[Voilà, comme ça les marchands improvisés que sont Liam, Ella, Jonh et Selene peuvent commercer =p]

Selene s’éveilla lentement, la chaleur d’un rayon de soleil qui filtrait par une fente dans le mur sur son visage crème. En se redressant avec la paresse de quelqu’un qui n’a pas encore assez dormi, quelques fétus de paille entremêlés dans sa longue chevelure rousse, il lui fallut quelques instants avant de se souvenir ce qu’elle faisait dans une étable. Un regard sur son épouvantail gardien de nuit lui tira un sourire, et elle se mit doucement sur ses pieds en s’ébouriffant, avant de porter attention à son bras blessé qui la picotait encore. Elle inspecta l’entaille rapidement, puis estimant qu’il n’y avait rien de grave, entreprit de sortir pour profiter de la lumière du jour et du contact tendre du soleil de l’aube.

La jeune fille s’étira copieusement une fois à l’extérieur, une impression de sérénité si intense pour une fois qu’elle se serait presque crut en vacances. Elle aurait bien profité du théâtre enchanteur qui s’offrait à elle sous le chant harmonieux des oiseaux qui semblaient apprécier les matinées à Telehem, mais Jonh interrompit sa contemplation en sortant à son tour de l’étable avec une mine encore ensommeillée. Sans raison, l’adolescente avait sursauté avant de lui adresser un petit sourire qui signifiait « bonjour » et en détournant son regard, ce n’est que désormais qu’elle remarquait que Liam et Ella avaient investis la charrette. Suspicieuse, heureusement que le dépressif était là pour l’accompagner car la galloise n’aurait sans doute pas eut le courage de s’approcher seule ; mais à peine les eut-il aperçut que le taulard les aborda du tac-o-tac sur un ton mielleux qui faisait froid dans le dos.

La toquée avait longuement hésité à se joindre aux intentions du criminel, mais en voyant son ami prendre place à l’arrière du véhicule, elle l’imita en surveillant d’un œil le comportement du trentenaire, puis quand elle fut certaine qu’il était plus occupé à diriger l’âne qu’à penser à la violer, elle se permit un soupir détendu. Le centre-ville était à tout de même à plusieurs longues minutes de charrette qui parurent s’étendre infiniment dans le silence lourd et endormi qui régnait entre les quatre comparses. Selene en profitait pour observer avec curiosité les habitations, les coutumes des habitants qui s’éveillaient, les premières odeurs de cuisine, la richesse des champs alentours, et elle finit par penser avec regret que si elle n’avait pas été une fugitive dont la couverture tenait à si peu de chose, elle aurait apprécié s’intégrer à cet endroit… au moins le temps que Parkinson ne la rappelle à elle.

La charrette finit enfin par s’arrêter dans une place ronde dont le centre était marqué par une fontaine à l’effigie d’un paysan bien bâti. Malgré l’heure matinale, plusieurs villageois avaient déjà investis les lieux, propriétaires des commerces avoisinants ou clients habitués, et ce fut Liam qui se chargea de la propagande, histoire que les voyageurs ne soient pas malheureusement en reste devant une concurrence déjà bien établie. Selene fut stupéfaite malgré elle du don qu’il avait pour convaincre les gens, et pour sa part inspecta sa tenue avant de juger qu’un gilet dont une manche était plaine de sang n’était pas forcément ce qu’il y avait de mieux pour le bien d’un commerce. Elle le retira donc pour le rouler en boule et le caser dans un coin entre deux caisses, avant de se tourner avec un sourire forcé légèrement angoissé qui se voulait aimable, vers la première bonne femme qui lui proposait une bonne ration de viande séchée contre l’une des caisses de ces pommes dreamlandiennes aux couleurs extravagantes que pratiquement personne n’avait osé touché. La jeune fille s’empressa d’accepter, et bien vite, un nouveau client qui tournait autour de leur étalage improviser s’approcha à pas de loup pour demander un assortiment de bananes, de papayes et d’un autre fruit étrange contre du pain frais qu’il annonçait comme une spécialité de la ville, à savoir qu’en plus de son goût unique, il se conservait très longtemps.

Compte tenu de la grasse proportion qu’il voulait échanger en comparaison avec la quantité de fruits, Selene du lire dans son regard rivé sur sa poitrine qui devait se voir aux travers les mailles de sa robe blanche exposée au soleil qu’il attendait aussi un fruit bien particulier en complément sa ration alimentaire. Soudainement angoissée, la galloise se mit comme elle put un bras en barrière d’un geste qui se voulait naturelle, mais sa maladresse trahit sa réticence, et après un grognement entre mécontentement et déception, le villageois prit son dû, récupérant plusieurs de ses pains qu’il avait joint comme bonus en échange d’un instant avec l’adolescente, et s’en fût d’un pas vif.

Cherchant lentement à recouvrir une respiration normale, la toquée mourrait d’envie de graver quelque part les épouvantails qui se dessinait dans sa tête, mais elle se doutait que ça paraitrait suspect. Elle dût donc se contenir, gardant ses amis dans l’enceinte de son esprit, puis elle vu réveillée de sa trêve par une grosse voix enjouée qui s’écriait :

- Oh ! Mais c’est un âne salace dites-moi ! Si si, je les reconnais bien ; ce genre d’animal qui carbure lorsqu’on leur susurre des cochonneries, ça s’oublie pas !

Il éclata d’un rire bref qui couvrit un instant tout le bruissement du troc.

- Vous ne le vendriez pas par hasard ?

Le dreamlandien s’adressait à Liam, et Selene jugea donc préférable de le laisser s’occuper de cette affaire pour se consacrer à son offre de fromage-longue-durée contre plusieurs des énormes pastèques que les voyageurs n’avaient pour ainsi dire pas entamé.
Tout compte fait, l’idée du taulard fonctionnait plutôt bien, et les sourires de l’adolescente se firent de plus en plus naturels, et son angoisse d’être découverte s’endormait au fur et à mesure.

Ses deux chiens de garde étaient montés à l’arrière, non sans réticence de la part de Selene dont l’une des manches était imbibée de sang. Ca confirmait bien l’impression de la veille : il s’était trompé de victime en frappant au hasard à travers la cloison mais ce n’était pas un mal pour autant, elle ferait bien un jour ou l’autre un truc qui méritait pareil traitement. Ce n’était qu’un peu d’avance de prise, voilà tout. Liam détourna les yeux de la toquée pour se concentrer sur la route encore déserte à cette heure de la matinée. Ils ne croisèrent sur leur chemin que quelques matinaux sur le seuil de leurs maisons, ainsi qu’un ou deux marchands qui comme eux venait chercher bonheur au centre ville. L’âne ne se pressait pas, si bien qu’il leur fallut une bonne quinzaine de minutes pour atteindre leur destination déjà investie par quelques concurrents aux étals chargés de marchandises. Un bref coup d’œil circulaire lui appris qu’ils pourraient trouver largement tout ce qu’ils désiraient, sauf un cadenas pour mettre un frein à l’appétit cataclysmique de ces parasites.

Le taulard réussit à se trouver une place plutôt en vue dans un coin de la place, juste au pied de la statue qui était visiblement l’œuvre d’un artiste totalement dépourvu de bon goût. Quitte à faire une représentation humaine disproportionnée, autant tabler sur une gonzesse à forte poitrine parce que le paysan moustachu et bedonnant n’avait rien de très esthétique. Il détailla d’ailleurs la création d’un œil critique ou brillait une lueur d’amusement avant de s’en détourner et de sauter de charrette. Pas le temps de traîner, il avait du boulot.

Oh, bien sûr les autres ne faisaient rien, comme d’habitude. Probablement pour lui faire comprendre que c’était lui le chargé de pub, et il ne se fit pas prier pour une fois. Après tout avec leur talent de communication inexistant et l’allure sanglante de Selene qui venait seulement de se rendre compte qu’elle faisait tâche ils n’auraient probablement attiré aucun client. Le tueur piocha Ella dans la charrette avant de s’éloigner un peu en sa compagnie pour s’approcher de quelques curieux, cabas en main, qui jetaient un coup d’œil aux marchandises des autres étals.

- Bonjour messieurs dames ! Vous ne devriez pas perdre votre temps ici, regarder l’allure de ces fruits ? Ils sont d’une qualité médiocre, vous méritez bien mieux.

Il avait adressé cette dernière remarque à une femme d’une trentaine d’année et l’accompagna d’un sourire qui, avouons le, était véritablement charmant. Pour l’heure il avait réussi à se dépouiller totalement de son côté pervers et malsain, et ce qui restait était plutôt charismatique. La cliente avait rougi en portant sa main à ses lèvres pour cacher son sourire et il ne fallut pas beaucoup plus pour qu’elle le suive jusqu’à leur charrette croulant sous les caisses de fruits. Il continua ainsi un moment, alpaguant les clients, ventant leurs marchandises, faisant un peu de charme pour convaincre les plus réticents… et bien sûr il laissa Selene et Jonh le loisir de charger et décharger les caisses après avoir négocié les quantités à troquer.

Au bout d’une demi heure ils avaient réussi à remplir leur chariot de manière relativement équilibrée, le tout bien rangé dans des caisses de façon à ce que leur nombreux groupe puisse y monter sans piétiner leurs provisions. Alors que Miss épouvantail concluait la dernière transaction, un homme s’approcha de leur âne d’un air intéressé avant de lâcher des propos étranges vis-à-vis d’un âne salace. Qu’est-ce que ça voulait bien dire au juste ? Liam n’eut bien heureusement pas à poser la question car l’homme compléta ses dires, faisant sourire en coin le taulard. Et bien ? Ce truc accélérait quand on lui soufflait des choses coquines ? Plutôt amusant, il n’aurait donc pas de mal à lui faire passer la seconde en sachant ça…

Maintenant qu’il découvrait que l’âne pouvait être plus utile le tueur n’avait plus aucune envie de s’en débarrasser, il afficha donc un air désolé à l’adresse de l’informateur potentiel.

- Et si je le vendais, qui tirerait ma charrette ? Encore que si vous nous aviez proposé une bonne bête en échange, endurante et rapide, bien sûr habituée à l’attelage je vous l’aurais cédé avec plaisir mais…

L’homme avait l’air embêté et son regard ne cessait de voyager entre Liam et l’âne, brillant de convoitise. Après quelques instants de débat mental il fini par proposer avec hésitation :

- J’aurais bien un cheval qui vous conviendrait, jeune et en pleine santé mais c’est une belle bête, ça me ferait mal de m’en séparer.

- Comme moi de mon âne, glissa Liam, l’air de rien.

Cette remarque sembla achever de convaincre l’homme qui leur fit signe d’attendre avant de s’évanouir dans l’une des ruelles jouxtant la place. Le petit groupe patienta sagement une vingtaine de minutes jusqu’à ce que l’homme revienne en tirant au bout d’un licol une bête magnifique. C’est un cheval à la robe noire de jais luisante, les yeux rouges et flamboyants, tout en muscles… et en pattes. Il en avait 8 à l’instar de celui des bandits qui avait attaqué la troupe de voyageurs du nord. Inutile de dire que face à cette vision Liam ne mit pas longtemps à détacher leur âne salace et à faire le troc avant de saluer l’homme et de reprendre place derrière les rennes.

On ne pouvait pas dire qu’ils avaient perdu leur matinée…

Leur petite vente avait eut un franc succès parmi les villageois tout compte fait, et rapidement, les quatre marchands du dimanche eurent troqué largement de quoi survivre pendant plusieurs jours sans problème. Selene avait terminé avec sa dernière cliente, Jonh de même, et désormais, tous attendaient la conclusion de l’affaire que Liam faisait en cédant l’âne contre un cheval. L’adolescente trouvait bien particulier qu’un animal puisse avancer à l’entente d’encouragements grivois, plus encore que quelqu’un soit prêt à l’obtenir contre une monture plus noble, mais en bonne novice autant dans le domaine du commerce que de la valeur des animaux dreamlandiens, elle préféra ne rien dire et s’assit en tailleur contre une caisse pleine de diverses viandes séchées en pianotant distraitement sur ses cuisses, songeant vaguement à une ribambelle d’épouvantails qui dansaient dans son esprit selon des chorégraphie qui lui tiraient des sourires discrets.

L’homme revint finalement avec une créature somptueuse qui laissait à Selene un sentiment entre admiration et crainte. Dans les yeux flamboyants de la bête se lisait la fougue tempétueuse de la jeunesse, et les muscles saillant de ses huit pattes laissait sous-entendre la puissance véloce de sa course lancée au galop. Le taulard eut tôt fait de l’attacher à la charrette à la place de l’âne salace qui suivit son nouveau propriétaire avec envie depuis que celui-ci lui susurrait des douceurs avec le sourire aimable du charmeur, avant de s’installer derrière les rennes pour prendre le chemin retour en direction de l’étable où l’attendaient encore très certainement leurs compagnons d’infortune.

A cet instant, un bourdonnement de galop se fit entendre, et une armada d’homme en tenu de guerre inonda une partie de la place avec impérialisme, la mine dure et digne de leur meneur n’annonçant rien de bon. Le trentenaire estima qu’il était déjà temps de faire partir l’animal qui tractait leurs biens au petit trot au travers le centre ville rempli de monde quand la voix tonitruante du sextusien retentit brutalement :

- Habitants de Telehem ! Nous sommes ici en mission, pour traquer de très dangereux criminels qui ont causé du tort à notre belle ville de Sextus !

Il marqua une pause, comme savourant l’effet de ses paroles. De son coté, Selene commençait à angoisser et se tortillait nerveusement les mains en jetant des regards interrogatifs à Jonh.

- Ces gens ont tué de nos citoyens, humilié la grande Asmodée, intercepté une cargaison nous étant destinée et sont responsables d’une brouille entre l’administration de notre Colisée avec Léviathan lui-même ! La Polis somme toute personne capable de livrer au moins un individu suspect qui aurait débarqué entre hier et aujourd’hui de s’exécuter sur le champ !

