égouts d’Asmodée, à côté de ça c’était peu cher payé. Cette pensée tira un sourire fourbe et lourd de sous entendus au taulard, mais s’il fut caché les premières secondes ce ne fut pas le cas plus longtemps car enfin un tourbillon orangé l’enveloppa, lui rendant du même coup son jean, sa chemise et l’espace nécessaire pour laisser son bras et son pénis croitre de concert à leur guise. Cette découverte ne fit qu’élargir un peu plus son inquiétant rictus peu à peu masqué par la nuit qui tombait.

- C’est pas trop tôt…

Maintenant que sa langue pouvait s’agiter à sa guise il ne perdit pas l’occasion de se tourner vers la toquée, plongeant son regard noir et dur dans celui troublé de la donzelle.

- Alors tu voulais nous fausser compagnie ? Ca m’a blessé vraiment… après tout ce qu’on a vécu ensemble. Je t’ai sauvé non ? Et tout ce que j’ai en retour c’est cette fuite et des plaintes puériles. J’ai des sentiments tu sais mon cœur, et je n’aime pas du tout, du tout qu’on les froisse. Tu comprends, mon cœur ? Déclara-t-il en insistant sur les derniers mots qui malgré leur côté tendre ne laissait aucun doute sur la menace qu’ils représentaient.

Comme il l'avait penser la déguisement de Sélène disparut aussi et cette dernière vint s'asseoir près du dépressif sans le regarder. Ca y'est elle recommençait à lui tirer la gueule. Si ça l'amusait de croire que c'était elle la victime c'était son problème.
Le silence était très lourd sur ce chariot seulement coupé par les manifestions du ventre de la rouquine. Tandis que les voyageurs s'éloignaient du fleuve en même temps que le soleil déclinait pour être remplacé par la lune , ce fut au tour de Liam de reprendre ses habits normaux. Le pauvre avait du en avoir assez vu le traitement qu'il avait fait au pauvre insecte.
Il ne restait que que Ella, en fantôme.
Le taulard ne fit pas attendre plus de cinq secondes avant de s'en prendre à Sélène. C'est vrai que le pauvre en tant que momie n'avait pas pu s'exprimer des masses. Cela dit la déclaration de ce dernier fit légèrement sourire Jonh. Les "mon coeur" et l'intonation de sa dernière phrase ne présageait rien de bon pour la rouquine et à mon avis il vaudrait mieux qu'elle se tienne à carreaux un bon moment. Le jeune homme n'avait pas du tout l'intention de se mêler là dedans. Sélène devait apprendre à être moins gamine et puérile, comme venait de le dire Liam.
Jonh ne savait même pas si il bougerait le petit doigt au cas où, le taulard s'en prendrait à Sélène sexuellement. Bien sur le dépressif était contre le viol mais lui il avait pas de couteau , juste le pouvoir de savoir les mauvais souvenirs des gens et faire apparaître un nuage. Génial. D'ailleurs en y repensant tout cela avait occupé son esprit qui n'avait pu fait passer des idées noires dans sa tête. Mauvaise idée d'y repenser, car des souvenirs remontèrent à la surface dans la mémoire du jeune homme.
Le fait d'avoir vu le corps sans vie de sa fiancé avait été une véritable tragédie tout comme la perte de son enfant qu'il n'avait même pas eu le temps de connaître, de voir. Quel père il aurait été ? Ici, Jonh laissait une pauvre adolescente se faire martyriser par un violeur et il ne faisait rien contre ça ? Il se dégoutait à présent et l'idée d'en finir se manifestait à nouveau. Seulement il n'avait rien sur lui pour cela. Le fait d'énerver Liam pour qu'il le poignarde était une solution tout ou bien de lui piquer son couteau. Mais pour l'instant il ne pouvait rien faire, alors le dépressif se contenta de plier ses genoux et de les ramener vers lui avant de poser son menton dessus sans prêter attention au nuage gris qui les suivaient docilement. Chose qui ne ferait surement pas passer inapercu si il y avait quelqu'un dans le coin...