Un brouhaha de murmures s’éleva presque immédiatement dans la foule de villageois présents, et cette fois, c’est au galop que Liam lança le cheval, quitte à bousculer et piétiner plusieurs malheureux au passage. Une horde d’homme les aperçut à l’autre bout de la place et se lancèrent à leur poursuite, tandis que d’autres étaient vivement renseignés sur les locataires de l’étable. Selene s’agrippait si fort au bord de la charrette que ses jointures blanchissaient jusqu’à lui faire mal, et bien que l’idée d’abandonner ses camarades aux autorités lui plombait l’estomac de lourds poids qu’elle ne pourrait jamais digérer, la peur d’être saisie et l’impossibilité de sauter du véhicule à pleine vitesse la clouait sur place au comble de l’angoisse. D’ailleurs, elle subit bientôt sa métamorphose habituelle, et elle dût s’accrocher tant bien que mal avec les branches qui lui servaient de bras pour rester à bord de la charrette. Le cheval à huit jambes étant bien plus vigoureux que ses congénères qui n’en avaient que quatre, les poursuivants déjà handicapés par leur grand nombre qui avait du mal à se glisser dans les ruelles étroites au milieu des villageois matinaux étaient de plus en plus distancés. En désespoir de cause, l’un d’eux fit halte pour armer son arc et tira une flèche avec adresse qui menaçait de finir sa course dans le dos du taulard occupé à tenir les rennes.

Mue par une pulsion inexplicable, peut-être simplement par la crainte de voir sa fin arriver avec celle de Liam, Selene se mit vivement sur ses pieds et se dressa en bouclier pour que sa pointe en pierre se plante mollement dans sa poitrine de paille. Sa respiration saccadée par la peur, elle vit d’un œil alarmé que d’autres soldats de la milice suivirent cet exemple, mais cette fois, les flèches avaient une portée trop courte pour atteindre leur cible qui filait à toute allure dans l’espoir de rapidement sortir de la ville. La jeune fille épouvantail tomba à genoux, ses jambes brisées par ses la terreur qui se diffusait dans son corps à chacun de ses battements de cœur, et même lorsque leur convoi trouvait enfin une route issue vers les collines en quittant Telehem sans le moindre poursuivant immédiat, elle ne put s’empêcher de gratter frénétiquement le bois de la charrette avec l’espoir d’y dessiner ses amis. Une nouvelle fois, elle enclencha sans le savoir son second pouvoir qui atteint Jonh et Ella pour les débarrasser de toute trace de peur, de colère ou de tristesse.

Ils filaient désormais par une étroite route des collines, ayant sans le savoir pris la direction de l’Ouest, et laissant derrière eux une foule de leurs compagnons qui allaient avoir à faire avec la justice Sextusienne.

(Mais quel beau groupe xD)

Jonh émergea peu à peu de son sommeil et grimaça lorsqu’il se redressa avant de frotter ses yeux endormie comme un enfant. Sélène venait juste de sortir du box et le jeune homme ne tarda à pas à la suivre en dehors de l’étable. Il haussa un sourcil lorsqu’il aperçut Ella et Liam sur la charrette prête à partir. L’idée même que la taulard ai décidé de lui leur faire fausse route ne lui avait pas traversé l’esprit contrairement à ce que ce dernier pourrait penser. Si c’était vraiment ce qu’il était en train de faire il l’aurait fait bien avant ce matin.
Lorsque Liam leur proposa de se joindre à eux le dépressif ne se fit pas prier. Ca l’occuperait d’aller marchander.
Le jeune homme ignora combien de temps le quatuor avait passé à faire du troc mais au final ils s’en sortirent avec de la viande et à la place de l’âne pervers un cheval avec huit pattes. A vrai dire sans la présence de Liam ils auraient sans doute pas fais de bonnes affaires.
Les voyageurs repartirent sur la charrette tandis qu’au même moment un cavalier arriva lançant alors une recherche sur leur groupe. Humilié Asmodée ca ce n’était pas leur faute…comme si ils avaient demandé à se retrouver dans un égout…enfin bref ils étaient bien dans la merde là et Jonh espérait que la monture qu’ils avaient gagné et ses huit pattes ne servaient pas qu’à faire jolie.
Liam fit claquer les rênes pour mettre le cheval au galop et le dépressif s’accrocha au bord de la charrette regardant les dreamlandien leur courir après. L’un deux tira une flèche qui vint se figer dans le corps épouvanteux de Sélène protégeant Liam par la même occasion. C’est vrai que l’adolescente ne ressentait rien à ce niveau là. Doucement le jeune homme retira la flèche et jeta un coup d’œil à leur poursuivant qui était désormais trop loin pour les atteindre avec leurs armes. Un peu rassuré mais pas totalement quand même, le dépressif sentit sa crainte disparaitre d’un coup.
Mais il se demandait quand même ce qui allait advenir de leurs compagnons rester là bas. Et Lys ??? Jonh allait ouvrir la bouche pour dire à Liam de s’arrêter mais se ravisa. De toute façon il ne l’aurait pas fait. Il n’avait plus qu’à prier intérieurement pour que son ami s’en sorte vivante.
Le jeune homme se demandait où est ce qu’ils se dirigeaient à présent.

- Ils ont des armes vachement primaires quand même...Bon on va où maintenant patron ?

Par "patron" il parlait bien sur de Liam vu que c'est ce dernier qui tenait les rênes du véhicule.

A peine s’était-il installé à l’avant, rennes en main, que la situation commençait à mal tourner. A croire que c’était devenu une habitude et qu’un espèce de Dieu sadique veillait soigneusement à leur empêcher d’avoir ne serait qu’une journée complète tranquille. Le danger se présentait cette fois ci sous la forme d’une armada de cavalier à la mine sévère et pas besoin d’être un génie pour comprendre qu’ils était probablement là en réponse à l’un de leurs exploits de la veille. Si ce n’était le marchand en tenue d’Adam, ce serait les meurtres de la plage, l’évasion ou l’une des prouesses des autres membres de leur joyeuse petite troupe. Liam qui ne tenait pas le moins du monde à attendre pour en avoir le cœur net fit claquer les rennes sèchement, entrainant un vif départ de la part de leur nouvelle monture.

Dans leur dos le chef de la police prit la parole d’une voix forte et claire dont les accents agressifs ne laissaient aucun doute sur la véracité de ses paroles. Loin de s’en inquiéter le taulard se contentait de sourire, le regard animé d’une lueur étrange. Alors comme ça ils avaient « humilié » Asmodée ? C’était encore trop peu. Qu’ils lui en donnent l’occasion et il lui ferait subir bien pire, avec entre autres au programme des réjouissances langues arrachées, yeux crevés et petit écartelage des familles. Son esprit passa totalement au dessus des autres accusations qui lui semblaient dérisoires, sans parler du fait qu’il n’avait rien à voir avec le colisée et Léviathan. Rendons à Caesar ce qui lui appartient. S’ils voulaient s’en prendre à tous ces imbéciles paresseux encore trop occupés à ronfler dans l’étable pour sauver leur peau c’était leur affaire. Au moins maintenant il avait une bonne raison pour se tirer avec la charrette. Et Dieu seul savait combien les bonnes excuses étaient importantes.

Les menaces avaient eut l’effet voulu sur la population dont les murmures inquiets montaient crescendo. Ils ne tarderaient pas à cracher le morceau, il fallait donc s’éloigner le plus possible avant que… mais c’était déjà trop tard. Les premiers regards mi- terrorisé, mi-coléreux s’étaient déjà tournés vers eux, les doigts accusateurs se levaient, et les premières bouches s‘ouvrirent pour les dénoncer. Ce fut comme un signal de départ pour une course : le tueur ne perdit pas une seconde pour pousser leur nouvelle acquisition à passer la seconde, voir les vitesses suivantes. Oh bien sûr il risquait d’écraser un ou deux bonhommes au passages et bien sûr ça ne loupa pas, mais c’était tué ou être tué. Et ce serait mentir que de dire que le fait qu’ici tout fonctionne à la loi de la jungle ne lui facilitait pas la tâche. Leur départ en trombe avait attiré l’attention et il ne fallut que quelques secondes pour qu’une horde d’hommes se mette à les poursuive arc en main avec la ferme intention de les transformer en pelote d’épingle.

La charrette, son chargement et ses 4 passagers ralentissaient considérablement le cheval à huit jambes mais sa puissance naturelle était telle que peu à peu l’écart se creusait entre les deux groupes, quoi que trop lentement. Leur véhicule tressautait et vibrait de telle façon qu’ils étaient tous forcés de s’accrocher comme des forcenés pour ne pas se retrouver à terre et Liam commençait sérieusement à se demander si elle allait tenir le choc ou partir en morceaux. Enfin ils n’auraient peut-être pas l’occasion de vivre jusque là pour être fixés car déjà une flèche fendit l’air avec la mauvaise idée de se planter entre les deux omoplates du taulard. Celui-ci était si occupé à manœuvrer leur attelage dans les ruelles étroites qu’il ne s’en rendit compte qu’au bruit d’une flèche se plantant dans le torse de paille de Selene, juste derrière lui. Un bref regard nerveux dans son dos lui apprit qu’il avait failli se transformer en légume et il serra les dents, ses mains se crispant sur les lanières de cuir jusqu’à s’en faire saigner les mains. Une pluie de flèches ne tarda pas à suivre, assombrissant le ciel, mais leur portée était cette fois trop courte. Le trentenaire ne se priva pas malgré tout de forcer leur monture à accélérer un peu plus tout en léchant la sueur qui perlait au dessus de sa lèvre supérieure.

Il n’avait pas souvent peur, mais il savait reconnaître une situation désespérée quand il en voyait une et là, ils étaient en plein dedans. Il craignait pour sa vie, pour celle d’Ella… mais il était surtout hanté par le fait qu’ils risquaient d’être de nouveau trainés dans cette maudite tour et que leur précédent cauchemar pourrait recommencer. Les grattements agaçants de miss épouvantail dans son dos ne faisaient qu’amplifier sa tension, lui faisant grincer des dents. Il ne commença à se détendre que lorsqu’ils se furent assez éloignés de la ville mais il ne baissa pas sa garde pour autant, prenant l’initiative de quitter la route pour suivre un vieux chemin caillouteux envahis par les hautes herbes. Semer cette troupe de bodybuilders restait leur priorité. Filer droit devant vers le soleil matinal, et se débrouiller pour tourner assez pour brouiller les pistes, ce qui d’ailleurs fut facilité par la végétation qui se redressa comme par enchantement même après avoir été écrasée par les lourdes roues du charriot. Au moins ainsi le chemin qu’ils avaient choisi resterait peut-être secret…

A vrai dire il était secret même pour lui qui se contentait de filer sans un œil à sa carte, raison pour laquelle la question de Jonh agaça Liam au plus au point. On aurait dit l’un de ces gosses ne pouvant s’empêcher de demander « où on vaaa ? » , « on arrive quaaaand ? » et autres joyeusetés du même acabit. Seul l’ajout du « patron » empêcha le trentenaire de l’envoyer bouler, peut-être parce que cette marque ironique de servitude avait quelque chose de comique de son point de vue. Elle était loin l’époque où il menaçait de le tuer ! Maintenant voila qu’il prenait sa défense, le suivait comme son ombre et lui servait du « boss », à croire qu’il tentait de s’intégrer à un syndicat du crime.

- Pour l’heure je dirais loin des flèches. Je suppose que ça va à tout le monde ?

Le tueur jeta un regard par-dessus son épaule pour s’assurer que personne ne se vidait de son sang à l’arrière et que leur chargement était encore là. Une fois rassuré il reprit en passant un bras autour des épaules d’Ella pour la serrer contre lui :

- Vous comprenez bien qu’on ne peut pas revenir en arrière et qu’il est hors de question d’aller sauver les autres, n’est-ce pas ? De toutes façons ils sont peut-être déjà morts.

Le chariot dirigé par Liam avait désormais prit partie de les entrainer sur une vieille route caillouteuse dont les hautes herbes refusaient manifestement de rester au sol après avoir été piétinées. Selene commençait doucement à se calmer, mais les perles de sueur froide qui coulaient encore sur son visage témoignaient de son angoisse omniprésente. Elle ne fit même pas attention à la réplique de Jonh érigeant le taulard comme leur chef, car quand bien même cet homme l’effrayait presque autant que la garde de Sextus, il était évident que sans lui, elle serait morte depuis bien longtemps. D’ailleurs… ce n’était que désormais que l’adolescente prenait conscience qu’elle lui avait sauvé la vie, et sans prêter attention le moins du monde à l’échange entre les deux hommes, elle se surprit à contempler le dos du trentenaire qui se mouvait au rythme de ses actions sur les rennes. Qui était-il exactement ? Comment pouvaient cohabiter dans le même être un violeur assassin et un père ? Voire même un protecteur.

Bien qu’il l’ait malmenée, prise avec une rage qui ne lui était pas destinée, Liam n’avait pas non plus agit de son propre chef dans la tour de la luxure, et un jour, l’adolescente devrait l’admettre. Était-il de ces hommes mauvais avec un bon fond ? Ou bien était-il réellement pourri jusqu’à la moelle et agissait parfois en samaritain bienveillant dans l’unique but de pouvoir se moquer plus longtemps encore de l’espèce humaine ?

Ses pensées sans rapport avec la situation l’avait assez distraite pour l’apaiser, et alors que son regard retombait sur son ébauche d’épouvantail gravée légèrement dans le bois, elle poussa un soupir et recouvrit son apparence normale. Ils devaient avoir tourné plus d’une fois, suivant vaguement la route histoire de brouiller les pistes, car désormais, le soleil levant était dans leur dos, et ne s’étendait devant eux qu’une vaste plaine d’herbe jaunie par le soleil chaud de la région. Selene eut une pensée pour toutes les personnes qu’elle avait laissé en arrière, et qu’elle commençait à apprécier ; Myia, Elena ; et une épine de tristesse se ficha quelque part dans son cœur. Elle aurait voulut avoir le pouvoir de les délivrer, ou ne serait-ce qu’avoir le dixième du courage nécessaire pour oser dire « moi, je vais aller les sauver ! »… mais il n’en était rien. Elle n’était qu’une adolescente de quinze ans qui ne savait pas comment affronter l’adversité, et se dresser seule contre une armada organisée était au-delà, bien au-delà, de ses maigres forces.

La toquée frissonna malgré la chaleur ambiante et recroquevilla ses jambes contre son menton, pensive. Maintenant qu’elle était en fuite vers l’avenir, il était temps de songer à des perspectives d’avenir non ? Elle ne connaissait de Dreamland que les rues d’Elipse qu’elle avait sillonné en courant avant d’être capturée, puis le bateau de Georges Mikles, et la région de Sextus. Que pouvait donc offrir ce monde à des gens comme elle ? Que lui réservait l’horizon ? Seule, elle se serait sans doute laissé aller à des pleurs désespérées. Mais même si ses compagnons ne constituaient pas la meilleure des compagnies amicales, ils étaient des alliés sur lesquels elle pouvait compter depuis les épisodes tragiques de la tour, et donc quelque part, ils étaient un réconfort.

Au bout d’un certain temps, fut-il long ou court, la jeune fille ne s’en aperçut pas, Liam ordonna à la bête de ralentir l’allure, ce qu’elle fit avec un léger hennissement. Une fois au pas sur la route qui se faisait moins cahoteuse, le mur de hautes herbes derrière eux, Selene escalada habilement malgré ses mains fébriles les caisses solides qui ne menaçaient pas de céder sous son poids pour se trouver une petite place aux cotés de Ella. Là, elle osa un regard timide au taulard avant de baisser les yeux sur ses pieds toujours chaussés plusieurs tailles trop grandes. Ce qu’elle voulait dire se nouait dans sa gorge sans vouloir en sortir. La galloise tritura ses mains un moment, renvoya à plusieurs reprises ses cheveux roux indomptables derrière ses oreilles, puis articula faiblement :

- Merci.

Consciente que l’homme ne devait pas avoir entendu, sans lever les yeux, elle prit son inspiration et retenta sa chance :

- Merci… pour… euh… tout. De m’avoir sauvé à la plage… et au moment de prendre la charrette… et…

Les traits de son visage se tendirent en réprimant les larmes qui lui venaient, et maintenant qu’elle était là, la jeune fille était prise d’une folle envie de retourner se terrer à l’arrière avec le dépressif. Quelque part, liam lui rappelait son père. Mais là où la bienveillance et la violence de Mr Nymphadora s’était succédées au fil du temps et des aléas négatifs, elles cohabitaient chez Liam avec un agencement tordu qui était plus troublant encore.
Son regard se posa un court instant sur Ella avant de se perdre dans l’horizon vide de nouveautés.
Que voulait-elle dire déjà ? Si d’autres choses avaient été là, elles s’étaient envolées avec la peine qui refluait avec ses souvenirs.

- Rien… je crois.

Avec un soupir, elle ferma les yeux pour visualiser son ami éternel. Une nouvelle fois, elle mourrait de cette envie intense de se confier à quelqu’un. Mais qui l’écouterait à part lui ? Qui la comprendrait ? Personne, sans aucun doute…

Qu’ils aient compris ou non le fait de devoir abandonner les autres derrière eux, ni Selene ni Jonh ne répondit. C’était tout aussi bien du point de vue de Liam qui pu de nouveau se concentrer sur le semblant de route qu’il suivait, à peu près sûr qu’aucun des deux ne lui prendrait la tête pendant des heures pour faire demi tour et jouer les super héros de pacotille. Si ça avait été le cas il aurait été forcé de les assommer et de les abandonner sur le bord de la route ce qui n’aurait été qu’une mauvaise action de plus sous les yeux innocents d’Ella, et bien sûr il n’aurait alors plus aucun jouet sous la main. Après un long moment le chemin tortueux fini par obliquer à l’ouest, alors que le soleil atteignait son zénith. Un bref coup d’œil à la carte lui apprit qu’en suivant cette direction ils se dirigeaient ni plus ni moins vers leur point de départ, mais il comptait bien arrêter son voyage avant d’avoir posé les pieds dans cette ville d’émeutiers psychopathes.

Selene le tira de sa réflexion lorsqu’elle s’installa de l’autre côté de la petite rouquine à l’avant du chariot. Son regard fuyant ne cessait de naviguer entre le visage du taulard et les gros sabots de la toquée, et Liam s’apprêtait à lui demander ce qu’elle voulait une petite voix à peine audible lâcha un son indéterminé. Le taulard fronça les sourcils, interdit, mais pas pour longtemps car l’adolescente se décida enfin à s’exprimer plus clairement. Elle n’avait visiblement plus toute sa tête car la seule chose qu’elle fit était le remercier. A croire qu’elle avait oublié l’épisode de la cellule, de la tour, le meurtre de la plage et tous les rabrouements qu’elle avait subit ces derniers jours. A moins qu’elle ait enfin commencé à évoluer dans le bon sens comme Jonh ? Ca n’aurait pas été une mauvaise chose en soit, et à cette idée le tueur dû réprimer une furieuse envie de sourire. Malgré tout ce spectacle de gêne et de timidité maladive était exaspérant, et ce n’était pas l’envie de secouer Selene comme un prunier qui manquait. Il se contint néanmoins, son regard noir braqué sur le visage pâle de la pauvre adolescente puis il finit par répondre avec nonchalance :

- Un prêté pour en rendu… enfin tu m’en dois encore une cela dit. Et arrêtes de détourner les yeux comme ça, on dirait que je te fais peur.

Liam lâcha les rennes d’une main pour la porter au menton de la toquée, tournant son visage vers lui.

- C’est le cas ? Susurra-t-il, une étrange lueur dans le regard.

Sa question gênait visiblement la jeune fille qu’il finit par relâcher non sans un bref ricanement avant de reprendre ses rennes à deux mains. C’était bien beau de s’amuser mais il ne fallait pas oublier qu’ils étaient poursuivis. Liam scruta l’horizon et remarqua que le paysage était barré par un ruban bleu qui devait être le fleuve indiqué sur la carte. A l’allure où ils allaient ils le rejoindrait probablement dans 2 ou 3 heures, mais pour l’heure son estomac gargouillant lui indiquait qu’il était l’heure de s’arrêter pour une pause déjeuner. Le taulard poussa leur attelage à sortir de la route en douceur et l’arrêta seulement lorsque les hautes herbes les eurent totalement cachés aux regards d’éventuels voyageurs empruntant ce chemin de terre.

- On s’arrête pour manger, mais pas trop longtemps. Après tout on ne sait pas tous les moyens dont ils disposent pour nous retrouver.

Liam se leva, enjamba le siège du conducteur pour se retrouver au beau milieu de leurs caisses de marchandises et se mit à farfouiller dedans en sifflotant un air. Il finit par mettre de côté 4 petites miches de pain, 4 morceaux de viande, 4 bouts de fromages et 4 espèces de mangue. Ca ferait bien l’affaire jusqu’au soir, dans tous les cas il était bien décider à éviter un nouveau pillages de leurs réserves simplement parce que l’un de ces imbéciles de jeunes avaient un « petit creux » en pleine nuit. Il lança les vivres à chacun avant de se laisser tomber à côté d’Ella dont il caressa la tête avec affection avant de déposer un baiser sur son front.

Elle était de nouveau silencieuse mais au moins il savait maintenant qu’elle avait cessé de lui faire la tête, et que ça continuerait ainsi au moins jusqu’au moment où ses pulsions le pousseraient à aller visiter quelqu’un de nuit pour une partie de galipettes avec ou sans consentement mutuel. D’ailleurs ça commençait sérieusement à la travailler mais il se rendait bien compte que ce n’était pas le moment de penser avec son pénis. Liam se mit donc à manger en tentant de chasser toutes ses pensées perverses parasites, non sans jeter de temps en temps un regard vicieux vers la robe transparente de miss épouvantail. On voyait tant à travers que c’était indécent, surtout qu’elle n’avait même pas de sous vêtements…

Un souvenir traversa l’esprit du tueur qui plongea ses doigts dans son sac à main pour en tirer un des deux vieux caleçons qui s’y trouvaient, avant de le tendre à l’adolescente. Son regard qui déshabillait la gamine sans se cacher ne disaient que trop le pourquoi de ce don, il se contenta donc de lâcher avant de se remettre à manger :

- Tiens, vaut mieux que tu enfiles ça. On voit tout.

Ce n’était pas de la bonté, juste qu’il sentait intérieurement qu’il ne pourrait pas se retenir longtemps de sauter sur la toquée et que dans l’état actuel des choses c’était bien l’un des dernier truc à faire. Autant pour l’éventuelle réaction d’Ella que pour Jonh qui pourrait profiter de l’occasion pour l’attaquer par derrière. La nuit était bien plus propice à ce genre d’activités, à n’en pas douter…

La réponse de Liam l’avait fait sursauter. Si il lui faisait peur ? La question était si évidente qu’elle aurait cru déceler une pointe de moquerie derrière sa nonchalance. Elle ouvrit les yeux quand elle sentit la main du taulard sur son menton, et contrainte de le regarder, lisant dans ses yeux pervers une lueur étrange qui n’avait rien de rassurant, elle ne put empêcher son visage de se crisper sous la gêne. Quand il l’eut enfin lâché, elle fuit immédiatement des yeux le couple enfant-père pour se plonger dans la contemplation de l’horizon qui laissait désormais se voir un long fleuve qui serpentait dans les collines. Il n’y avait pas l’air d’y avoir la moindre présence humaine dans le coin, ni voyageurs, ni poursuivants, et dans cette étendue de nature issue des rêves, l’adolescente se sentait étrangement petite et isolée. Mais pour la première fois, elle se sentait enfin libre.

Le doyen du petit groupe décida qu’il était temps de faire une petite halte, ce qui n’allait pas déplaire à la toquée dont le ventre commençait à gargouiller, malgré ses boyaux toujours noués à l’idée d’avoir laissé ses compagnons en arrière. Elle resta assise un long moment, reçu d’un geste machinal les vivres que lui remettait le trentenaire, puis attendit que tous se soient installés pour lentement entamer son pain et son fromage avec un manque d’enthousiasme qui contrastait avec sa faim.

Quand Liam lui tendit le vieux caleçon, elle resta interdite un moment et saisit le sous-vêtement d’une main tremblante, bafouillant un "merci", terrifiée par son regard perçant qui la passait au rayon X. Comment prendre son geste ? Il cherchait soit-disant à préserver son intimité de jeune fille, mais il la dévorait des yeux au travers le tissu fin de sa robe volée. Ça n’était certainement pas la meilleure des règles d’hygiène d’enfiler le vieux caleçon d’un homme assassiné la veille, ni la meilleure des règles d’esthétisme de porter un sous-vêtement masculin trop grand sous un habit blanc transparent, mais si ça lui permettait d’éviter que le trentenaire ne la reluque avec des airs de prédateurs inassouvi, Selene n’était plus à ça près.

Elle embarqua son repas avec elle et déménagea à l’arrière de la charrette, en compagnie de Jonh qui était manifestement resté tout seul. D’une petite voix, elle lui demanda si il pouvait se retourner un instant, puis après s’être assurée également que Liam ne lui jetait pas de regards en douce, elle enfila le caleçon avec une petite grimace de dégout. Avisant son gilet laissé dans un coin, elle le mit sur ses épaules malgré la chaleur de la journée, et attacha deux boutons stratégiquement de manière à cacher sa poitrine d’adolescente. Une fois ceci fait, elle prévint le dépressif qu’elle avait fini et vint s’assoir à coté de lui pour entamer sa tranche de viande séchée.

Que pouvait-elle dire pour ne pas manger dans un silence lourd ? Rien peut-être… avec un soupir, elle se mit à dessiner du bout d’un doigt des épouvantails invisibles qui s’invitaient pour lui raconter mille et une histoires. Elle se souvint qu’elle le faisait régulièrement pour s’endormir chez sa tante, lorsqu’elle était tracassée, c’était sa manière de compter les moutons. Là, elle ne voulait pas s’endormir, mais juste passer le temps, cherchant quelque chose qui ferait que leur bande étrangement atypique puisse s’entendre un minimum mieux que des gens voués à se supporter. Après tout, combien de temps devraient-il encore faire route ensemble et cohabiter ? Quelques jours ? Une semaine ? Deux ? Un mois ? Un frisson traversa la jeune fille à cette idée. Un mois avec ce pervers de Liam ? Et si… et si il décidait d’en faire son esclave sexuel ? Si il se mettait en tête de la violer chaque soir pour se soulager, que ferait-elle ? C’était lui l’homme fort, lui qui dirigeait et gérait la cargaison. Est-ce que Jonh la défendrait où est-ce qu’il ferait l’aveugle et le sourd ? Elle ne pourrait même pas s’enfuir… comment survivraient-elle seule ?
La gorge nouée, elle maintint en suspens la dernière bouchée de sa tranche de viande et jeta un œil en biais au taulard. Supporter qu’il profite d’elle quand il le souhaite, c’était ça le deale implicite ? C’était pour ça qu’il la gardait ? Oui, il lui avait donné un caleçon pour s’habiller… mais est-ce que ce n’était pas juste pour se donner bonne contenance ?!