Isolée dans les méandres de ses pensées négatives, Selene ne réalisa que Liam avait à son tour été défait de son costume de momie que lorsque celui-ci ouvrit la bouche pour pouvoir se soulager de tout ce qu’il avait sur le cœur. La clarté rougeoyante du soleil avait laissé sa place à une nuit claire qui, bien que réduisant la luminosité, ne l’empêchait ni de percevoir l’excroissance de son bras, ni l’éclat noir de son regard dur. Troublée, l’adolescente l’écouta, incapable d’articuler un mot, avant de se mordre la lèvre pour se forcer à ne pas craquer devant les menaces lourdes qui suintaient des mots doux du taulard. Que ferait-elle s’il essayait à nouveau de la violer ? Ici, ça ne serait pas Asmodée. Ça serait lui et seulement. Sa bestialité d’homme adulte violent contre sa faiblesse incomparable de gamine.

La toquée baissa la tête, laissant ses cheveux roux masquer son visage, lâchant un « excuse-moi Liam » tout juste assez fort pour que le concerné puisse l’entendre. Et maintenant ? Que faire ? La jeune fille espérait qu’il ne s’attendait pas à un bisou de pardon, car malgré toute sa bonne volonté, jamais elle n’accepterait d’avoir un contact intime et amical avec cet individu qui la répugnait plus qui quiconque. Un coup d’œil à Jonh lui apprit que lui aussi s’était résigné à bouder, morne, son nuage virant au gris flottant inlassablement au dessus de son crâne.

Minée plus encore par la situation, Selene ne put que dégoter une gemme dans sa petite bourse pour se mettre, pour la énième fois, à graver dans le bois de la charrette des figures squelettiques qui lui étaient familières. Une nouvelle fois, elle avait activé son pouvoir sans le savoir, et le dépressif, libéré du poids de sa tristesse, vit son cumulus s’éclaircir légèrement. Pour autant, la galloise ne fit pas le rapprochement, et elle poursuivit son œuvre jusqu’à ce qu’une paire d’épouvantail la regarde avec des yeux pleins d’échardes avec des expressions qu’elle imaginait bienveillante. Elle sourit, car même si elle n’était pas sortit de sa situation déplorables, ses amis étaient chaque fois comme des petits éléments intimes et familiers qui s’infiltraient dans ses déboires pour lui donner un point de repère encourageant.

- Qu’est-ce que je ferais sans vous. Murmura-t-elle sans prendre aucune attention à ses acolytes.

La jeune fille contempla encore quelques instants sa gravure amateur, puis s’en détourna avec un soupir. A vrai dire, elle n’avait pas grand-chose à faire sur la charrette… si leur petit groupe était une hiérarchie, alors elle serait sûrement le maillon le plus bas de l’échelle ; si bas qu’elle n’osait pas demander à Liam, qui gardait le monopole de la conduite, de bien vouloir s’arrêter pour manger. De toute évidence, il faudrait attendre que son petit bout de chou inflammable lui réclame quelque chose pour qu’il accède à pareil requête ; mais tant que celle-ci restait sans sou déguisement de fantôme, elle ne risquait de toute manière pas de pouvoir ingurgiter grand-chose.

Soudain, une grande ombre noir survola leur véhicule, renversant une caisse de provision qui manqua de choir sur la tête de la toquée. Scrutant le ciel d’un bleu déjà plus foncé, Selene put voir ce qui ressemblait à la silhouette d’une espèce d’oiseau de cinq bons mètres d’envergure qui fit un demi-tour en planant avant de revenir vers eux. Cette fois, il poussa un cri croisé entre celui d’un aigle et le piaillement suraigu d’une chauve-souris. La galloise se baissa par réflexe alors que les serres de l’animal raclèrent une autre des caisses remplies de marchandises, l’éventrant à demi.

- Qu’est-ce que c’est que ce… cette chose ?!

Paniquée, l’adolescente n’eut pas à attendre un troisième assaut pour déclencher son pouvoir et se retrouver affublée de sa chemise plaine de peille. Elle cherchait des yeux l’animal qui continuait de tournoyer autour d’eux, tout en se demandant ce qu’il pouvait bien vouloir. Perturbé par ce prédateur, leur cheval accélérait nerveusement l’allure, menaçant de s’emporter encore une fois au triple galop de ses huit jambes puissantes. Selene n’avait rien pour se défendre… et de toute façon, elle ne saurait sûrement pas se battre contre une créature dreamlandienne qui faisait plus de sa taille, et elle espérait ardemment que ça n’était pas la chair des voyageurs qui intéressait cette oiseau hors de toute proportion.