Selene se secoua la tête, dégagea une mèche rousse qui avait fait halte sur ses lèvres et se remit à manger. A quoi bon se perdre dans des suspicions saugrenues qui tenaient pour l’heure uniquement de la paranoïa. Le trentenaire était très certainement un homme pas très fréquentable dont l’encéphale était régulièrement en connexion intime avec son pénis, mais de mémoire, la galloise ne l’avait encore jamais vu violer personne de son plein gré… enfin… il ne s’était pas gêné avec l’une des servantes d’Asmodée, mais elle était consentante. Où étaient donc ses limites ?
Et puis de toute manière, si elle n’avait pas fuit avec lui, elle n’aurait eut qu’à se rendre aux autorités. Les autorités de Sextus…

Attaquant son fruit en guise de dessert, l’adolescente se résigna à ne pas être celle qui briserait le silence. Elle mâchouilla la chair de sa mangue made in dreamland avec l’expression de celle qui est ailleurs, songeant vaguement aux possibilités qui s’offraient désormais à elle.

Jonh n’avait pas répondu à la réplique de Liam retournant dans sa dépression après que le pouvoir de Sélène ai fini d’agir. Cette dernière alla s’installer avec la fille et le père. Le jeune homme ne chercha pas à savoir ce qu’ils disaient préférant rester avec sa solitude.
Finalement le taulard décida de faire une pause après s’être éloigné de la route. Il attrapa la portion de nourriture que leur fit partager le pervers . Contrairement au trois autres, Jonh ne bougea pas de la charrette même si sa tristesse avait laissé place à la bonne humeur. En fait il avait la flemme de se lever.
Alors que le jeune homme déjeunait la rouquine vint vers lui un bas à la main et demanda au dépressif de se retourner. Celui-ci arqua un sourcil puis haussa les épaules avant de se détourner. Il avait passé l’âge de reluquer les adolescentes.
Une fois que Sélène ai fini de masquer ses parties, elle prit place à côté de lui sur le chariot et un silence s’installa dans les hautes herbes.
A vrai dire lui non plus avait rien à sortir. Jonh pourrait très bien discuter de la pluie et du beau temps mais c’était pas vraiment le moment.
Il se mit soudainement à soupirer et lâcha plus pour lui-même :

- J’ai connu mieux comme conversation

Il avala son dernier morceau de pain et descendit de la charrette avant d’aller voir Liam. Jonh avait réfléchi à quelque chose qui le turlupinait depuis tout à l’heure. Et le taulard semblait plus en savoir que Sélène.

- Il faudrait qu’on sache où on va plutôt que d’aller aux hasards, on y gagnerait plus , non ? Je ne sais pas quel genre de ville accueillerait des voyageurs mais on ne peut pas rester sur ce continent

Les remerciements bafouillés par Selene ne firent que renforcer son aspect désespérément fragile aux yeux de Liam. Elle donnait l’impression de pouvoir accepter à peu près n’importe quoi à partir du moment où on le lui ordonnait, incapable de résister à une volonté marquée. Une vraie marionnette se transformant de temps à autres en épouvantail, pitoyable spectacle. Dans un sens elle n’était pas bien différente des filles comme Shannon… sauf que les Barbies superficielles elles au moins assumaient leurs actes au lieu de mettre ça sur le dos des « profiteurs ». Le taulard aurait mit sa main à couper que la rouquine ôterait son nouveau caleçon avec empressement pour écarter les jambes si ça lui offrait de plus grandes chances de survie, mais qu’elle ne se gênerait pas derrière pour mettre ça sur le dos du destin et des hommes tellement vils ! Une sainte nitouche de bas étage, ni plus ni moins. Une vierge en toc. Son air de cocker, avec ses cheveux filandreux et ses yeux humides ne faisaient que renforcer la haine qui grandissait en lui, nourrissant son feu intérieur d’une manière bien plus efficace que les sourires naïfs et les rires clairs à l’origine de la plupart de ses « punitions ». Plus il passait de temps en compagnie de cette fausse victime plus il avait envie de vomir, il préféra donc se détourner d’elle pour revenir à son repas frugal alors même que Selene partait vers l’arrière de la charrette pour entamer une folle absence de conversation avec Jonh.

Son système hormonal liant inextricablement sa colère et son désir, une bosse se mit à croitre au niveau de son entre-jambes et son bras ne manqua pas de grossir une nouvelle fois alors que ses menottes et son martinet apparaissait dans son immense paluche. Il les ignora, le visage fermé en continuant à manger, bien conscient de l’effet que la vue de ce membre monstrueux provoquerait chez ses compagnons. Il tentait de concentrer son esprit entier sur son repas, bien trop conscient du fait que la vision de la nudité temporaire de l’adolescente serait le déclencheur de ses pulsions. Cette cohabitation risquait de s’avérer vraiment très difficile…

Le trentenaire finit d’engloutir son repas en silence, ne prêtant attention qu’à la petite silhouette d’Ella à ses côté qui semblait posséder un étrange effet calmant, même si ce n’était pas suffisant pour rendre à son corps son apparence originelle. Heureusement Jonh se décida à se dévouer à lui changeant les idées en débarquant, déblatérant qu’il fallait faire un choix quant à leur destination. Il avait l’air de croire qu’avec sa carte le taulard avait reçu le guide Michelin, et une encyclopédie sur les mœurs ainsi que les affinité des villes avec les voyageurs. Liam détailla en silence le visage du dépressif. Il croyait vraiment qu’il avait la science infuse ? Mis à part Elipse, Sextus et Telehem il ne connaissait strictement rien des villes de ce monde, alors de là à décider arbitrairement du lieu qui les accueillerait à bras ouvert il y avait de la marge. Le peu qu’il avait pu apprendre dans les journaux ne l’avait pas beaucoup éclairé sur le sujet, la seule chose ressortant étant le fait que par miracle tout le monde ne les détestait pas encore. Liam finit après de longues secondes de silence par planter son regard noir dans celui de Jonh, pour lâcher avec sérieux :

- On peut très bien décider arbitrairement de notre destination, mais pour quoi faire ? Tu sais à quoi t’attendre une fois sur place ?

Il tira sa carte de sa poche et désigna, tout à l’ouest, une zone vague près d’un fleuve.

- On est dans ce coin. En continuant à l’ouest on finira par atterrir de l’autre côté de la carte, à l’est. On pourrait aussi bien aller à Kephren qu’à Gloutoniskaïa, mais on en aurait pour des jours et je n’ai aucune idée de la manière dont on serait accueilli. Bien sûr il doit y avoir une foule de villages qui ne sont pas marqués, mais ça ne change rien au fait qu’on ne connaît pas ce monde. Tout ce qu’on peut faire avec nos connaissances actuelles c’est une fuite en avant.

Les yeux du taulard se posèrent sur l’enfant et son visage se rembrunit. S’il avait été seul ça n’aurait pas été un problème, mais avec Ella à sa charge les choses se compliquaient. Il était responsable d’elle, de son bien être et de sa survie. Il ne pouvait plus agir sur un coup de tête et risquer de la voir pendue par les tripes à un lampadaire parce qu’il avait eu la mauvaise idée de choisir une ville d’anti-voyageurs juste parce que le nom sonnait bien. Si le dépressif voulait du concret, il faudrait d’abord qu’il dégote des informations.

Réfléchir à tout ça avait au moins eu le mérite de lui changer les idées, rendant à son bras un volume décent. Liam ne sembla même pas s’en rendre compte, trop occupé à se caresser le bouc en observant sa carte, les lèvres pincées. Kephren étant situé au milieu du désert il était totalement inconcevable de s’y rendre, ne restait donc que Gloutoniskaïa et d’éventuels villages qu’ils croiseraient sur leur route. D’ailleurs en parlant de ça, ce ne serait pas un mal de les noter, le tueur tira donc son stylo de son sac à main pour ajouter approximativement l’emplacement de Telehem non loin de Sextus. Après un certain temps il reprit la parole en haussant les épaules :

- Pour l’instant, tout ce qu’on peut faire c’est aller vers l’ouest et rester prudent. Si tu veux qu’on rejoigne un endroit précis, commence par trouver des informations sur nos différentes possibilités. Je te laisserais pas trainer ma fille dans une ville de pervers ou d’émeutier juste parce que tu veux qu’on se donne un but.

La remarque désobligeante de Jonh fut comme un poids qui tomba au fond de son estomac. Était-ce de sa faute si dans une situation pareille, elle n’avait rien à dire ?! Pourquoi devait-elle être celle qui reçoit sans cesse les attaques ?! Comme si elle faisait exprès…

Avec des gestes lents, elle achevait de dévorer son simili de mangue, mais le goût amer de son désespoir qui l’envahissait peu à peu venait couvrir celui du fruit. S’en suivit une discussion entre les deux hommes de la troupe, où comme à son habitude, le dépressif tentait de se fier aux « bons » conseils du doyen détraqué qui, lui aussi comme à l’ordinaire, fit sentir à Jonh une réplique sèche. Ce n’était pas tant ce qu’il disait qui pétrifiait Selene, mais son bras demeuré dont elle commençait à comprendre la signification depuis qu’elle le fréquentait malgré elle. Ses doutes et ses craintes seraient-ils fondés ? Allait-il l’attaquer à un moment quelconque pour profiter d’elle ?
Avec une once d’espoir au milieu de la douleur qui envahissait son regard, la galloise scruta les alentours, mais il n’y avait rien. Pas la moindre trace d’un lieu accueillant, pas la moindre autre aide potentielle… il n’y avait que l’horizon qui les encerclait, vide de tout objectif concret. Ils en étaient donc réduits à ça… « Fuir en avant » en quête d’une ville qui accepte de les accueillir… c’était toujours mieux que la captivité soumise remarque, mais c’était tout de même angoissant. Sa situation laissait à désirer… elle parcourait un monde hostile dans un groupe qui lui était lui-même hostile… cette évidence était si écrasante, si douloureuse…

L’adolescente poussa un soupir, et s’aperçut que la charrette se remettant en marche. Elle ne savait pas trop combien de temps elle avait pensé depuis qu’elle s’était recroquevillée dans son coin, les genoux tirés sur sa poitrine, à chercher une solution qui n’existait pas dans la purée de pois de négativité qui obscurcissait son moral.

A force de regarder à l’extérieur en cherchant une échappatoire, elle se mit à rêvasser passivement, le regard vide. Une nuée d’oiseau s’envola à plusieurs mètres, tournoyant autour de ce qui semblait être…

- Un épouvantail !

La jeune fille s'était soudainement réveillée, observant la cible de son intérêt avec des yeux écarquillés de surprise et d'espoir. Apercevoir l'un de ses amis dans un moment pareil serait comme un signe du destin, un message onirique qui lui indiquerait qu’elle finirait par s’en sortir, qu’elle n’était pas seule. La galloise allait se redresser, s’apprêtant à réclamer à Liam qu’il ne s’arrête pour qu’elle puisse aller rendre visite à son compagnon, mais elle réalisa alors son erreur. Son épouvantail n’était en fait qu’un arbre mort dont la silhouette, bien qu’ayant quelque chose d’anthropomorphe, ne ressemblait en fait pas du tout à ce à quoi elle pensait.

Plus triste encore qu’auparavant, elle réintégra bien vite sa position recroquevillée, ses yeux s’humidifiant légèrement. Voilà que dans tout ça, elle se mettait à avoir des hallucinations. Qu'est-ce que sa tante dirait si elle le savait ? Qu'elle était vraiment folle sans doute. Mais... ça n'était pas de sa faute pourtant... elle voyait déjà le taulard la railler ouvertement, et se déconnecta mentalement de ce qui l'entourait pour éviter d'entendre ses éventuelles remarques cinglantes. Et Jonh, que penserait-il ? Qu’elle débloque ? Que le fait d’être dans un monde de fous finissait par réellement grignoter sa raison ?

Machinalement, Selene s’était mise à gratter le bois de la charrette pour y dessiner l’un de ses fidèles amis. Eux, ils ne se moquaient pas d’elle. Ils l’aimaient et la protégeaient. Elle n’avait besoin de rien d’autre en fait... si ?
Elle poussa un autre soupir. Elle était décidément envahie par les interrogations depuis qu'ils avaient fuit Telehem. Était-ce sa manière de dissiper son sentiment de culpabilité ? Va savoir. Elle était en sécurité, c’est ce qui comptait non ? Mais Myia… et Elena…

Dans un murmure qui était plus destiné à elle-même qu’à ses camarades, elle lâcha :

- Tant que ce n’est pas pire que chez Asmodée, ça devrait aller…

C'était ça le but justement se renseigner sur des villes pour qu'ils puissent y aller et réfléchir tranquillement à comment rentrer, enfin retourner dans le monde réel. C'était hors de question pour Jonh de rester ici. C'était moins intéressant pour Liam car il échappait à la prison mais Sélène voulait sans doute retourner aussi chez elle, auprès de ses épouvantails. Ils devaient vraiment lui manquer pour qu'elle les dessine à ce point partout.

- On improvisera quoi...

Et puis comme si le jeune homme allait entraîner l'enfant dans une ville malfamé si lui même ne désirait pas y mettre les pieds ? Le taulard commençait à tenir son rôle de père à cœur quitte à devenir paranoïaque.

- C'est bien la dernière chose que je ferai

Lâcha t-il avant de laisser le duo et retourner auprès de la charrette où la rouquine était rester assise recroquevillé dans son coin. Jonh soupira intérieurement. C'est vrai qu'il avait été vache tout à l'heure mais le jeune homme n'avait pas envie que quelqu'un dépende de lui alors qu'un jour prochain il ne serait plus là.
Peu de temps après Liam et Ella les rejoignirent puis le groupe de voyageur se remit en route. Un silence régnait parmi le quatuor lorsque soudainement Sélène s'écria faisait sursauter Jonh par la même occasion. Ce dernier la regarda comme si elle était folle avant de reporter ses yeux sur le sol de la charrette tandis que de son côté l'adolescente grattait le bois pour dessiner ses compagnons à la fois pour déstresser et user de son pouvoir sans le savoir. Jonh releva la tête lorsqu'elle parla. Elle pensait vraiment que la Tour était la pire chose dans ce monde ? Vu comment il était foutu il devait y avoir bien pire.

- A mon avis il y a bien pire ici que de se faire "violer" et mordre par des vampires !

Et puis de toute façon ce n'était que son esprit qui avait subit l'attaque de Liam, logiquement son corps ne devrait avoir aucune séquelle. Logiquement...
Jonh mit ses mains dans les poches du short emprunté et tomba sur un sachet qu'il extirpa avant de voir qu'il s'agissait de truc rond qui ressemblait fortement à des bonbons. Les friandises ca remontait le moral non ? Il tendit la chose trouvé à Sélène :

- Tiens mange ça ca te remontera le moral. Tu veux aussi des bonbons Liam ?

Sans savoir qu'il s'agissait de bonbons capillaires.

Ils avançaient depuis un petit moment, Jonh renfrogné à l’arrière et Selene toujours plongée dans une rêverie dépressive. Cette situation convenait tout à fait à Liam qui pouvait à présent réfléchir sur leur situation et la manière de s’en sortir. Malgré tout ce qui leur était arrivée le taulard voyait toujours leur présence ici comme une opportunité. Ici il était libre, sans chaine ni barreau pour le retenir. Tout ce qu’il lui restait à faire c’était trouver un petit coin tranquille, de préférence regorgeant de petits trous chaud et humides ou se tapir et d’en profiter un maximum. Un endroit où personne ne viendra le menacer parce qu’il osait égorger une ou deux gonzesses… et il y avait fort à parier qu’un tel endroit existait à Dreamland, le tout étant de trouver où exactement. Les peuplades primitives conviendrait surement à ces critères de recherche, le taulard se mit donc à chercher sur la carte des lieux éloignés de toute civilisation en laissant leur « cheval » avancer à sa guise mais fut tiré de sa besogne par les cris de goret de Miss épouvantail.

Un coup d’œil rapide et courroucé lui montra tour à tour la joie et la déception de l’adolescente. En suivant son regard il comprit bien vite pourquoi : elle avait dû prendre cet arbre mort pour l’objet de ses obsession, pauvre fille. Un profond mépris se lisait sur le visage de Liam qui se détourna pour continuer sa tâche en serrant les dents, agacé par le grattement de l’ongle de la rouquine contre le bois de la charrette. Son murmure plaintif acheva d’irriter le trentenaire qui susurra à mi voix, si bas que personne ne l’avait probablement entendu :

- Pourquoi, t’as pas aimé notre séance d’acrobaties ?

Jonh, lui, n’avait pas l’air d’avoir été traumatisé par l’expérience en tout cas. Il fallait dire que ce faire chevaucher par une nana aussi dépressive que lui avait dû lui être agréable… Liam aurait d’ailleurs mit sa main à couper que ce mec n’avait pas tiré son coup depuis un moment. C’était sûrement ça qui l’avait rendu si irritable au début de leurs petites aventures. D’ailleurs le borderline avait l’air d’humeur pédophile car il se mit à offrir des bonbons sortit de nulle part à toute la troupe, en supposant que ça leur remonterait le moral. Soit dit en passant le tueur doutait grandement qu’un petit apport de sucre efface tous leurs mauvais souvenirs. D’ailleurs d’où sortait-il ces bonbons ? C’était trop soudain, trop louche… la méfiance de Liam le titillait grandement, à la limite de la paranoïa. Après tout qu’est-ce qui lui disait qu’ils n’avaient pas comploté pour lui faire bouffer du poison et le balancer raide mort sur le bord de la route ? On était jamais trop prudent.

- Comme si j’allais en prendre sans que t’en ai mangé avant… j’suis pas suicidaire.

Il accompagna sa réponse d’un sourire féroce qui fit lever les yeux au ciel de Jonh. celui-ci en goba un pour lui prouver sa bonne fois et, une fois que le taulard fut sûr qu’il ne crachait pas le tout dans un coin il prit un bonbon à son tour. Il était légèrement acidulé et semblait crépiter sur sa langue comme certaines friandises du monde réel qu’on trempait dans une poudre. Mise à part cette étrange sensation il se sentait parfaitement normal, il se mit donc à jouer négligemment avec sa langue pour faire glisser le bonbon d’une joue à l’autre sans se rendre compte qu’imperceptiblement les cheveux du dépressif commençaient à pousser (et que les siens suivraient bientôt le même exemple).

Selene fixa longuement Jonh avec des yeux ronds, les lèvres tremblantes signalant qu’elle était une nouvelle fois au bord des larmes. Ça se voyait bien qu’il était un mec… bien sûr que violer une adolescente n’avait pas dû lui déplaire, bien au contraire ! Malgré ce qu’il lui avait dit quand ils étaient dans l’étable, il devait certainement avoir apprécié de coucher avec elle, sous emprise magique ou non, et désormais, il lui crachait ce fait à la figure comme si c’était une banalité à placer sur le même rang que toutes leurs autres mésaventures. Une nouvelle fois depuis qu’elle le connaissait, son estime pour le dépressif venait d’en prendre un sacré coup, et à cette instant, jamais elle ne s’était sentit aussi seule de sa vie. Même la gamine, la petite Ella, qu’elle avait adoré aux premiers abords, s’était rangée du coté de Liam en la voyant comme une ennemie ou une rivale.

Renfrognée dans son coin, le menton enfoui dans ses genoux, la galloise ne daigna même pas regarder Jonh lorsqu’il lui tendit un bonbon en lui disant que ça lui remonterait le morale. Elle eut l’impression que son estomac s’était décroché, et l’envie d’exploser la prit si fort qu’elle dût enfoncer ses ongles abimés dans la chair de ses bras pour se retenir. C’était vraiment le comble ! Après lui avoir dit qu’il devait sans doute y avoir pire de se faire violer deux fois avec une désinvolture affligeante, voilà qu’il lui proposait un bonbon comme on le faisait avec les gamins chiants qu’on voulait distraire. Selene n’était pas souvent vulgaire, mais pourtant, quelque chose qui ressemblait à « va te faire voir » lui brûlait la gorge. Elle fit un effort surnaturel pour ravaler ce qu’elle pensait et souffla simplement :

- J’en veux pas.

De son coté, bien que méfiant, le taulard acceptait volontiers les sucreries proposées par le dépressif qui dû en gober une pour prouver que ce n’était pas un piège. Décidément… vus d’un certain angle, on pourrait presque les prends pour un duo père-fils. Avec Ella qui tenait le rôle le la fille adoptive chérie et protégée, la toquée se sentait étrangement à part. Tellement qu’elle mourrait d’envie de sauter de la charrette en route pour se trouver un asile ailleurs, quitte à risquer de mourir de faim… après tout, à quoi bon…

Pourtant, si ça n’avait pas été la peur de se retrouver livrée à elle-même dans ce monde qui n’attendait qu’un faux pas pour la dévorer, ça aurait été l’évolution de la situation qui l’aurait retenu, juste par curiosité. Les cheveux de Jonh s’étaient mis à pousser démesurément à une vitesse incroyable et bien vite, ceux du trentenaire suivirent cette exemple pour s’étirer très rapidement jusqu’à ses épaules, puis le long de son dos…

Ma foi, si eux avaient l’air plus stupéfait qu’autre chose, un sourire irrépressible naquit sur le visage morne de Selene qui sentait venir la crise de fou rire. Ça n’était pas tant le fait en lui-même qui était hilarant, mais simplement que voir une telle chose survenir dans un moment pareil, c’était du burlesque à l’état pur. Une sorte de ces douces vengeances qu’on voit dans les dessins animés, quand les méchants qui ont fait du mal à l’innocente héroïne sont punis par la bonne fée par une bonne petite farce.

Devant le regard courroucé de Liam, elle ferait peut-être bien de se retenir de rire, sans quoi il risquait encore de se défouler sur elle, et cette fois, la blague de la bonne fée ne l’arrêterait pas. Pourtant, ça restait pratiquement impossible, alors l’adolescente qui avait toujours les genoux tirés jusqu’à son visage enfouit sa tête dans ses bras pour s’esclaffer en silence, le corps secoué de soubresauts d’hilarité. Depuis quand n’avait elle pas rit aussi franchement déjà ? Il y avait bien eut la baignade avec Myia qui l’avait amusé, mais son dernier fou rire remontait bien évidement à un souvenir du monde réel, lors d’une de ses dernières sorties avec ses amies. Dingues comme elles lui manquaient… à cet instant, la galloise aurait presque eut l’impression de ne plus être si loin de chez elle. Elle se voyait déjà retrouver ses camarades pour leur raconter qu’elle avait vu deux hommes désagréables gober des bonbons qui avaient fait pousser leur cheveux jusqu’à leurs pieds. Quelque part, ça valait le détour !

La jeune fille contempla Jonh de ses yeux rieurs. Finalement, il n’avait pas eut si tort que ça… ces confiseries lui avaient remonté le morale, mais peut-être pas dans le sens qu’il l’avait espérer. Elle se sentait plus légère, sa tête lui tournait légèrement, comme si son corps avait perdu l’habitude de tels écarts. Autour d’eux, le paysage n’avait pas l’air de changer énormément. Le cheval marchait au pas selon son bon plaisir, arrachant parfois une tige haute ou une branche d’arbre qui passait à sa portée. Selene rassembla ses cheveux emmêlés dans une main pour les rabattre ensemble d’un coté de son visage. Ça avait presque été un réflexe pour s’assurer qu’elle restait bien normale elle.

- Où est-ce que tu les as eut ces trucs là ?! On croirait un produit de chez farces-et-attrape…


En disant cela, elle pensait bien évidement à la boutique des frères Weasley dans Harry Potter, mais n’étant pas sûr que tout le monde saisisse sa référence – même si ce petit sorcier était devenu une icône inévitable dans le monde réel – elle n’avait pas poussé sa comparaison. Non, pour l’instant, elle se contentait de replonger son menton dans ses genoux sans quitter le dépressif des yeux.

Et voila qu'elle recommençait à la regarder les yeux larmoyants. Mais qu'est ce qu'elle attendait de lui au juste ? Que Jonh la couve comme un bébé en lui disant que tout allait bien, que ca allait s'arranger etc...? Et bah Sélène pouvait toujours courir, le jeune homme en avait assez de chercher à lui prouver que ce qu'ils avaient fait dans la tour n'était pas de son plein gré et encore moins que ca lui avait plus. La rouquine n'avait qu'à pensé que c'était un pervers et bien tant mieux pour elle, au moins cette dernière arrêtera de le faire chier.
Il fallait qu'il pense à se calmer...Liam répondit à sa proposition de bonbons auparavant refuser par la pleurnicheuse de service, mais n'avait pas l'air convaincu de la sécurité des sucreries. C'est vrai qu'il les avaient trouvé dans poche du short mais bon...Comme pour lui montrer que si il y avait un problème ce n'était pas de sa faute, Jonh en prit un suivit de Liam. Les secondes passèrent sans aucun résultat , la seule chose c'était que Sélène le fixait bizarrement avant de se retenir de rire , ça se voyait par la petite remonté de ses fossettes. Le dépressif ne voyait pas ce qu'il y avait de comique mais il ne tarda pas à comprendre lorsqu'il releva les yeux sur Liam, qui à présent arborait des cheveux longs digne de la longueur de princesse Raiponce. Le jeune homme devait avoir la même tignasse ce qui expliquait l'hilarité de la rouquine. Sauf que Jonh ne trouvait pas ça marrant du tout...C'était loin d'être discret.

- Génial...bon arrête de rire toi où je t'en fais bouffer

Lâcha t-il irrité en s'adressant à Sélène qui essayait de cacher son fou rire.
En plus de ça le dépressif n'avait rien pour couper ses nouveaux cheveux. La seule personne ayant un couteau étant le taulard.

- Liam tu peux me couper les cheveux ? Après l'avoir fait avec les tiens bien sur

Jonh pria intérieurement que ce dernier accepte de s'improviser coiffeur. Il ne se voyait pas du tout se trimballer comme ça dans Dreamland, ca serait hyper gênant pour courir ou pour faire de la discrétion.

Le père Fouras… euh… Liam jeta un regard de haine glacée à Selene à travers les monceaux de capillarités qui envahissaient désormais l’espace entier de la charrette jusqu’à trainer au sol. Avant même d’avoir pu se rendre compte du problème et de cracher le bonbon le mal était déjà fait, ses cheveux et sa barbe avaient alors connu une croissance telle qu’à côté du taulard princesse Raiponce faisait petite joueuse. D’aucun aurait trouvé dans la punition similaire de Jonh un quelconque réconfort mais lui s’en fichait bien. Tout ce qu’il voyait à travers son écran de rage était l’adolescente recroqueviller sur elle-même à pouffer. Pouffer… glousser comme la dinde qu’elle était. S’il n’avait pas eu conscience de tomber à coup sûr s’il se ruait sur elle maintenant il ne s’en serait pas privé, mais son cerveau lui souffla avec mesquinerie que la vengeance était un plat qui se mangeait froid (quoi que pas trop, sinon ce n’était même plus bon).

Il laissa Miss épouvantail rire tout son saoul, discutant gaiement de l’origine des bonbons magiques avant de se faire rabrouer par le dépressif. Il profita de ce laps de temps pour dégoter son couteau papillon dans les tréfonds de sa poche de jean avant de se mettre à tailler dans sa barbe, juste sous le menton. Lorsque Jonh lui commanda une coupe il ne prit pas la peine de répondre tout de suite, s’appliquant à couper désormais la tignasse sombre qui cascadait dans son dos, cette fois à hauteur des épaules. Impossible de faire mieux sans l’aide d’une tondeuse ou d’une paire de ciseau, et ce n’était pas plus mal. Avec sa nouvelle « tête » il serait probablement méconnaissable sur les affiches qu’Asmodée aurait éventuellement placardé pour les retrouver. Ce mal pour un bien n’éteignait pas pour autant le feu intérieur qui lui brûlait les entrailles, ce désir impérieux de faire ravaler son sourire à l’asperge rousse, en lui faisant bouffer ses dents au passage.

- Je peux, se décida-t-il enfin à répondre d’une voix étrangement sereine, mais je vais déjà évacuer la tonne de cheveux que j’ai coupé.
Il se mit alors debout en équilibre instable, avançant avec précaution dans la charrette pour faire tomber des pelletées de poils bruns. Lorsqu’il arriva hors de vue de l’agaçante donzelle il se saisit d’une mèche longue et épaisse qu’il passa brutalement autour de sa gorge. Et il tira.

- Ah tu trouvais ça drôle hein ? Ca l’est toujours maintenant ? Bah rigole un peu, je veux bien participer aussi cette fois !

Liam tirait si fort en arrière que Selene avait été forcée de se lever, son visage commençant à bleuir. Le taulard accueillait la scène avec sourire, raffermissant sa prise sans se soucier le moins du monde des gigotements de sa proie, du bipolaire et de sa fille. Il pressentait que celle-ci pourrait plus prendre cet « accident » bien que mal, quant à l’autre… avec la tonne de cheveux dans laquelle il nageait il ne ferait pas deux mètres sans se marcher sur la barbe. Tout était sous contrôle, non ? Le tueur colla sa joue à celle glacée de l’adolescente, profitant des sifflements affolés qui s’échappaient de ses lèvres qui viraient au violet sombre.

- C’est bizarre, j’entends toujours rien… s’étonna-t-il faussement en arborant son sourire carnassier.

Il sentait avec plaisir le corps haletant de la phobique contre son corps, si près et si paniqué qu’il en eu aussitôt le piquet. Avec solidarité son bras suivi l’exemple, grandissant d’une manière grotesque qui aurait prêté à rire si le phénomène n’avait pas amplifié la pression sur la gorge de la galloise. Liam colla son bas ventre contre le dos de celle qui n’était pour lui qu’une gamine, souffla à son oreille pour qu’elle seule puisse entendre, même au bord de l’inconscience :

- Je peux faire pire que te tuer tu le sais non ? Alors s’il-te-plait, ne me tente pas.

Il agrémenta sa remarque d’un lent coup de langue sur la joue blanche de Selene avant d’enfin la lâcher, juste quand ses yeux commençaient à se révulser, ne montrant plus que leur blanc. Vivante mais inconsciente, sauve mais probablement définitivement terrifiée. En somme juste de quoi satisfaire Liam qui se mit à vider de nouveau la charrette des cheveux coupés comme si de rien n’était. Ca ne valait même pas la peine d’en parler. Il se contenta juste d’un bref regard vers Jonh à qui il lâcha avec un étrange sourire :

- Ne t’inquiètes pas elle est vivante. Il fallait juste la remettre à sa place.

Le taulard dégagea d’un coup de pied le dernier tas pileux lui appartenant et sortit de nouveau son couteau en se rapprochant avec prudence du dépressif, feignant la nonchalence :

- Toujours partant pour une petite coupe ?

Décidément, Jonh l’avait envoyé balader et ça n’avait qu’à moitié surpris l’adolescente. Elle commençait à s’habituer au fait qu’il ne soit pas aussi gentil qu’elle l’avait crut au premier abord, et qu’en réalité, il n’en avait pas plus à faire d’elle que du paysage qui défilait autour d’eux avec une monotonie affligeante. Un dernier petit rire lui échappa quand il demanda avec un naturel effrayant au taulard de s’improviser coiffeur, puis elle décida de ne plus faire attention à eux puisque de toute façon, ils n’avaient pas l’air de faire attention à elle. Elle préférait songer à une foule d’épouvantails qui se dresserait régulièrement aux abords de la charrette, lui murmurant des paroles encourageantes. Parfois, elle leur répondait du bout des lèvres, assez bas pour que personne ne se rendre compte qu’elle parlait toute seule ; d’autres fois, elle se contentait d’un sourire triste et las qui en disait long sur sa faiblesse physique et psychologique.

La galloise n’avait pas du tout vu venir le coup de Liam et à bien y repenser, elle avait été parfaitement stupide de lui tourner le dos. La pression sur sa gorge lui faisait horriblement mal et l’air lui manquait déjà. Jamais dans ses souvenirs, et heureusement pour elle, elle ne s’était faite étrangler ; et pour tout dire, elle aurait aimé ne jamais avoir à faire l’expérience d’une telle sensation. Elle avait beau se débattre, essayer de frapper le trentenaire ou d’écarter ne serait-ce qu’un peu la courroie capillaire qui l’enserrait, elle ne parvenait à rien sinon s’épuiser encore plus vite et faire siffler sa respiration bloquée.

Que faire alors ? Elle allait vraiment mourir comme ça ? Par les mains de cet homme ? Selene ne comprenait finalement pas qui était Liam, et sans doute ne voulait plus essayer de comprendre. Elle n’aurait pas discerné si c’était la terreur ou le manque d’oxygène qui commençait déjà à la déconnecter de la réalité, mais le fait est que ses oreilles bourdonnaient, son cerveau se faisait lourd et douloureux et le taulard, cruel, enserra sa prise avant de lui coller son membre dans le dos.

En réponse à cette sensation dure et chaude, la galloise chercha à se débattre plus encore, ouvrant et fermant la bouche avec l’espoir d’en faire sortir un son qui implorerait son bourreau de la laisser tranquille, mais rien. Elle finit par se changer en épouvantail, mais ses bras de branche n’étaient pas plus efficaces que ses mains pour se défaire de l’étreinte solide du trentenaire.

Quand elle commençait à tourner de l’œil, et que son esprit glissait vers l’ombre de l’inconscience, enfin, l’air fit une entrée salvatrice dans ses poumons en feu, et elle s’effondra mollement sans avoir la force de se retenir. Selene avait l’impression d’avoir quitter son corps. Elle ne sentait plus rien… ni ses jambes, ni ses bras, ni même son pouls qui battait ses tempes avec violence. Elle laissa s’échapper un râle faible et inaudible, incapable de savoir si ses yeux s’étaient rouverts ou s’ils étaient toujours fermés. Que devait-elle penser ? Que devait-elle faire ? Ces questions tournaient en boucle dans son cerveau bloqué, mais aucune réponse ne lui venait car elle ne parvenait pas encore à réfléchir correctement. Tout ce qu’elle savait, c’est que Liam… était un monstre. Il l’avait violé, avait tenté de la tuer, et l’avait menacé de pouvoir recommencer l’un comme l’autre n’importe quand, quand il le voudrait.

La galloise essayait de trouver à quoi elle pouvait rattacher cette sensation. Ce fait d’être prisonnière, humiliée, martyrisée, sans avoir l’ombre d’une chance de se défendre. Pourtant, il y avait des témoins non ? Que faisait Jonh ? A lui aussi ça paraissait tout à fait normal d’étrangler des adolescentes innocentes simplement pour passer son humeur ? Quel était ce monde de fous où elle était tombée ? Pourquoi ? Pourquoi…

Une première secousse se fit sentir. Combien de temps après qu’elle se soit écrouler ? Elle n’en avait aucune idée. Elle sentait la douleur dans sa gorge comme une pelote d’aiguilles plantée dans sa trachée, le bout de ses doigts de pieds fourmillait, tout son corps lui paressait lourd et mou, et ça n’était pas à cause de sa parure de paille. Elle essaya de parler, d’au moins articuler un mot, mais rien. De toute manière, personne ne s’était soucié d’elle. Ni Ella, ni Jonh. Ils auraient put la laisser mourir à l’arrière de la charrette, entre une caisse de viande séchée et une autre de pain, que rien n’aurait sur les faire s’émouvoir ou au moins réagir.

A cette pensée, une larme roula sur la joue de la jeune fille, puise une autre, et toute deux moururent dans le bois avec silence et discrétion. Qui saurait que derrière le voile de cheveux roux qui masquaient son visage, elle pleurait pendant que tout le monde se satisfaisait du faite qu’elle était « juste » inconsciente ? Personne. Personne à part ses fidèles amis, qu’elle était même trop faible pour graver quelque part à l’heure actuelle. Cette souffrance était si lourde à porter à elle seule, car elle n’avait personne… ses seuls compagnons ne lui renvoyait qu’une image où elle était fautive, alors qu’elle ne l’était pas !

Ses souvenirs divaguèrent vers Myia. Qu’est-ce qu’elle aurait aimé la voir avec elle en cette instant… elle se serait réfugiée dans ses bras, inconnue ou pas, et aurait laissé éclater ses sanglots de longues heures. Mais il fallait se rendre à l’évidence qui était une cruelle réalité : même dans le monde des rêves, aucun souhait ne se réalise en claquant des doigts. Alors elle était condamnée à rester en la compagnie de ses bourreaux, à moins de sauter en route pour risquer de mourir quelque part.

Soit il attendrait, de toute façon c'était pas comme si Jonh s'attendait à ce que Liam lui fasse le plaisir de lui couper les cheveux en premier. Par contre la suite lui plut moins mais que pouvait il faire hein ? A part peut être recevoir un couteau ca pouvait toujours être sympa. Et puis si ca permettait de calmer Sélène un petit peu. Et puis de toute manière, le dépressif ne pouvait pas bouger avec tous ses cheveux. Jonh réprima une grimace lorsque le taulard lécha la joue de la pauvre adolescente mais il eut comme la décence de le rassurer en affirmant qu'elle n'était pas morte. Liam s'approcha alors de Jonh lui demandant si il voulait toujours qu'il lui coupe les cheveux. Pourquoi ? Il croyait que son petit spectacle lui avait fait peur ?

- Ouais vas y

Une fois la coiffure finit , Jonh avait tout d'un coup moins chaud avec tous ses cheveux en moins qu'il s'empressa de jeter par dessus bord pour faire de la place tandis que ses compagnons derrière son dos subissait des transformations ainsi qu'une subite odeur de souffre emplissait l'air. Et puis c'était quoi cette fourche rouge ? Lentement le dépressif se retourna et manqua de tomber sur ses fesses devant ce qu'il voyait. Lui-même devait être beau à voir tiens...Du peu qu'il en apercevait avec ses bottes a talons noirs, ses collants rouge immonde et...des cornes ? Génial le voila transformé en diablesse.

Spoiler:

- Ouais bah...niveau discrétion c'est rappé...

Il soupira avant de s'asseoir, surveillant Liam du coin de l'oeil des fois que , on ne sait jamais, voir le dépressif en diablesse sexy pourrait lui donner des mauvaises idées. Il était toujours bon de garder la fourche près de soi.

Selene n’aurait en aucun cas été capable de juger combien de temps elle était restée mollement allongée au sol, inerte, le visage trempé de pleurs silencieux et la gorge douloureuse. Elle s’était déconnectée de ce qui l’entourait et n’avait pas plus suivi l’évolution du décor autour d’eux que la coupe au couteau que s’offraient Liam et Jonh.

Ce fut seulement lorsqu’un petit rire mutin jaillit de nulle part résonna au dessus d’elle que la jeune fille se décida à se redresser lentement. La première chose qu’elle vit fut un tournoiement orangée qui se dissipa malicieusement aussi vite qu’il était apparue pour la laisser… changée. Fini sa robe blanche volée, son grand caleçon sale et son gilet taché de sang. Elle était habillée d’une robe courte qui lui arrivait à peine à mi-cuisse ; cuisses revêtant d’ailleurs des collantes résilles noires qui allaient à merveille avec ses chaussures à grands talons.

Spoiler:

D’une main, elle tâta le tissu pour s’assurer qu’il était bien réel, avant de réaliser que le dépressif avait également adopté par magie une tenue qui le tournait au ridicule. La galloise se serrait sûrement une nouvelle fois permise de rire si la présence de Liam ne la réduisait pas à une sensation de crainte intense. D’ailleurs, qu’allait-il penser quand il la verrait vêtue de façon si aguicheuse ?

Cette simple question l’effrayait plus que de connaitre l’origine de ce changement, car elle commençait à s’habituer aux bizarreries de Dreamland. Mais si elle pouvait s’accoutumer à ce monde de fous, jamais elle ne pourrait se faire à la maltraitance du taulard. Était-ce parce qu’il ravivait en elle ses souvenirs d’enfance ? Ou juste parce qu’elle avait pris son viol comme une condamnation ? Elle ne savait pas vraiment, mais la certitude que Liam la terrifiait était, elle, bien définie.

Selene voulut essayer de se relever, mais si elle était auparavant installée à l’ombre des caisses de vivres qu’ils avaient récupéré à Telehem, une fois sur ses pieds, le soleil cinglant des collines l’a frappa de plein fouet et sa peau se mit à la brûler intensément. Elle poussa un cri de douleur en portant ses mains à son visage et voulu se rassoir vivement pour échapper à la morsure cuisante ; mais au même instant, la charrette roula sur une pierre qui lui fit faire un cahot brusque. Surprise et trop occupée à palper ses traits encore chauds sous ses doigts, l’adolescente ne put se retenir à rien du tout et bascula du véhicule sur la route qu’ils parcouraient.

Son hurlement strident effraya le cheval qui hennit bruyamment en se dressant sur ses quatre jambes arrière avant de partir dans un galop furieux. Laissée sur place, la toquée avait l’impression d’avoir été jetée dans une cuve d’acide qui lui rongeait la peau avec une force irrésistible. Elle n’arrivait plus à contrôler les spasmes qui la secouaient, et quand elle parvint à entrouvrir les paupières entre deux éclairs de douleur intense, elle voyait sa chair qui se craquelait en virant au gris cendre. Ses cris redoublèrent à s’en arracher les cordes vocales, cette fois-ci plus de terreur que de souffrance, et dans un dernier élan de désespoir, elle réussit à se faire rouler sur le coté à l’aveugle, en espérant réussir à se défaire de cette morsure acide.

Quand enfin elle commençait à tourner de l’œil et qu’elle sentait que ses doigts commençaient à s’effriter, la chaleur brûlante qui l’avait avalé cessa subitement, et elle resta immobile, les yeux clos. En réalité, peut-être était-elle morte ? Peut-être s’était-elle décomposée, réduite en poussière, comme un…

- Vampire…

Sa voix faible et enrouée avait terminé sa pensée avant qu’elle ne lâche un soupir. Elle ramena ses mains à son visage pour vérifier son état et put avoir le soulagement de constater que ses doigts, comme son faciès, étaient intactes. Ils avaient dû retrouver leur aspect d’origine au moment où elle avait échappé à ce qui l’attaquait. Rassurée à l’idée qu’elle ne découvrirait pas son corps à demi craquelé comme un vieux parchemin oublié dans une pyramide, l’adolescente ouvrit ses yeux noisette pour inspecter les alentours. Rien que le reflet du soleil sur le paysage lui brûla la rétine en lui laissant une tâche sombre dans son champ de vision pendant plusieurs minutes. Elle s’était détournée sur le coup, et le temps de récupérer, elle réfléchissait à voix haute.

- Alors… sans aucune raison… je me retrouve habillée comme la fille de Dracula et… je crains le… soleil ? Je suis devenue vampire ?

En un flash, elle revit la dernière scène chez Asmodée. La salle de bain, l’irruption des disciples et… la morsure. C’était cela ! On racontait bien que ceux qui se faisaient mordre par des vampires en devenaient aussi non ?

- Oh mon dieu, non…

Selene ramena ses genoux contre elle pour les serrer dans ses bras et cette fois, ouvrit les paupières avec prudence. Elle réalisait qu’elle avait roulé sur trois ou quatre mètre, jusqu’à un arbre dont le feuillage touffu empêchait complètement le moindre rayon de soleil de filtrer. Elle avait eut de la chance, car sans cela, elle serait certainement morte carbonisée sans que personne ne puisse l’aider – si toutefois quelqu’un en ce monde en aurait eut envie. Pourtant, elle n’était pas du tout rassurée… bien que le passage du nuage orangé et le changement magique du costume restaient inexplicables, il n’en restait pas moins que l’explication la plus logique était : « mordue par un vampire => devenue vampire ». Alors de ce fait, une foule de crainte venaient s’entrechoquer dans son esprit affaibli : allait-elle devoir boire du sang ? Sera-t-elle immortelle ? Aura-t-elle une super force ? Conservera-t-elle ses particularités de voyageuse ? Pourra-t-elle rentrer chez elle malgré tout ?

Elle cherchait un endroit où elle pourrait grattouiller des épouvantails pour se soulager, mais c’était impossible. Même si elle était à l’ombre, la lumière du jour lui donnait mal aux yeux, et elle ne pouvait pas les garder ouverts très longtemps. Elle se résigna à garder le visage enfouit dans ses genoux jusqu’à ce que des questions plus proches de sa réalité actuelles viennent sonner à sa porte. Qu’allait-elle faire désormais ? Elle avait perdu de vue la charrette et ses compagnons… où aller ? Comment se nourrir ? Comment se déplacer hormis à pieds ?

Incapable de répondre à tout cela et submergée par tous les derniers évènements, la jeune fille éclata en sanglot.

Maintenant que Miss épouvantail était allongée au sol inconsciente et donc bienheureusement silencieuse, Liam pouvait se lancer dans sa nouvelle carrière de coiffeur. Il cisaillait avec rudesse les longues mèches de cheveux et de barbe de Jonh et ne s’arrêta que lorsque celui-ci eut la même tête de pèlerin que lui. Il ne leur manquait qu’un troisième homme pour ressembler aux rois mages, bien que ni lui ni le dépressif n’ai le profil du puritain charitable. Sa tâche désormais accomplie, ils évacuèrent ensemble la montagne pilleuse qui s’entassait dans leur charrette, pouvant désormais reprendre la route. Enfin… en théorie. En pratique c’était bien différent, un esprit farceur ayant eut la bonne idée de leur souhaiter un joyeux halloween façon Dreamland. A peine Liam avait-il posé les fesses sur le banc du conducteur qu’une étrange lueur orange avait tournoyé autour de leur petit groupe, les laissant dans des costumes dérangeants et grotesques.

- Humpffmmmpfm ! Ragea le taulard en portant les mains à son visage pour tenter d’en écarter les bandelettes qui le couvrait.

Cet effort fut vint, et après une bonne minute de lutte il finit par baisser les bras et porter enfin attention aux gens autour de lui. Ce fut presque sans surprise qu’il découvrit que désormais Ella flottait au dessus du siège couverte d’un drap blanc alors que Jonh était travesti en diablesse aguicheuse. Le spectacle du jeune homme avait à la fois quelque chose d’amusant mais aussi, dans les tréfonds de l’esprit tordu du taulard, quelque chose d’excitant. S’il n’avait pas été emballé de manière aussi atrocement serrée il aurait probablement tenté quelque chose mais pour l’heure il se contenta de reluquer sans gêne, son entrejambe douloureusement comprimée au fur et à mesure de son désir croissant. Quant à Selene… mais où était cette gamine d’ailleurs ?

Les yeux de Liam fouillèrent la charrette sans rien trouver, mais la donzelle se révéla d’elle-même en se redressant de l’ombre entre deux caisses. Elle portait une tenue relativement sexy qui n’avait pas grand-chose à envier à la tenue du bipolaire avec un décolleté qu’elle ne remplissait qu’avec peine mais le taulard n’eut pas le temps de plus détailler. A peine se fut-elle redressée qu’elle se mit à hurler, la peau fumant littéralement sous les rayons du soleil. Ok… une momie, un fantôme, un diable et un vampire. L’esprit qui leur avait rendu visite avait visiblement un humour particulier car plus que de leur donner des apparences de circonstances ils avaient aussi hérités de quelques particularités. Celle de la toquée risquait même de la réduire en tas de cendre et devant cette constatation le tueur regretta aussitôt de ne pas avoir assouvi ses précédentes envies la concernant. C’était bien plus agréable de se tapir dans un trou humide que dans un tas de cendre, si seulement il n’avait pas refreiné ses pulsions !

Il regarda la jeune fille tomber de leur véhicule avec un vague sentiment de regret, mais le cri qu’elle poussa effraya leur monture qui partit au triple galop. A l’étroit dans son costume et désespérément rigide il lui fallut un temps fou pour stopper leur attelage, et encore plus pour faire demi tour sans s’embourber dans un fossé. L’idiote était probablement morte, mais le taulard ne pouvait se résoudre à partir sans vérifier. Après tout si elle avait juste profité de l’occasion pour se tirer, son orgueil ne le supporterait pas. Une poupée gonflable n’avait pas à s’enfuir, où du moins pas avant d’avoir rampé devant lui comme un ver en suppliant. Ou était passé ses manières ?! Il n’y avait plus qu’à espéré pour elle qu’elle soit réellement morte sinon elle risquait de passer un sale quart d’heure…

Le chemin inverse leur prit un certain temps maintenant que le cheval à huit jambes avait reprit une allure normale. Liam finit par le faire s’arrêter à l’endroit où les herbes s’était tassées sur une grande largeur, comme si quelqu’un avait roulé le long de la pente comme un vulgaire tonneau. Il descendit de la charrette avec lenteur, gêné dans ses mouvements, pour suivre la piste. Etre ainsi entravé était désespérant, tout comme cette impression que même un escargot paraplégique serait plus rapide que lui. Cela ne l’empêcha toutefois pas d’atteindre l’arbre au pied duquel Selene était recroquevillée comme pour attendre des coups. Et cette conne pleurait.

Liam cracha de mépris… ou du moins tenta, ne réussissant qu’à humidifier ses bandelettes à hauteur de sa bouche. Il se baissa et attrapa la main de Selene pour la tirer avec violence vers la charrette mais à peine un rayon de soleil eut-il effleuré la peau blanche de l’adolescente que celle si se mit à fumer en provoquant une douleur insoutenable. Le taulard lâcha sa prise, permettant à la pauvre toquée de réintégrer l’ombre, après quoi il la jaugea longuement en silence.

Quelle joyeuse bande était dans la charrette. Quiconque les croiseraient les prendraient sans doute pour des fous habillés comme cela. Une momie, un fantôme, un vampire et sans doute un diable , ou plutôt une diablesse vu la fourche. Alors que Jonh surveillait Liam du regard , même si il ne pouvait pas vraiment faire grand chose emballé comme un papier cadeau, un cri strident retentit. Surpris le dépressif sursauta avant de se rendre compte que c'était Sélène qui poussait un cri. Il n'eut pas le temps de la rattraper qu'elle était tombé du chariot , celui ci continuant son chemin tandis que quelques secondes après un hurlement horrible se fit entendre et emballa le cheval. D'ailleurs cela étonna Jonh que le taulard fasse demi-tour , à moins que c'était parce qu'il voulait encore se la taper ?
La charrette rejoignit tant bien que mal l'endroit où Sélène était tombé, ses occupants descendirent pour suivre les traces laissées par, la vampire. Cette dernière se trouvait au bout tapi sous un arbre pour se cacher du soleil. Sans un mot la momie l'avait attrapé pour l'emmener mais aussitôt que les rayons atteignirent Sélène cette dernière se mit à hurler et à fumer avant de rejoindre à nouveau l'ombre. Génial. Jonh regarda autour de lui cherchant un moyen pour la faire regagner le chariot. Bon il y avait toujours cette solution là...
Sans rien dire, le dépressif fit demi tour et regagna leur moyen de locomotion avant de monter. Aussi vite qu'il put il vida la caisse l'a moins remplit dans une autre pour pouvoir l'a porter et sans servir comme parasol. Il voyait déjà Liam se foutre de sa gueule pour avoir eu une idée aussi débile mais peu importe, il s'en foutait de son avis.
Le jeune homme rejoignit les deux autres déguisés caisse à la main et s'approcha de Sélène, montrant la caisse :

- Lève toi , on y va

L’adolescente était restée un moment prostrée la tête dans ses bras, genoux ramenés à elle, pleurant toutes les larmes qu’elle avait jusque là retenu du mieux qu’elle avait put. Mais au fur et à mesure que ses sanglots secouaient ses épaules frêles, elle se demandait de temps à autre si ça n’était pas mieux ainsi, et si, peut-être, s’étaient glissés dans ses larmes quelques expressions de soulagement. Après tout, accompagnant Liam et Jonh, elle se sentait sans cesse souillée d’un péché qu’elle n’avait pas commis. C’étaient eux les tueurs et les menteurs, eux qui l’avaient entrainé dans cette fuite fourbe. Certes elle avait eut peur d’être seule et de mourir de faim mais… finalement, serait-il vraiment impossible qu’elle se débrouille seule ? Et puis, si elle était réellement devenue vampire, elle était immortelle non ?

Selene fut tirée de sa rêverie par une main rêche qui saisit la sienne pour l’entrainer vigoureusement. Elle n’eut pas le temps de réaliser quoique ce soit, autant à cause de la surprise que de sa vision embuée par les larmes ; la première chose qu’elle sentit alors, fut la morsure douloureuse du soleil sur sa peau blanche. Elle hurla et fit un brusque mouvement arrière pour se dégager. Par chance, l'emprise se desserra, et elle se réfugia à l’ombre de l’arbre à recul, tenant de sa main saine celle qui se remettait lentement d’une brûlure violente.

Levant la tête, elle vit la grande momie, l’un de ses bras plus saillant que l’autre sous ses bandelettes, et sa réaction spontanée fut de crier une nouvelle fois en reculant jusqu’à ce que son dos soit stoppé par le tronc large de son havre salvateur. Ses yeux commençaient déjà à la picoter à cause des reflets du soleil de l’après-midi qui l’entouraient inlassablement. Elle aperçut alors, un peu plus loin, la charrette qu’elle reconnut immanquablement, et la silhouette d’un homme en talon dont elle savait deviner l’identité.

Sans savoir vraiment pour qu’elle raison, la jeune fille se laissa glisser le long du tronc, yeux fermés, et ce fut la voix du dépressif qui la fit ouvrir ses paupières lassées par la lueur trop vive. Elle le jaugea un court instant, interrogative, avant de comprendre ce qu’il voulait qu’elle fasse. Machinalement, elle secoua la tête en signe de négation, mais se releva pour se plaquer plus à l’arbre encore.

- Je ne… veux pas… je vais mourir !

Soudain, peut-être motivé par son désir de s’échapper de cette situation, un frisson parcourut toute son échine de la tête au pied. Alors, une épaisse fumée noir émana de chacun de ses pores pour l’envelopper, et quand elle se dissipa, à la place de la jeune rouquine se tenait une petite chauve-souris aux poils rougeoyant qui battaient maladroitement des ailes. Selene ne comprenait rien à ce qui lui arrivait. La lumière lui paraissait encore plus aveuglante, tandis que ses compagnons avaient brusquement l’air gigantesque. En cherchant à apercevoir ses jambes, ou ses bras, elle ne vit que le vide et ses petits membres qui s’agitaient avec une non-expérience flagrante.

*Je suis… une chauve-souris ?!*

La toquée avait voulu pousser un cri, mais le son suraigu qui sorti de sa gorge blessa tellement ses propres oreilles qu’elle se tut immédiatement. Commençant tout de même à fatiguer de son vol stationnaire, l’adolescente chercha à prendre plus consciemment le contrôle de ses ailes pour gagner en altitude ; et voilà que très vite, elle se cognait à l’une des hautes branches de l’arbre cachée derrière un monceau de feuilles larges. Sonnée, elle virevolta un moment, complètement désorientée, alors que dans un nouveau nuage de fumée, elle reprenait sa forme humaine.

Elle se rattrapa in extrémis à une branche pour ne pas chuter de la hauteur à laquelle elle se trouvait, et s’assit dessus en amazone, une main apposée sur le tronc pour garder son équilibre. L’arbre était fait de telle manière que les premières blanches de son corps épais étaient déjà à presque deux mètre du sol. Selene voyait mal Liam dans son apparat de momie, ou Jonh en diablesse tenter de grimper pour la chercher ce qui avait quelque chose de rassurant. Mais ça signifiait également qu’elle s’était rapprochée du ciel, donc du soleil, et d’ailleurs en levant les yeux, elle vit les feuilles les plus hautes illuminées par les rayons qu’elles retenaient.

Un voile de verdure la séparait également de la vision du sol, mais ici et là, elle pouvoir voir se déplacer ses acolytes masculins qui avaient l’air de ne pas vouloir partir sans elle. Renforcée par l’idée d’être hors d’atteinte, même si elle ne comprenait décidément pas ce qui se passait, la galloise lâcha brusquement :

- Vous me voulez quoi ?!

Cette simple exclamation presque suppliante, poussée avec toute la rancœur et la tristesse qu’elle refoulait depuis plusieurs jours suffit à l’angoisser par avance de la vague qui arrivait. Ses mains tremblantes, elle cassa nerveusement une pointe de branche à proximité pour commencer à graver dans l’écorce du tronc l’un de ses amis épouvantails qui allait l’encourager dans sa diatribe ; et sans s’en rendre compte, elle déclenchait aussi sa seconde faculté qui allait atteindre les deux hommes.

- Pourquoi vous tenez à ce que je vous suive ?! Pour me violer encore ? Et me maltraiter ?!

Ses grattements contre le bois redoublaient, quelques larmes perlant à nouveau sur ses joues encore humides.

- Je… je préfère encore rester ici toute seule que de vous suivre pour que vous me traitiez comme un objet ! Et je suis sûr que si je viens, Liam me tuerait en m’exposant au soleil à la première occasion, et Jonh il ne ferait rien du tout !

Selene marqua une pause pour joindre sa deuxième main à celle qui taillait avec difficulté une figure dans le tronc. Ses membres étaient secoués de tremblements, mais elle ne pouvait plus retenir la bombe qui avait éclaté désormais. Ca faisait partie de son caractère, bien qu’une part d’elle-même savait déjà qu’elle craignait la réaction des deux concernés.

- Un monstre et un lâche ! C’est tout ce que vous êtes !

Pour une fois son apprenti faisait preuve d’initiative. Liam regarda Jonh revenir avec une caisse vide dans le but de transporter leur cruche en la dissimulant aux rayons du soleil, et ça avec un petit sourire qui ne fut pas perçu à cause de son emballage temporaire. C’était pas idiot, même si ça lui rappelait immanquablement les dessins animés de quand ils étaient gosse, où les personnages tentaient d’avancer de manière discrète sous un carton, tonneau ou autre récipient. Associer Selene à tout ça ne faisait que renforcer le comique de situation, mais il y avait fort à parier que la donzelle ne serait pas d’accord pour ce genre de mise en scène. Et en effet, elle se mit aussitôt à chouiner qu’elle ne voulait pas avant de se transformer en chauve-souris. Si sa mobilité faciale n’avait pas été aussi réduite le taulard aurait probablement haussé un sourcil, mais pour l’heure il se contenta d’un « what’s the fuck ?! » qui se traduisit par :

- Humpfhm ?!

Le mammifère volant fila se réfugier lâchement plus haut dans l’arbre pour se retransformer bien à l‘abri sur une branche assez épaisse pour supporter son poids. Comme la lâche qu’elle était c’est seulement alors qu’elle commença à s’offusquer, se plaindre et geindre. Pauvre choute, on essayait que de la tuer et la violer, elle préférait crever seule qu’être maltraitée, marre que Jonh soit une girouette et lui… ce qu’il était. Un rire étouffé s’échappa du costume du taulard alors qu’il tirait avec lenteur son carnet et son stylo de son sac à main. Il y écrivit consciencieusement en gros quelque chose avant de brandir avec raideur son message afin que l’adolescente puisse le lire depuis sa position. Sur le papier on pouvait discerner en lettres capitales un message à l’ironie si marquée que même un aveugle n’aurait pas pu passer à côté.

DESOLE MA BELLE, J‘AI PAS L‘HABITUDE DE COURIR DANS DES CHAMPS DE FLEURS ET DE COIFFER DES PONEYS.

Un sourire carnassier se dessina sous ses bandelettes alors qu’il rangeait son carnet, non sans continuer de fixer le vampire en toc à califourchon sur sa branche. Qu’est-ce qu’elle croyait franchement ? Que son petit discours allait leur faire remarquer toute l’horreur de leur nature, qu’ils allaient se repentir et virer prêtres ? Les gosses de nos jours étaient vraiment idéalistes…

N’étant aucunement en colère, triste ou terrifié, Liam ne ressentit aucunement les effets du valium. Tout ce qu’il ressentait à cette instant c’était un léger amusement, et l’envie irrépressible de faire s’asseoir cette conne sur un autre type de branche. Peut-être que la troncher une nouvelle fois lui retirerait le balai qu’elle avait dans le cul. Avant toutes choses il fallait faire descendre cette nana de son perchoir, et c’est là que les choses se compliquaient. La branche la plus basse était à deux mètres, escalade facile pour quelqu’un de normal mais avec son accoutrement actuel effectuer cette grimpette se révélait compliqué. Il pouvait bien sûr attendre que cette mauvaise blague passe, mais avec les gens qui les recherchaient depuis Telehem ils avaient autre chose à faire que de faire le planton sous un arbre. Si cette idiote voulait réviser ses fables de la fontaine grand bien lui fasse, mais qu’elle n’oublie pas qu’à la fin c’était le renard qui gagnait. Tout comme lui Liam trouverait bien un moyen de la faire choir, d’ailleurs une idée commençait déjà à germer sous son crâne.

Le taulard s’éloigna de quelques pas pour rejoindre le soleil qui tapait encore fort. Il se pencha avec raideur et commença à entasser avec soin des herbes sèches, sifflotant un air étouffé par le tissu qui l’emmaillotait. Avec Jonh qui montait la garde au pied de l’arbre il pourrait prendre son temps sans trop de problèmes. Il sortit ensuite de son sac sa loupe puis avec cette même nonchalance dirigea le rayon lumineux concentré vers le tas d’herbe… et attendit. Au début rien ne se passa, puis un mince filet de fumée commença à s’élever. Ensuite vinrent les premières flammèches qui se muèrent en flamme jusqu’à constituer un joli petit feu de joie. La momie continua à l’alimenter avec les branches qui lui tombaient sous la main pour s’assurer que le tout ne risquait pas de s’éteindre au bout de quelques minutes. Il resta ensuite quelques instants figé en pleine réflexion, ses yeux sombres ne quittant pas les flammes. Si cette gosse pouvait devenir une chauve-souris, il avait probablement un truc lui aussi non ?

Il finit par se décider à tenter ce qu’il avait en tête et plongea ses mains sous le tas enflammé pour le soulever. Il sentait les flammes qui léchaient ses bandelettes, la chaleur brûlante qui en émanait, tout comme une douleur sourde, comme atténuée. Mais… il n’avait pas réellement mal. Peut-être parce qu’il était déjà mort ? Dans tous les cas son hypothèse se confirmait, il porta donc son brasier jusqu’au pied de l’arbre ou Selene se tenait perchée. L’herbe au pied du chêne commença à prendre feu alors que Liam reculait pour éteindre ses bandelettes en tapant sur le sol. Le temps qu’il y parvienne le bas du tronc commençait déjà à prendre et une fumée épaisse s’élevait jusqu’à la fuyarde. Si la peur de mourir ne la poussait pas à descendre, la fumée la ferait s’évanouir et ils n’auraient plus alors à la cueillir.

C’était lui le patron ici. Si cette petite conne pensait s’enfuir aussi facilement elle se mettait le doigt dans l’œil jusqu’au coude.

Alors la il aura tout vu. Jonh avait la gentillesse de lui avoir proposé son aide et voila que la rouquine se transformait en batgirl et de s'envoler sur une branche. Elle ne manquait pas de culot ! En plus de cela elle se permettait de les insulter de dire qu'ils comptaient la violer, etc...
Là, le dépressif avait vraiment envie de la baffer et de la tuer, il l'avouait. Il pensait que Sélène était une adolescente sympa mais apparemment c'était pas le cas du tout. Comment osait elle le traiter de violeur ? Elle avait toujours pas compris que c'était involontaire et en plus de SA faute à elle et non pas la sienne ? Lui qui s'était même poignarder le bras pour ne pas succomber ? Jonh commençait à en avoir ras la casquette et à voir rouge.
Il voyait vaguement le manège de Liam en train de préparer un feu de bois. De toute façon l'odeur du brulé était présent depuis sa transformation en Diable(sse). Ce n'est que lorsqu'il vit le taulard prendre le tout sans se bruler qu'il haussa un sourcil et de voir l'arbre prendre feu où était perché la pleurnicheuse.
Un sourire en coin étira la lèvre de Jonh. Avec de la chance elle crèvera et...

* Non mais pourquoi je pense un truc pareil ?*

Si la rouquine était pas conne, ce qui était moins sure, elle descendrait pour sauver sa peau. Quoique elle pensait que c'était eux qui voulait sa peau. Comme si ils auraient fait marche arrière rien que pour ça.
Le dépressif croisa les bras en attendant que la vampire daigne bien les rejoindre. De toute façon si elle crevait asphyxier ou brûlé ca leur ferait des vacances non ?

Pour toute réponse à sa diatribe, Liam avait semblé s’adonner un rire étouffé par ses bandelettes serrées qui intrigua l’adolescente. Elle cessa de graver son épouvantail, désormais suffisamment inscrit pour lui inspirer une sensation de réconfort relative, et elle tendit le cou pour apercevoir entre deux épaisses touffes de feuilles un mot que le taulard avait griffonné à son intention. Offusquée par la moquerie de son acolyte, la galloise cherchait quelque chose à lui répliquer, n’importe quoi, mais la colère et la frustration étouffèrent ses paroles dans sa gorge.

Décidément, ils étaient motivés à ne pas partir sans elle, et pour une fois, la jeune fille aurait été ravie de se savoir abandonnée. Manifestement, Jonh ne faisait plus montre d’aucune sympathie à son égard, se contentant de faire le guet au pied de l’arbre imposant, surveillant distraitement un point éloigné que Selene ne voyait pas. Elle soupçonnait Liam de préparer quelque chose à son égard, sûrement une nouvelle manière de la faire souffrir, mais malheureusement, au milieu de son havre ombragé, elle ne pouvait pas l’apercevoir.

Plus les minutes d’attente s’étiraient, plus l’angoisse la gagnait. Bientôt, une infime odeur de fumée lui parvint. Anxieuse, elle cherchait une nouvelle fois à percer les murs de feuillage, implorant sans succès le dépressif de lui dire ce que préparait leur ainé. L’adolescente n’eut sa réponse que lorsqu’elle vit la momie revenir un brasier dans les bras qu’il posa avec une minutie froide au pied de son arbre. Il ne fallut pas beaucoup de temps avant que la concernée ne comprenne ce qu’il voulait, et elle hurla encore une fois, à la fois de peur devant la proximité de la mort, et de désarroi devant l’acharnement du trentenaire à s’en prendre à elle.

Avec les effluves de fumée, la chaleur des flammes montaient jusqu’à elle, picotant sa peau blanche un peu plus intensément à mesure qu’elle gagnait du terrain sur le tronc large. Selene n’avait plus le choix. Fermant les yeux dans un sanglot étouffé, elle souhaita ardemment redevenir la chauve-souris qu’elle avait été quelques instants auparavant et… fut exhaussée dans le même nuage de purée de pois. Battant nerveusement de ses petites ailes couvertes de poils roux, elle voleta jusqu’à Liam pour lui tournoyer autour en piaillant, chargeant parfois maladroitement son crâne couvert de bandelettes.

Totalement désorientée par sa forme d’emprunt, la galloise finit par reprendre forme humaine, tombant lourdement aux pieds de la momie. La douleur la cloua sur place, face contre terre, sa chevelure dessinant une auréole flamboyante. Dans sa chute, sa robe s’était démise, dévoilant ses cuisses habillées de collants résille jusqu’au ras de son postérieur, mais l’adolescente n’eut la forme que de pousser un gémissement plaintif qui ressemblait à un sanglot. Elle sentait tout sa peau la brûler, entre la chaleur des flammes qui léchaient désormais le feuillage, et celle du soleil qui la maintenant dans un périmètre restreint.

Tremblante, elle s’appuya sur ses coudes flageolants pour se redresser légèrement, avant de lâcher d’une voix faible :

- Pourquoi… vous me faites ça… ?

Qu’est-ce qu’ils attendaient d’elle exactement ? Qu’elle soulage toutes leurs envies ? Qu’elle devienne la bonniche de l’équipe ? Le trou qui leur servirait de réconfort quand les épreuves deviendraient trop rudes ? Finalement, réaliser qu’elle n’était pas réellement vampire n’était pas un réconfort, car au moins, sous une nouvelle condition, elle aurait put faire regretter au taulard ce qu’il lui infligeait. Au lieu de ça, elle se trouvait encore à ses pieds, écrasée par sa mesquinerie, sans pouvoir rien faire d’autre que de le suivre.

Elle se releva lentement, sans oser croiser le regard de Liam, puis fit volte face. L’arbre était désormais un brasier énorme qui détruirait sous peu la protection ombragé dont elle bénéficiait encore. Sans autre choix que d’obéir, Selene récupéra la caisse de Jonh et la plaça au dessus de sa tête, mains à l’intérieur. Un moment, elle resta à attendre, priant tout et n’importe quoi de ne pas la laisser mourir de cette manière, puis elle osa faire un pas.

La chaleur solaire en elle-même lui faisait l’effet d’être à proximité d’un grand feu de camp qui menaçait de cuir sa chair, mais elle ne se désagrégeait pas. L’ombre procurée par sa protection sommaire était juste assez grande pour sa préserver, mais cela suffit pour qu’elle regagne la charrette sans encombre et se tasse dans un coin sombre, derrière une grosse pile de caisses pleines de vivres.